SUMMERTIME

Summertime est une chanson mondialement connue, maintes fois reprise par des artistes de tous bords. De Sarah Vaughan aux Doors, en passant par les plus grands noms du jazz et de la soul comme Duke Ellington et Sam Cooke, nombre d’artistes s’y sont essayé. Mais la version d’Ella Fitzgerald et Louis Armstrong, qui date de 1957, est sans doute l’une des meilleures interprétations jazz de cette aria– type de mélodie expressive. Ce standard du jazz appartient au genre du « negro spiritual », musique vocale et sacrée née chez les esclaves des États-Unis au 17è siècle et qui aboutira plus tard au gospel. À l’origine, cette chanson, composée par le pianiste et compositeur George Gershwin en 1935, faisait partie de l’opéra-folk en trois actes Porgy and Bess, inspiré du roman Porgy écrit par DuBose Heyward. Il s’agit d’un tableau de la vie des noirs dans les États-Unis des années 1930. Les scènes dépeintes se déroulent dans le village imaginaire de Catfish Row, en Caroline du Sud. Les Noirs souffrent particulièrement de la crise mais ici, la vie est belle ; les gens font la fête et chantent. Summertime est la berceuse chantée pour endormir un bébé au début du premier acte. Clara, la mère, dépeint une vie simple au bord de l’eau. Le bébé n’a rien à craindre car ses parents veillent sur lui et ce jusqu’au jour où il sera temps pour lui de prendre son envol.   Le morceau s’ouvre sur une douce introduction au violon qui rappelle que le morceau est une berceuse. Il fait ensuite place à la trompette qui joue les notes du couplet et du refrain. Ella Fitzgerald chante le refrain de sa voix limpide :

Summertime and the livin’ is easy

Fish are jumpin’

And the cotton is high

Your Daddy is rich and your Ma’ is good looking

So hush little baby, don’t you cry.

Seul un violon l’accompagne, ce qui donne une impressionnante intensité à l’interprétation. Le violon accompagne son trémolo avant d’être remplacé par la trompette, plus grave, pour annoncer le timbre chaud de Louis Armstrong. On pourrait presque le voir sourire pendant qu’il interprète les deux couplets :

One of these mornins

You’re gonna rise up singin’

Yes you’ll spread your wings

And you’ll take to the sky 

But ‘till that mornin’

There’s nothin’ can harm you

With Mummy and Daddy standin’ by.

Vers la fin du premier couplet, la trompette se fait plus discrète et reste en retrait. C’est ensuite à nouveau au tour d’Ella de reprendre le refrain. À chaque phrase qu’elle chante, Louis répond en scat, technique qui consiste à improviser une mélodie en utilisant des onomatopées. Ella Fitzgerald maitrisait d’ailleurs très bien ce procédé difficile. La chanson s’achève sur la répétition de la dernière phrase par les deux artistes dont les voix se marient si harmonieusement. Osmose musicale qui procure qui sied à cette mélodie qui, ne l’oublions pas, est une berceuse. Il est alors facile de s’imaginer étendre ses ailes pour atteindre le ciel, comme Louis le promet à l’enfant, au deuxième couplet.   Parmi la masse d’interprétations, cette version de Summertime se démarque car elle n’est pas une énième tentative de faire ses preuves – et des vocalises à n’en plus finir – sur un classique. Au contraire, on la croirait écrite pour les deux monstres du jazz que sont Ella et Louis. Serait-ce la sincérité de la prestation, le charisme associé à leur nom ou leur indéniable talent qui ferait le charme du morceau ? Toujours est-il qu’à écouter les susurrements de la chanteuse et les improvisations du musicien, on se dit que la légende n’est pas indue. 

Anissa Luce

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