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Rencontre avec la directrice de production du Théâtre du Châtelet

         
Le vendredi 30 octobre, nous avons eu la chance de pouvoir rencontrer Laurence Marchand, directrice de la production et de la coordination artistique du Théâtre du Châtelet. Comment vient-on à occuper un tel poste ? Comment travaille-t-on  dans le plus grand théâtre parisien ? C'est ce qu'elle nous a raconté en nous plongeant dans l'univers de ce théâtre créé en 1862 sous le Second Empire et qui a su rester à la pointe de la création artistique dans le domaine des spectacles lyriques, des concerts et de la danse.


MCEI : Pouvez-vous nous décrire votre métier dans les grandes lignes ?
L.M. : Je suis directrice de la production et de la coordination artistique ; en général, dans certaines institutions, ces deux métiers sont scindés. C’est un choix qui dépend surtout du directeur général.
Mon métier consiste à gérer toutes les étapes d’une production, de l’idée de projet à la levée de rideau le soir de la première. Mais, bien-sûr, cela se fait en plusieurs étapes. Par exemple, pour la comédie musicale la Mélodie du bonheur qui se tiendra au Châtelet du 6 décembre 2009 au 3 janvier 2010 et dont c’est la première création en France, la première question a été : « avec qui va-t-on le faire ? avec quel metteur en scène ?, quels chanteurs ? » Il faut définir un véritable projet artistique. Je participe en premier lieu au recrutement à l’étranger avec le directeur général, puis mon travail consiste ensuite à savoir comment mettre en œuvre une production qui fait souvent travailler plus de 200 personnes. Il y a toute une panoplie de métiers qu’il faut couvrir, les décorateurs, les costumiers, le staff musical…
Mon rôle principal est d’imaginer comment cela va se passer d’un point de vue temporel et en termes de planning, des répétitions jusqu’au spectacle, mais aussi combien cela va coûter, par exemple, au Châtelet, je dois gérer un budget de dix-sept millions d’euros par an. Il y a donc plusieurs choix possibles dans une saison tout en veillant à accompagner au mieux la politique artistique du théâtre et en valorisant les moyens publics qui nous sont donnés (par la Ville de Paris et la région) afin de faire les plus beaux spectacles possibles.


MCEI : Quel est le délai de mise en place d’une production ?
L.M. : Au Châtelet, la notion de temps a évolué avec les directeurs. Par exemple, lorsqu’on a monté Les Troyens sous la direction de John Eliot Gardiner en 2003 avec Jean-Pierre Brossmann, on s’y est pris au moins quatre ans à l’avance. Pour Sound of Music présenté en décembre, c’était beaucoup plus tardif. C’est très lié à la personnalité de Jean-Luc Choplin l’actuel directeur, c’est-à-dire qu’il est en recherche permanente, il revient sur son ouvrage, le reprend, donc il programme plus tard ! (rires) Mais finalement on y arrive !


MCEI : Existe-il des spécificités dans le fonctionnement du Châtelet ?
L.M. : Les spécificités du Châtelet tiennent à son histoire et à ses changements de direction. Lorsque j’ai été nommée comme déléguée générale à la production par Jean-Pierre Brossmann en 1999, le théâtre était, à l’époque, encore très axé sur le domaine lyrique. Puis après le départ de Jean-Pierre Brossmann en 2006, le Maire de Paris à choisi de réorienter la politique artistique du théâtre d’après le constat suivant : les mêmes publics allaient à l’Opéra de Paris, au Châtelet, à l’Opéra-Comique, au Théâtre des Champs-Elysées et culturellement, toute une partie de la population parisienne n’était pas touchée. Je suis au départ une immense fan de musique classique, de spectacles lyriques et ce challenge m’a vraiment intéressée. A savoir, comment peut-on ouvrir sur l’extérieur, aller vers le public quand on est un théâtre qui a une histoire très forte avec d’anciens directeurs comme Jean-Albert Cartier, Stéphane Lissner ou Jean-Pierre Brossmann ? Mais, en regardant notre production actuelle, on s’est beaucoup diversifiés. On fait de la comédie musicale, de l’opéra, du ballet, on a élargi le public, on a supprimé la politique d’abonnement sur tous les spectacles, la grille des tarifs s’est étoffée, finalement le théâtre est plus démocratique.

 

MCEI : Quel a été votre parcours professionnel avant votre poste au Châtelet ?
L.M. : J’ai un parcours un peu différent de celui voulu par mon poste qui est souvent occupé par des personnes venant d’écoles de commerce. J’ai toujours adoré la musique depuis toute petite. J’ai reçu une formation musicale de piano avec une merveilleuse professeure qui avait une immense culture et qui m’a appris à jouer et surtout à écouter.
J’ai commencé par faire des petits boulots d’été dans les festivals de musique tout en faisant mes études de droit et le premier cycle de l’Ecole du Louvre. J’ai fini par un DEA de Gestion des institutions culturelles à l’université Paris-Dauphine et j’ai eu l’occasion de faire un stage à l’Opéra de Bruxelles qui a été important pour la suite de ma carrière.
J’ai ensuite occupé un poste de déléguée de production pour un orchestre de banlieue et peu de temps après, le festival de musique de l’Abbaye aux Dames de Saintes m’a proposé le poste d’administrateur. J’ai fait ce travail pendant quatre ans puis, une agence américaine m’a repérée et m’a demandé de m’occuper de l’Opéra du Kirov (actuellement le Théâtre Mariinski) à Saint-Pétersbourg sous la direction de Valery Gergiev. Durant cinq années, je les ai aidés à accompagner leur développement sur le plan international après la période soviétique ainsi que leur travail de collaboration avec John Elliot Gardiner.
Lorsque Jean-Pierre Brossmann a pris son poste au Châtelet en 1999, il voulait mettre en place plusieurs grandes saisons et avait de nombreux projets avec Gardiner comme Les Troyens et c’est grâce à cela que j’ai été engagée au Châtelet. J’ai quand même eu la chance de travailler avec de grandes personnalités ! L’opéra est un univers incroyable, il ne faut jamais l’oublier !


MCEI : Nous avons assisté à une représentation de la version Africaine de la Flûte enchantée au Châtelet, avez-vous des anecdotes sur la production de ce spectacle ?

L.M. : Il y en a des choses à raconter ! (rires) Humainement et artistiquement c’était une aventure incroyable. C’est l’un des grands plaisirs de ce métier !
L’histoire a commencé il y a quatre ans ; une amie m’a fait écouter une version de Carmen donnée par une troupe de chanteurs d’Afrique du Sud car, à l’époque, Jean-Luc Choplin voulait monter Carmen au Châtelet. Finalement le Carmen ne s’est pas fait. Peu de temps après, nous avons réussi à obtenir une captation d’un concert de cette troupe africaine.  Nous l’avons écouté, nous avons trouvé ça génial mais, nous n’avions aucun contact ! Nous avons alors découvert qu’un certain Eric Abraham était le producteur du spectacle et qu’il habitait à Londres. J’ai donc profité  d’un séjour de travail dans cette ville pour obtenir un rendez-vous avec lui. Je me suis vite rendue compte lors de notre discussion que nous avions des connaissances en commun et qu’il avait de nombreux projets, dont celui de créer un théâtre et une compagnie d’opéra noire à Cape Town en Afrique du Sud. Ce n’est qu’à la fin de notre rencontre que j’ai aperçu une statuette des Oscars qui en disait long sur le personnage qui, je l’apprendrai par la suite, a été un farouche opposant à l’apartheid et a même fait de la prison en Afrique du Sud !
Je suis revenue à Paris et nous avons rapidement mis en place un véritable partenariat. Nous avons alors pu assister à la naissance de l’opéra africain, ce qui s’est passé était bouleversant. C’est une histoire qui n’est pas terminée, nous les accompagnons maintenant dans leur développement international.

 

(Propos recueillis par Aurore Bachelet et Lisa Pénisson)

              


 


 


 

Commentaires

Bravo Laurence.

J'ai lu avec un grand intérêt l'interview. Vous avez été génialeBonne continuation.Mes amitiés à votre papa Philippe et à votre époux Jean-Philippe. Gros bisous à votre adorable Eugénie.Madjid SOUDANI d'Algérie - Le papa de Kahina.