Skip to Content

En répétition avec Benjamin Lazar

Les étudiants du master MCEI étaient invités à l'Opéra Comique : nous étions au balcon, lundi 22 novembre,  une semaine avant la représentation,  pour voir une répétition dirigée par le metteur en scène Benjamin Lazar. Le Poème Harmonique interprétait Cadmus et Hermione de Lully. Cette tragédie en musique, créée en 1673, unit poème, musique, chorégraphie et machines ; aussi le travail était-il organisé en groupes de chanteurs, répartis par ateliers. En alternance : danse, mise en scène accompagnée du clavecin, chœur avec ensemble musical. La grande salle résonnait donc des voix du chœur installé dans le grand foyer, et les artistes travaillant  sur scène devaient fournir un effort de concentration supplémentaire. D'autant plus éprouvant que cette répétition s'achevait tard dans la soirée, bien après notre départ.
Benjamin Lazar connaissait certains chanteurs depuis une dizaine d'années et la plupart avaient déjà joué cet opéra en 2008 ; d'autres étaient moins experts et devaient reprendre le travail plusieurs fois avant de le mémoriser. Nous avons écouté Arbas et deux Africains (Romain Champion et Tarik Bousselma, hautes-contre) dans le divertissement de l'acte I et la scène 2 de l'acte III. Ensuite, Mélisse (Isabelle Druet, dessus) et Palès (Camille Poul, dessus) ont chanté le prologue. Hermione (Claire Lefilliâtre, dessus) a joué la scène 4 de l'acte I avec Draco (Arnaud Richard, taille) puis a réalisé la ritournelle (II, 5). M. Lazar a incité les chanteurs à donner au mot une substance musicale et émotionnelle. Il faisait exister une dipthongue ou une diérèse, ouvrir une voyelle, renforcer une consonne... Les corps des comédiens, instruments au service du sens, faisaient apparaître autel ou oiseaux à l'imagination du spectateur. Donnant des indications depuis sa table au milieu de l'orchestre, ou montrant le geste par mimétisme sur scène à côté des chanteurs, M. Lazar mettait au point le rythme et l'énergie de la voix et des déplacements. Il veillait à la tenue de la ligne du temps et au mouvement qui relance l'intérêt des airs à reprise. Il insistait sur la proxémique des attitudes frontales, du regard, et sur le naturel des émotions recréées.
M. Lazar a donné ensuite sa conception de la mise en scène historique. Son déchiffrage de la tragédie en musique a fait l'objet d'une recherche approfondie. Il a lu les traités musicologiques et étudié les codes gestuels à travers des traités rhétoriques. Il a confronté des hypothèses et a choisi en suivant son intuition, afin de produire le plus d'impact sur le public : Arbas (Arnaud Marzorati, basse) lie une parole courageuse à un mouvement de recul, rires garantis ! La mémoire de cette répétition fera du spectacle une expérience singulière.


Aurélie Vasseur

Répétition de Cadmus et Hermione de Lully, suivi d'un entretien avec Benjamin Lazar, Opéra Comique, Paris (le 22 novembre, de 14h15 à 16h30).