Matin Brun de Franck Pavloff : une allégorie du fascisme entre passé et présent

nov.
25

La nouvelle Matin Brun de l’écrivain français Franck Pavloff, parue en 1998 aux éditions du Cheyne, et devenue depuis un best-seller, nous raconte l'histoire de deux amis — «  ni des héros, ni de purs salauds  », comme le précise la quatrième de couverture — témoins de la montée d'un nouvel état «  brun  » aux règles colorées d'absurdité.

Il s'agit d'une incroyable allégorie de la montée des régimes totalitaires qui ont marqué le siècle dernier. Et d'une œuvre militante dénonçant le fascisme et exposant l’extrême facilité avec laquelle un régime dictatorial peut se mettre en place. Franck Pavloff tente de répondre à la question — posée aussi par les historiens et demeurée sans réponse : ceux qui n'ont rien fait, ont-il vu? Ont-ils été complices ? Sont-ils coupables de n'avoir pas résisté?

Pour ce faire, il rend son narrateur acteur de son histoire, et transforme la fiction en ce qui pourrait être un véritable témoignage — lui donnant ainsi toute sa puissance.

Il dote aussi son narrateur d’une passivité redoutable vis-à-vis de ce qui l'entoure – d’une passivité illustrant l'abandon de toute considération sur la société de la part des individus, qui se font peu à peu broyer par ce qu'ils ont voulu ignorer. Et opte pour un récit à la forme très concise — douze pages exactement — de manière à rendre plus sensible la rapidité avec laquelle un régime dictatorial peut s’installer, influer sur la vie des gens — eux qui ne pensaient pas être menacés —, et conduire au drame.

L'absence de données temporelles ou géographiques ainsi que la banalité de la vie que mènent les deux protagonistes assignent en outre à la nouvelle une dimension universelle. Quand l’auteur montre les conséquences des nouvelles lois sur le narrateur et les justifications que celui-ci se donne pour avoir ignoré la situation et n'avoir pas résisté davantage, le lecteur ne peut que s'identifier à celui-ci. Et ce, d’autant plus qu’il n’est pas rare que l’actualité politique contemporaine, notamment en France, lui fournisse la preuve qu’il y a bien encore des régimes capables de mettre en place des lois absurdes sous prétexte d’assurer la sécurité du peuple.

Franck Pavloff nous enjoint, à travers cette nouvelle, de ne pas nous détourner de la société dans laquelle nous vivons. En effet, «  l'histoire ne se répète pas, mais elle bégaie  », comme l'affirme le film d’Henri Turenne, 36, le grand tournant (1970), reprenant la phrase fameuse attribuée à Karl Marx.

 


Cassandre Ostier – L1 Humanités