Skip to Content

Un mauvais rêve

 

Une sensation d'étouffement saisit sa gorge, ses doigts se crispèrent, ses jambes se raidirent. Il battit des paupières. On était en septembre 1973. Son réveil annonçait 3 h 15 du matin.

Il se leva avec l'intention de se préparer une tisane. Il traversa le patio, et se dit que l'air avait une odeur particulière, indéfinissable, qu’il n’avait jamais sentie auparavant. Il entra dans la cuisine, prit une tasse et attendit que l'eau se réchauffât.

Soudain, tandis qu’il cherchait le sucre, un léger tremblement se mit à agiter le sol, d'abord imperceptiblement puis avec de plus en plus de force.

On entendait comme un grondement. Le bruit s’amplifiait C’était le martèlement précis, ordonné, régulier de bottes militaires.

" Ils viennent me chercher ", comprit-il. Il voulut se diriger vers la chambre de sa femme et de ses enfants mais se ravisa : ce serait les mettre en danger. D’ailleurs, il ne parvenait pas à avancer. Ses pieds restaient cloués au sol. Alors il décida d’attendre avec calme et dignité. L'anxiété lui nouait le ventre.

La porte explosa avec fracas. Des hommes s'engouffrèrent par dizaines. On lui menotta les mains et les pieds, puis on le fit asseoir.

Un homme entra alors. Le cliquetis des médailles qu’il portait semblait le précéder. Sa démarche était ferme, sa posture, irréprochable. Les soldats se mirent au garde à vous.

 

 

Il reconnut le général Pinochet.

Le général s'approcha lentement de lui, savourant l'effet qu’il produisait. Un rictus de triomphe déformait ses traits. Il se pencha et murmura : " Comme nous nous retrouvons, Monsieur le Président ! Vous semblez en bien piètre posture, aujourd'hui... Mais nous ne serons pas long, ne vous en faites pas. "

Puis il dégaina délicatement son arme, la pointa sur la tempe du Président et tira.

C’est alors qu’Allende se réveilla ― pour de bon cette fois! Ses draps étaient moites de sueur, sa respiration peinait à reprendre son rythme normal.

" Ce n’était qu'un cauchemar, un mauvais rêve", se rassura-t–il, en regardant son réveil qui indiquait maintenant cinq heures du matin. Dans deux heures, il se lèverait. Ce 11 septembre allait être une longue journée…

 

Charlotte Blanchard - L1 Humanités