Les Sirènes chantaient...
Là-bas, vers les îlots,
Une harpe d'amour soupirait, infinie;
Les flots voluptueux ruisselaient d'harmonie
Et des larmes montaient aux yeux des matelots.

Les Sirènes chantaient... Là-bas, vers les rochers,
Une haleine de fleurs alanguissait les voiles;
Et le ciel reflété dans les flots pleins d'étoiles
Versait tout son azur en l'âme des rochers,

Les Sirènes chantaient... Plus tendres à présent,
Leurs voix d'amour pleuraient des larmes dans la brise,
Et c'était une extase où le coeur plein se brise,
Comme un fruit mûr qui s'ouvre au soir d'un jour pesant!

Les Sirènes, Albert SAMAIN (1858-1900)

 

Tendre, douce mélodie de la sirène. Belle, seins nues, elle envoûte et emporte les matelots dans les profondeurs abyssales de l'océan.

Et bien, non.

Ici, pas de belles sirènes aux seins veloutés et à la voix mélodieuse. Dans Siren's Carcass, les sirènes assument leur coté vorace. Elles mangent la chair encore tiède des hommes et aiment la douce odeur de putréfaction. Oublions le tende chant d'Ariel et son fidèle Findus- Pardon Polochon- et entrons dans l'univers de Siren's Carcass, une sorte de Walt Disney sous acide.

Signé sur le net label parisien Darling Dada, Siren's Carcass a sorti son éponyme en octobre dernier. Pour fêter ça, elles se sont offertes une soirée "Release Party Siren's Carcass" entouréees d'invités exquis tel que Félix Kubin, Casio Judiciaire et DJ Princesse Connard au Petit bain à Paris (on apprécie le clin d'oeil), tout ce beau monde signé sur le net label.

Cheptune aquatique, les Siren's Carcass composent sur des claviers destructurés, jouent au circuit bending (technique consistant à court-circuiter des objets electroniques fonctionnant sur pile afin de créer de nouveaux générateurs de sons) sur des vieux jouets trouvés dans des poubelles et s'offrent un visuel aux petits oignons entre petit coraya et algues fluorescentes.

Musique électronique minimaliste drôle et entraînante, les Siren's Carcass nous révèlent leurs talents de poétesses subaquatiques entre féminisme et cannibalisme. Dans leur titre "vendredi", elles nous fredonnent doucement à l'oreille: "Il y en a marre des gens qui font pipi dans la mer, ça m'irrite l'avant et ça me pique le derrière, il n'y a plus de respect, il n'y a plus de saison, arrêtez le vendredi de bouffer du poisson" ou encore "Révolution pour les gros thons! Toutes les morues sont dans la rue".

Parce que parfois, la musique électronique nous laisse un arrière-goût de métal et la tête dans le coton, ici on a le sourire aux lèvres et la jambe qui frétille. On est pris entre algue et marée dans le son indécent de ces deux belles sirènes aux écailles acérées.

Alors, laissez-vous charmer.

 

                                       Ana Koriagina, Gaëlle Vizy et Juliette Pascalet

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