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Réminiscences Africaines, une madeleine exotique ?

 Les éditions « Livres et voyages » font paraître, pour la rentrée littéraire, Réminiscences Africaines de Julie Borghero. Récit de vie, cette oeuvre diffère cependant considérablement du genre autobiographique traditionnel. Portrait d’un écrivain encore méconnu et zoom sur un roman aussi original que déconcertant !

Oyez, oyez lecteurs, Réminiscences Africaines ne vous laissera pas indifférents ! Son auteur, qui publie pour la première fois, nous offre une histoire exotique que l’on ne saurait oublier ! Son style, empreint de verve et d’originalité, révèle un talent prometteur qui émeut autant qu’il distrait. Mais connaissez-vous Julie Borghero ? Il conviendrait de la présenter ! Née à Paris, en 1973, la jeune femme se considère, comme elle l’affirme elle-même au début de son livre, comme « une enfant de la génération hippie ». Elevée au sein d’une famille d’artistes bohèmes, dans le Montmartre des années 70-80, Julie prend très tôt conscience de sa vocation: plus tard, elle deviendra professeur d’histoire. Encouragée par sa mère, chanteuse dans un piano-bar, elle poursuit donc des études littéraires au lycée Jules Ferry, dans le XVIIIème arrondissement de la capitale, puis à la Sorbonne.

Remplie d’illusions sur la fonction enseignante, la réalité se révèle bien amère après l’obtention de son CAPES. Elle demande donc sa mutation à l’étranger et est envoyée à Rabat, au Maroc. Là, elle commence par enseigner au lycée français avant de s’engager corps et âme dans l’humanitaire par le biais de l’association « Pour les enfants d’Afrique ». C’est donc cette extraordinaire aventure qui est narrée dans Réminiscences Africaines.

Cependant, qu’est-ce qui différencie tant ce roman des récits de voyages qui l’ont précédé ? Et qu’est-ce Julie nous apporte de plus ? Son défi était de taille car nombre d’écrivains, français et étrangers, ont relaté leurs périples bien avant elle. Au XVIème siècle, tout d’abord, avec la découverte du Nouveau Monde, des explorateurs tels que Jean de Léry ont rapporté leurs expéditions dans des ouvrages comme Voyage faict en la terre du Brésil. Un peu plus tard, au XVIIIème siècle, de grands voyageurs tels que James Cook ou Bougainville font le récit passionné de leurs découvertes dans leurs œuvres Voyages autour du monde et Itinéraire de Paris à Jérusalem. Au XIXème siècle, cette tradition perdure grâce à la génération d’écrivains romantiques. Ainsi, Chateaubriand, Nerval, Flaubert, Lamartine racontent-ils leurs Voyages en Orient qui connaissent, à l’époque, un vif succès.

Julie se démarque de ces « grands noms » de notre littérature. Si sa plume n’atteint sans doute pas l’élégance de style d’un Chateaubriand ou d’un Nerval, la forme de son œuvre contraste pourtant vivement avec les nombreux ouvrages que l’on peut rencontrer en la matière. Il ne s’agit plus seulement, en effet, d’un récit autobiographique, mais aussi d’un véritable journal intime qui permet de suivre, au jour le jour, pendant dix ans, l’existence de la jeune femme en Afrique. Ainsi, Réminiscences Africaines s’apparente à un carnet de bord, scrupuleusement tenu par son auteur pendant ces années d’exil. Le lecteur a alors l’impression qu’il ouvre ce journal, dont le phrasé apparaît à la fois naturel et, en même temps, sans cesse recherché et retravaillé pendant de longues heures par Julie. L’écriture de cette dernière, qui foisonne de détails sur son installation au Maroc, ses conditions de vie, rend le tout très réaliste. L’un des passages marquants reste bien sûr la visite du souk de Marrakech et sa rencontre avec Pierre. La jeune femme relate ainsi:

 

«  Lundi 4 avril 1999,

Cher journal,

La « perle du sud » m’enchante et tout, ici, fait écho à la célèbre maxime de Baudelaire : « Tout n’est qu’ordre et beauté, luxe, calme et volupté ». Aujourd’hui fut une journée particulièrement riche en émotions ! Nous sommes allés, dans l’après-midi, découvrir le souk dont les nombreux étalages n’ont pas manqué de ravir nos sens. Ici, une exposition de mille et une épices, en face un atelier de cuir dont des odeurs fortes se dégageaient, là un marchand de pâtisseries plus alléchantes les unes que les autres, un peu plus loin, un vendeur d’étoles ! Soudain, un homme, âgé d’une trentaine d’années, grand, le port altier, au regard d’un vert perçant attira mon attention. « Bonjour, me lança-il, je travaille pour « Les Enfants d’Afrique », vous connaissez ? ». Il m’expliqua qu’il s’agissait d’une ONG qu’il avait monté avec un ami, destinée à venir en aide aux jeunes déshérités. Je fus immédiatement conquise ! »

Plus intéressants encore sont les nombreux flashbacks qui ponctuent le récit. Le journal s’ouvre sur une première lettre de la jeune femme, datant du 3 décembre 2007, jour de son retour en France, après dix années d’exil en Afrique. Elle explique qu’elle a soigneusement tenu un carnet de bord, pendant son expatriation, et qu’elle a décidé de publier celui-ci, pour témoigner de son expérience de vie. Ainsi, Julie commence-t-elle son œuvre:

« Chers lecteurs, à vous qui aurez la disponibilité pour me lire, je tenais à dédicacer ce libre. J’y relate les expériences que j’ai menées en Afrique pendant dix ans, j’espère que mon histoire vous touchera autant que cette partie de ma vie restera à jamais gravée dans mon esprit ».

Sorte de « pacte » avec son lecteur, Julie nous fait donc partager, tout comme Rousseau en son temps, le besoin de se « confesser » et de peindre son être durant cette « tranche de vie » africaine. C’est donc une jeune femme de notre époque, avec ses doutes, ses incertitudes mais aussi ses choix de vie, si singuliers, qui est présentée ici. Julie apparaît un peu comme l’archétype de la jeune expatriée française, nourrie de rêves déçus, et qui décide de tenter sa chance ailleurs. Représentative d’une génération qui a soif « d’ailleurs » et baroudeuse, elle s’exprime avec sensibilité et sincérité.

Cependant, les flashbacks, auxquels elle a sans cesse recours, induisent certaines incohérences dans l’organisation du journal. En effet, les nombreuses digressions qui prennent le pas sur la narration, notamment lorsque Julie fait référence à des époques antérieures à son expatriation africaine, ce qui crée parfois une forme de confusion.

Sachant que certains cinéastes envisagent d’ores et déjà d’acheter les droits afin d’adapter Réminiscences Africaines pour le grand écran, ces éléments anachroniques ne vont-ils pas poser problème ? Une réalisatrice, Pascale CHAUMIERE, a déjà contacté Julie pour lui acheter les droits d’adaptation. Le tournage devrait se dérouler au printemps prochain, au Maroc. Toujours est-il que les éditions « Livres et Voyages » se félicitent de cette nouvelle publication, et se réjouissent du long-métrage qui va en être bientôt inspiré. Cet évènement permettra, selon eux, d’ajouter à l’impact médiatique, déjà fort présent en cette rentrée littéraire autour de Réminiscences Africaines.

Cependant, le film sera-t-il fidèle au livre et, digne surtout, du talent de son auteur ? La « madeleine exotique » dont nous a fait cadeau Julie y survivra-t-elle ou sera-t-elle transposée en un souvenir vulgaire et banalisé ? On connaît, en effet, le goût de Pascale CHAUMIERE pour les comédies romantiques à l’eau de rose, dont on devine la fin avant même d’avoir vu le film. Saura-t-elle garder la subtilité de l’intrigue, et surtout l’aspect introspectif de Rémisniscences africaines ? Nous l’espérons vivement !

 

Camille JOCHYMS.

 

Réminiscences Africaines, Julie Borghero, Editions « Livres et Voyages », 288 pages, 25 euros.

 

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