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Dans les entrailles de l'Opéra Bastille

8 novembre 2011. Opéra Bastille. Il est 17h30.  Après trois heures de répétition de La Force du destin, une visite des ateliers de confections des décors, et la rencontre du chef d’édition et du directeur de la dramaturgie, cette incursion à l’Opéra est déjà très enrichissante. Dernière étape : la visite des espaces scéniques. Pourvu que celle-ci ne soit pas monotone, se dit-on, car la fatigue nous gagne. Et bien, c’était sans compter le dynamisme de notre guide, qui nous a proposé une visite assez théâtrale. 

Alors, allons explorer  « le plus grand théâtre du monde Â», comme se plaît à insister notre meneur. En effet, le bâtiment représente une superficie et une logistique des plus impressionnantes, avec un dispositif scénique unique. Car voilà, l’Opéra Bastille, c’est  22 000 m2 de superficie, une scène et une arrière scène de 750 m2 chacune, un plateau mouvant de 400 m2, monté sur un ascenseur de 500 tonnes, pouvant en transporter 300, douze décors par an, et 427 millions d’euros dépensés pour sa construction. Et aujourd’hui, il représente un budget de pas moins de 160 millions d’euros répartis principalement entre le cachet des artistes, les décors et les costumes.

Mais revenons un peu sur son histoire. Février 1982 : Mitterrand décide de créer un opéra "moderne et populaire" pour alléger l'affluence au Palais Garnier. Après cinq ans de travaux, le théâtre est inauguré le 13 juillet 1989, anniversaire de la prise de la Bastille. Avec une salle qui atteint les 2703 places, il devient « la plus grande salle d’opéra d’Europe Â». Le guide ne plaisantait pas. 

Après avoir emprunté un « passage secret Â», nous voici sur la scène principale, 30 mètres de largeur pour 25 mètres de profondeur. Temporairement en pente, pour le décor de La Force du destin. C’est déjà assez imposant, pourtant Loïc Durand, le responsable du bureau d’études, nous dit que c’est un décor « très simple Â». On ne sait pas ce qui nous attend. Car la salle de spectacle, c’est seulement 5% du dispositif, donc il y a de quoi faire en coulisse. Par exemple, pendant qu’un spectacle se joue sur la scène principale, un autre peut répéter dans une salle de répétition de surperficie égale. Grâce à de gros rideaux de fer – qui servent aussi de coupe-feu – renforçant l’aspect kafkaïen des lieux, la séparation sonore est nette. Et surtout, l’acoustique sur scène irréprochable, comme nous avons pu le constater lors de la répétition, puisqu’aucun micro ni amplificateur n’est nécessaire.

Nous partons ensuite explorer les sous-sols, au sixième étage en dessous. Après avoir arpenté ce labyrinthe en noir et blanc plusieurs fois dans la journée, on assimile déjà l’envergure des lieux. Cette immensité se confirme avec cette descente en souterrains.
C’est au sous-sol que nous disons au revoir aux décors utilisés, mis en containers, montés sur des plateformes motorisées, puis envoyés dans un dépôt en région parisienne. Système qui illustre l’enchaînement des phases à l’Opéra, toujours avec efficacité pour assurer une mise en place pratique de chacun des spectacles.

Et finalement, pour clore la visite, nous voilà vingt-cinq mètres sous la scène principale, encerclés par les rouages des machines. On retrouve le dispositif du fameux plateau mouvant. Grâce à un système d’ascenseur, des décors sont montés et descendus, permettant un changement d’atmosphère pratique et ingénieux sur scène. Ainsi, après vingt-deux saisons, l'Opéra Bastille brille toujours par sa modernité. Toutefois trop jeune pour avoir son propre fantôme, le théâtre, avec des espaces scéniques représentant plus de 50% du volume total de l'édifice, est une entreprise colossale aussi bien d'un point de vue logistique qu'à travers son statut culturel. Une grosse machine austère, oui, mais au service de l'art, et pour plus de magie sur scène.

Merci encore à Patrick Gonzalès, guide à l'Opéra depuis sa création, pour cette visite étonnante.

Site de l'Opéra national de Paris

Marie Devier & Lis Longo-Cotelo.

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