Interactions droit international et européen

La Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, proclamée la première fois le 7 décembre 2000, s’est vue reconnaître avec l'entrée en vigueur du Traité de Lisbonne le 1er décembre 2009, une valeur juridique contraignante. La Charte a été créée sur le modèle de la Convention européenne des droits de l'homme, qui reste toujours le standard minimum de référence pour la Charte. Mais il se pourrait qu’elle s’émancipe de son modèle en exerçant sur lui une influence. Article 6§1 du Traité UE (version consolidée à la suite de l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne)

Pour des raisons tant organisationnelles que pratiques, la personnalité juridique de l’Union Européenne a été gravée dans le Traité sur l’Union Européenne à la suite de l'entrée en vigueur du Traité de Lisbonne. Cette évolution traduit une volonté de permettre à l’UE de s’exprimer « d’une seule voix » sur la scène internationale. Il n’en demeure pas moins que cette reconnaissance, que l’Union s’attribue elle-même, pour nécessaire soit-elle, doit s’accompagner d’une reconnaissance extérieure qui ne peut être entreprise que par des sujets naturels du droit international. Article 47 du Traité UE (entré en vigueur le 1er déc. 2009)

La Cour Européenne des Droits de l’Homme fait appel dans son arrêt Siliadin c/ France à des sources internationales autres que la Convention Européenne des Droits de l’Homme afin de l’interpréter. Pour faire entrer l’esclavage domestique dans le champ de l’art. 4 de la Convention et faire peser sur les Etats une obligation positive, la Cour se livre à une interprétation de celle-ci à la lumière de conventions internationales pertinentes en la matière. CEDH, 26 juillet 2005 Siliadin c/ France, n° 73316/01

Le 30 novembre 2009 fut signé le nouvel accord intermédiaire SWIFT relatif au maintien de l’accès du trésor américain aux données SWIFT sur les transactions bancaires européennes. Cet accord suscite de vives critiques. Il porterait atteinte au principe européen de protection des données à caractère personnel mais assurerait néanmoins la continuité de la lutte internationale contre le terrorisme. Accord SWIFT de 2007, 2007/C 166/08 et 2007/C 166/09 ; accord SWIFT de 2009, 2010/16/PESC/JAI, JOUE, 2010 n° L8. Nota bene : le 11 février 2010, le Parlement européen a rejeté l’accord intermédiaire SWIFT du 30 novembre 2009, étudié dans ce billet.

Le Conseil de sécurité des Nations Unies en tant qu’organe chargé du « maintien de la paix et de la sécurité internationale » dispose d’un pouvoir quasi illimité pour sanctionner les Etats qui auraient commis un acte illicite. Les Sanctions imposées jusqu’à ce jour sont de nature multiple et variée. Même si elles ont été adaptées à une communauté internationale en perpétuel changement, ces sanctions peuvent avoir des conséquences néfastes.

En raison de sa spécificité et des buts qu´il recherche, le pouvoir de sanction de l´UE est un pouvoir large. Si les sanctions infligées jouissent d´une efficacité relative, la spécificité de ce pouvoir de réside avant tout dans sa pluralité de détenteurs et qui disposent de moyens d´action variés. Loin d´échapper à tout contrôle, l´exercice et les modalités de ce pouvoir font l’objet d’un contentieux en pleine évolution. L’existence d’un contrôle du pouvoir est la transposition du principe de l´État de droit. Ce contrôle est opéré par la CJUE qui développe une jurisprudence combinant principe de la nécessité des sanctions et respect des libertés fondamentales.

Les conventions régionales européenne et américaine de protection des droits de l’Homme prévoient un mécanisme de dérogation. Cette possibilité donnée aux Etats parties de suspendre certains droits de l’Homme de manière temporaire et exceptionnelle permet d’allier protection des droits de l’Homme et réalité tout en assurant le respect de quelques droits dits « indérogeables ». La Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples ne contient pas une telle clause générale. Cette absence de clause n’interdit pas néanmoins l'allégation d'une protection au moins égale à celle assurée par les autres conventions régionales. Article 15 Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés; Article 27 Convention Américaine des Droits de l'Homme; Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples

Dans l’arrêt du 5 mars 2009, la Cour devait se prononcer sur des mesures espagnoles visant à protéger leurs langues officielles. Pour la première fois, la Cour fait référence à la Convention de l’UNESCO sur la diversité culturelle. Celle-ci a été rédigée dans le cadre d’une enceinte multilatérale à échelle mondiale. Pourtant, La Cour de Justice saisit son contenu pour redéfinir et enrichir un objectif européen – l’objectif de diversité culturelle. Indirectement, la Convention de l’UNESCO permet aux mesures protectrices des langues nationales d’être plus facilement justifiées sur le fondement des raisons impérieuses d’intérêt général. CJCE, 5 mars 2009, UTECA, aff. C-222/07.

La Cour d'appel du Second Circuit s'apprête à entendre les arguments de la multinationale Royal Dutch Shell et de son directeur général, Anderson, dans le cadre de violations des droits de l'homme commises au Nigeria dans les années quatre-vingt dix. L'“Alien Tort Claims Act” (ATCA) est l'outil juridique utilisé par les plaignants afin d'invoquer la responsabilité de cette multinationale concernant des détentions arbitraires, des actes de torture et des meurtres extrajudicaires. Ce procès se tiendra à New York en mai prochain et ouvre la voie à une reconnaissance de responsabilité d'une multinationale pour ses activités en dehors du territoire des Etats-Unis. A la veille de ce procès, il est important de comprendre quelles sont les garanties offertes et la pratique par l'Europe en cas de violations de droits de l’homme à l'étranger par une multinationale européenne. Puis, cette affaire impliquant Shell nécessite de s'attarder sur les implications d'une telle action en justice et notamment sur l'utilisation de l'ATCA comme fondement juridique. Wiwa v. Royal Dutch Petroleum Co., F.Supp.2d, 2002 WL 319887 (S.D.N.Y., 2002), February 28, 2002

Le 11 janvier 2009 est entré en vigueur le règlement ROME II désignant la loi applicable aux obligations extracontractuelle. Son article 6 désigne pour les actes de concurrence déloyale et les actes restreignant la libre concurrence la loi du marché affecté et le centre des intérêts collectifs. Qualification, lien de rattachement, loi applicable, la méthode conflictuelle utilisée est classique. Mais par des critères adaptés et par le choix du rattachement, l’article 6 permet de mettre en œuvre les objectifs propres au droit de la concurrence. Règlement n°864/2007, dit « Rome II » du 11 juillet 2007 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles