Droit et discriminations

Le rapport de la mission d’information sur la pratique du port du voile sur le territoire national a été remis à l’Assemblée Nationale le 26 janvier 2010. Il y est fait mention, dans une perspective comparative avec les Etats Unis, de l’arrêt Freeman v. Department of Highway Safety and Motor Vehicles (No. 5D03-2296) rendu le 13 février 2006 par la cour d’appel du 5ème district de l’Etat de Foride. Cet article s’attache à expliquer l’arrêt Freeman au regard de l’interdiction générale du voile évoquée en France et à comparer le point de vue américain au point de vue français sur la question.

L’Etat, certes souverain en matière d’entrée, de séjour ou d’éloignement des non-nationaux, peut être sanctionné pour la mesure d’expulsion de l’étranger malade (CEDH, D. c/ Royaume-Uni, 2.05.1997, n°30240/96). En effet, « L'expulsion par un Etat contractant peut soulever un problème au regard de l'article 3, et donc engager la responsabilité de l'Etat en cause au titre de la Convention, lorsqu'il y a des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé, si on l'expulse vers le pays de destination, y courra un risque réel d'être soumis à un traitement contraire à l'article 3. Dans ce cas, l'article 3 implique l'obligation de ne pas expulser la personne en question vers ce pays » (CEDH, N. c/ Royaume-Uni, 27.05.2008, n°26565/05, §30). Le juge européen a pu dans certains cas, procéder a une extension par ricochet du domaine de protection de l’article 3 CESDH et considérer qu’expulser un étranger malade relevait de cette disposition. En 1998, la Commission rappelait à cet effet que « l’objet et le but de la Convention, instrument de protection des particuliers, appellent à comprendre et appliquer ses dispositions d’une manière qui en rende les exigences concrètes et effectives » (Commission européenne des droits de l’homme, BB. c/ France, rapport adopté le 9.03.1998, n°30930/96, §54).

Le profilage racial est une pratique de longue date aux Etats-Unis et a été fortement critiqué en raison de sa nature intrinsèquement discriminatoire. Cependant, la Cour Suprême des Etats-Unis n’a toujours pas déclaré l’inconstitutionnalité de la pratique à l’aune de la clause d’égalité du quatorzième amendement. A ce jour, la décision de la Cour Supérieur du New Jersey de 1996 demeure la décision la plus protectrice en la matière. Elle a notamment affirmé la recevabilité de la preuve statistique afin de démontrer l’existence d’une pratique constante de profilage ethnique et a indiqué cela suffisait pour déduire que cette discrimination était intentionnelle. Cette décision est un exemple particulièrement pertinent pour le droit européen de la discrimination car elle indique le chemin à prendre afin de combattre la pratique en Europe.

Aujourd’hui, en Italie, le harcèlement moral ne fait l'objet d'aucun texte. Bien que ce phénomène soit très présent sur le lieu de travail, sa définition et son encadrement sont, pour l’instant, abandonnés aux juges. Ceux-ci s'efforcent de sanctionner les comportements qui correspondent au harcèlement, comme l'illustre l’arrêt rendu le 9 septembre 2008 par la Cour de Cassation italienne. (http://www.eius.it/giurisprudenza/2008/119.asp).

L'Assemblée Générale des Nations Unies a adopté le 13 décembre 2006 la Convention Internationale relative aux droits des personnes handicapées, dont l'objectif est de promouvoir et de protéger les droits et la dignité des personnes handicapées (préambule, point Y). Dans les mêmes conditions, le protocole facultatif, complémentaire, tendant à faire contrôler l'application effective de la Convention par les Etats a été adopté. Cet article se propose de mesurer l'incidence de la Convention en France et en Allemagne.

L’exclusion de membres de l’armée américaine sur motif de leur orientation sexuelle demeure une forme de discrimination acceptée aux Etats Unies, consacrée par une loi promulguée en 1993. Alors que cette distinction est intrinsèquement fondée sur des raisons condamnées par la Cour Européenne des droits de l’homme, la Cour Suprême et les cours fédérales américaines refusent de prononcer l’inconstitutionnalité de la loi au regard de la clause d’égalité du Cinquième Amendement. Ce refus est fondé principalement sur la doctrine de déférence judiciaire au profit de l’armée. Cependant la décision de la Cour Suprême Lawrence v Texas laisse présager un éventuel rapprochement avec la jurisprudence de la Cour Européenne sur ce sujet en vertu de laquelle l’exclusion de l’armée constitue une violation du droit à la vie privée.

Dans les régimes de retraite, certaines mesures ont été adoptées pour permettre la prise en compte de la situation particulière de la femme dans la société : son double rôle de femme au foyer et de femme au travail. Ces mesures sont aujourd’hui remises en cause, le seul critère du sexe n’étant apparemment plus suffisant pour justifier une telle différence de traitement entre hommes et femmes. La grande diversité des solutions légales et jurisprudentielles montrent qu’une réforme du système de retraite est nécessaire.

En France, la laïcité permet de restreindre la liberté religieuse dans l’enceinte scolaire. La CEDH a reconnu la compatibilité de l’interdiction du voile à l’école avec la liberté de religion (Art. 9 CESDH). En Allemagne, il n’existe pas d’équivalent à la laïcité et le seul le principe de Neutralité s’applique, qui garantit plus la liberté religieuse, qu’il ne l’a restreint. Il en découle que le port du voile à l’école n’est pas traité de la même manière par les deux pays. Une jeune élève a été exclue de son collège pour avoir refusé de retirer son foulard au cours d’éducation physique et sportive (EPS). Elle saisit la CEDH en estimant que l’établissement scolaire s’était ingéré dans l’exercice de son droit à manifester sa religion (art. 9 CESDH). Dans sa décision, la Cour a eu à se prononcer sur la compatibilité de l’interdiction du port du voile islamique dans un établissement scolaire public français avec le principe de liberté religieuse. Elle réaffirme ainsi sa position à l’égard du principe de laïcité, déjà exprimée dans l’arrêt du 10 novembre 2005, Leyla Sahin c. Turquie. Au point 72 de l’arrêt, la CEDH énonce qu’une attitude ne respectant pas le principe de laïcité « Ne sera pas nécessairement acceptée comme faisant partie de la liberté de manifester sa religion, et ne bénéficiera pas de la protection qu'assure l'article 9 de la Convention». Dans sa décision, la Cour procède à une analyse complète de la laïcité dans sa spécificité française et rappelle qu’ « En France , la laïcité est un principe constitutionnel, fondateur de la République, auquel l'ensemble de la population adhère et dont la défense paraît primordiale, en particulier à l'école.» (§72). Elle conclut que «Eu égard aux circonstances, et compte tenu de la marge d'appréciation qu'il convient de laisser aux Etats dans ce domaine, l'ingérence litigieuse était justifiée dans son principe et proportionnée à l'objectif visé » (§77). La lecture de l’arrêt Dogru peut mener à la question suivante: la solution donnée aurait-elle été différente si les faits s’étaient produits en Allemagne. Le voile, en effet, ne semble pas agiter la société et générer de virulents débats Outre-Rhin. Ainsi, dans cette étude, il s’agira moins de faire un commentaire de l’arrêt, que de comparer le principe de laïcité en France et en Allemagne et ses enjeux à l’école. La CEDH nous en fournit prétexte.

Egalité, discrimination et égalité de traitement Les liens étroits existant entre les notions d’égalité, de différenciation et de discrimination rendent leurs définitions individuelles délicates. Comme l’affirme Lenaerts, « le principe d’égalité a un contenu unique à travers toutes ses applications; malgré des apparences multiples dues aux diverses fonctions assumées par ce principe». Le principe d’égalité a pour corollaire logique celui de non-discrimination, comme le confirme le Conseil constitutionnel qui assimile parfois égalité et non-discrimination (décision du 18 janvier 1985). Malgré son caractère fondamental, le principe d’égalité n’est pas un principe absolu insusceptible de connaître le moindre tempérament. En effet, il ne s’oppose catégoriquement à une différence de traitement que lorsque celle-ci repose sur des critères illégitimes prohibés par les textes et se révèle donc discriminatoire; lorsque tel n’est pas le cas, la différence de traitement se comprend comme l’expression directe de l’égalité voire comme son instrument privilégié (actions positives). Comme le souligne Jean-Marie Woehrling, « une discrimination réside dans une méconnaissance non justifiable du principe d’égalité et, par suite, l’action contre les discriminations ne peut se distinguer significativement de la mise en œuvre du principe d’égalité ».

Egalité, Gleichheit L’égalité recouvre plusieurs réalités : l’égalité civile et politique et l’égalité économique et sociale. Si la première notion relève de la dimension citoyenne de l’individu, la seconde se rapporte à la question du niveau de richesse et de la condition sociale de l’individu. Ces deux aspects sont indissociables dans l’étude du principe d’Egalité. L’égalité est un droit fondamental de l’homme. Selon le principe d’Egalité, tous les êtres humains sont égaux, ils possèdent indistinctement les mêmes droits et doivent être traités de la même manière. Cette définition sous-tend l’idée que le principe d’Egalité mène à l’égalité de traitement. Le droit à l’égalité est un droit universel reconnu notamment par la déclaration universelle des droits de l'homme, les pactes des Nations unies relatifs aux droits civils et politiques et aux droits économiques, sociaux et culturels et par la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (article 14), signés par tous les États membres de l’UE. L’égalité est en outre affirmée par la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (article 20) et indirectement reconnue dans le Traité UE (article 6 reconnaissance des droits fondamentaux). L’égalité entre hommes et femmes est formellement affirmée à l’article 3.2 du TCE ou encore l’article 141 TUE, il s’agit d’un principe fondamental du droit communautaire (CJCE,C-442/00, 12/12/2002). D’un point de vue juridique, la loi, en vertu du principe d’Egalité, définit le cadre de l’égalité de traitement et par là celui de l’interdiction de discriminer : devant la Loi tous les citoyens sont égaux. Ainsi, dans l’ordre juridique allemand, elle est affirmée par l’article 3 de la Grundgesetz (GG), qui précise que tous les êtres humains sont égaux devant la loi. Dans l’ordre juridique français, l’Egalité est affirmée par la Constitution de 1958 et son Préambule, qui dispose en son Article premier que la France assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens.