Le DR Folamour : "échec et mat"

mar, 05/17/2011 - 09:29

 

Sorti en salle en 1964, le film de Stanley Kubrick Le Docteur Folamour ou : comment j’ai appris à ne plus m’en faire et à aimer la bombe pousse à son paroxysme l’absurdité de la Guerre froide.

  

En 1964, de son nouveau quartier général établi en Grande Bretagne, Stanley Kubrick provoque la censure. Lolita qu’il avait adapté deux ans auparavant en collaboration avec l’auteur du livre, Vladimir Nabokov, outrageait déjà la morale américaine. Avec Le Docteur Folamour, le réalisateur s’attaque directement à la démesure grandissante des hommes politiques et à la folie militaire encouragée par le contexte international. Lavés de leurs masques officiels, officiers et dirigeants apparaissent au grand jour guignols d’une comédie satirique : « Savez-vous que la fluoration [de l’eau] est le plus monstrueux complot communiste que l’on doit affronter ? » Le Général Jack D. Ripper, autrement dit Jacques l’Eventreur, vient de lancer le Plan R. Immédiatement, des dizaines d’avions munis de bombes nucléaires se dirigent vers leur cible : l’URSS. A des kilomètres, sous la Maison Blanche, le Président Markin Muffley tente d’éviter une Troisième Guerre mondiale apocalyptique en aidant Dimitri Kissoff, le président soviétique, à anéantir la flotte aérienne.

Avec « la crise des fusées » à Cuba en 1962, opposant les Etats-Unis et l’URSS, la Troisième Guerre mondiale menace d’éclater. Une ligne téléphonique surnommée « le téléphone rouge » reliant la Maison blanche et le Kremlin est installée. Le rouge, absent du film, est pourtant l’un de ses symboles : Peter George, l’auteur du livre adapté, baptise son roman Red alert. La guerre froide figure de guerre propre s’enlise dans les sables mouvants de la communication. L’extraordinaire acteur, Peter Sellers, est filmé en plan rapproché. Sa voix se fait délicate. Il nomme son interlocuteur par son prénom et infantilise son vocabulaire afin que, malgré son ivresse, Dimitri Kissoff comprenne qu’une erreur vient d’être commise et que non, la présence d’avions sur son territoire n’est ni une attaque surprise, ni une déclaration de guerre. La phrase ironique énoncée par le Président Markin Muffley à l’encontre du Général Buck et de l’ambassadeur soviétique, se chamaillant comme deux enfants : « Messieurs, vous ne pouvez pas vous battre ici, c’est une salle de guerre », définit le principe paradoxal de la Guerre froide.

Quiproquo de situation, esthétique en noir et blanc : Kubrick pointe du doigt l’absurdité du manichéisme américain. Avec la présence d’un scientifique nazi et d’un Général devenu fou au sein du conseil présidentiel, le ver est dans le fruit : les relations internationales provoquent une espèce de schizophrénie identitaire chez les citoyens américains et à plus grande échelle sur le pays lui-même. Lorsque le Commandant « King » Kong fait du rodéo sur une bombe larguée au dessus de l’URSS, Kubrick dénonce l’inconscience dans laquelle progresse la course à l’armement et à la conquête spatiale, inconscience qui évolue sur un fond de musique folklorique, une image sonore faisant remémorer au lecteur ce culte traditionniste de la loi du Talion. Sorti en salle la même année, Le Procès d’Orson Welles adapté du roman de Franz Kafka fait le même constat : le noir et blanc ainsi que l’atmosphère labyrinthique et cloisonnée montre dans quelle condition les consciences humaines vivent. Par la triple polarisation du scénario en plans-séquences - entre la salle de guerre, la base militaire dirigée par Jack D. Ripper et le B-52 que pilote le commandant « King » Kong - Stanley Kubrick rythme l’action frénétiquement et l’oriente vers une fin théâtrale. La « Doom day machine », supposée anéantir l’humanité en cas d’agression contre l’URSS, se présente comme l’apogée de la course à l’armement, une folie digne de science-fiction.

 

Titre original : Dr. Strangelove or : how I learned to stop to worriying and love the Bomb (Dr. Folamour ou : comment j’ai appris à ne plus m’en fait et à aimer la Bombe),

Réalisation : Stanley Kubrick

Année de parution : 1964

Long métrage britannique

Durée : 1 heure 33

Distribution :

Peters Sellers dans les rôles du Capitaine Mandrake, du Président Merkin Muffley, du Dr Folamour

Sterling Hayden dans le rôle du Général Jack D. Ripper

George C. Scott dans le rôle du Général Buck

Keenan Wynn dans le rôle du Colonel Bat Guano

Slim Pickens dans le rôle du Major T.J. King Kong

James Earl Jones dans le rôle du Lieutenant Lothar Zogg

Peter Bull dans le rôle de l’ambassadeur de Sadesky

Tracy Reed dans le rôle de Miss Scott, la secrétaire de Turgidson

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