« Attention, cet appel pourra être enregistré. » De la loyauté de la preuve – par Jean-Baptiste Lhuillier

L’objet de la présente étude est la recevabilité, en droit français et allemand de la concurrence, de la production de l’enregistrement d’une conversation téléphonique à titre de preuve.

Il n’est plus à prouver que ce qui représente une avancée pour la technologie n’en est pas forcément une pour les droits de l’homme. Le droit, ne s’intéressant que de manière sporadique à la science-fiction, s’efforce de tenir au pas le progrès. Car si l’adaptation mécanique du droit au fait n’est pas nécessaire lorsqu’il s’agit de « gérer » l’évolution des mœurs (c’est même plutôt une tendance politicienne regrettable, Cf. ATIAS C., LINOTTE D., « Le mythe de l’adaptation du droit au fait », D. 1977, Chron., p. 251; CARBONNIER J., « Les théorèmes fondamentaux de la sociologie juridique », in Flexible droit, 7ième éd., p. 19, « En marge : Voltaire ou l’artificialisme juridique », Idem, p. 114), elle l’est cependant de manière plus marquée en ce qui concerne le progrès technologique, toute nouvelle technologie posant des problèmes juridiques ne pouvant être réglés par le droit existant (par ex. CHAWKI M., « Essai sur la notion de cybercriminalité », Challenge, Liberty and Security in Europe, 17.10.2006). Le droit répond donc aux inquiétudes de la population en encadrant la technique et résout les différends résultant de l’utilisation d’outils modernes. L’ère du téléphone numérique et de la téléphonie sur Internet rend enfantins pour chacun des procédés réservés il y a encore peu aux services secrets, comme l’enregistrement de conversations téléphoniques à l’insu de l’interlocuteur. Aussi est-il évident que de telles méthodes sont appelées à se développer, indépendamment de leur réception ou de leur rejet par le droit. L’objet de la présente étude est la recevabilité, en droit français et allemand de la concurrence, de leur production à titre de preuve. Nous constaterons que la recherche de solutions est inspirée soit par la jurisprudence civile, soit par la jurisprudence pénale. L’affaire allemande soumise à la comparaison oppose deux prestataires de services de téléphonie sur les modalités du passage d’un client de l’un à l’autre. La société demanderesse, pour laquelle s’est à présent décidé le client, reproche à l’ancien fournisseur de ne pas avoir respecté certaines règles de concurrence. Elle base sa demande d’ordonnance portant mesure provisoire (einstweilige Verfügung) sur la déclaration sur l’honneur (eidesstattliche Versicherung) de la cliente sensée reproduire une conversation téléphonique tenue avec la société défenderesse. Au cours de cette conversation, l’ancien opérateur déclara la date de coupure de la ligne et se déchargea de toute responsabilité quant à la date de réouverture de la ligne par le nouveau fournisseur, d’un ton qui laisserait entendre, d’après ce dernier, que cela pourrait durer longtemps. Ce comportement tendrait à nuire à la réputation du nouveau fournisseur afin de rendre le client incertain, voire de lui faire regretter son choix de changer d’opérateur, ce qui fausserait de manière injustifiée le libre jeu de la concurrence. La société défenderesse, qui invoque avoir dit correctement le strict nécessaire lors dudit appel, est en désaccord avec les propos de la cliente et apporte à titre de preuve l’enregistrement de la conversation téléphonique. La Cour d’appel allemande confirme la possibilité pour la partie défenderesse d’introduire dans le procès de droit privé un enregistrement « clandestin » de la conversation (OLG Düsseldorf, Urt. v. 31.1.2008 – I-20 U 151/07). Dans l’affaire française étudiée, une société distributrice s’estime lésée par des pratiques anticoncurrentielles de « prix conseillés » entre ses fournisseurs et d’autres distributeurs. A l’appui de sa plainte devant le Conseil de la concurrence, cette société produit les enregistrements clandestins des conversations téléphoniques qu’elle a tenues avec les représentants des sociétés attaquées. Le Conseil de la concurrence a accepté ce mode de preuve et sanctionné les sociétés en question (Cons. conc., 5 décembre 2005, n° 05-D-66). La Cour d’appel de Paris confirma cette décision (CA Paris, 1e ch. H, 19 juin 2007, SAS Philips France et Sté Sony France). La Cour de cassation, par un arrêt ayant tout d’un arrêt de principe, estima sur le fondement du seul visa de l’article 6 § 1 CEDH, que « l’enregistrement d’une communication téléphonique réalisé par une partie à l’insu de l’auteur des propos tenus constitue un procédé déloyal rendant irrecevable sa production à titre de preuve », et cassa l’arrêt de la Cour d’appel (Cass. com., 3 juin 2008, n°07-17.147, Sté Sony France c/ Min. éco). Or cette affaire passionnante ayant divisé la doctrine ne pouvait se clore sur une « censure frustre et laconique » (BOSCO D., «  Nouvelle avancée de la loyauté de la preuve en droit de la concurrence », Comm. com. électr., 8/2008, comm. 204). Dans une récente décision, la Cour d’appel de renvoi fit résistance a la Cour de cassation en retenant l’enregistrement dans le débat (CA Paris, 1ère ch. H, 29.04.09, n° 2008/11907, D. Actualité, 05.05.2009). Alors que l’arrêt de cassation semblait consacrer la loyauté de la preuve comme principe fondamental du droit judiciaire privé, en appliquant au droit de la concurrence la solution retenue par la jurisprudence civile, on peut se demander si ce « principe » n’est pas seulement une mode, ainsi que l’invitent à penser certains auteurs (MINIATO L., « L’introuvable principe de loyauté en procédure civile », D. 2007, p. 1035). Le choix entre efficacité probatoire et éthique probatoire doit-il être sans nuance ? Retrouve-t-on ces débats Outre-Rhin, où l’on constate que des solutions plus « équilibrées » sont envisageables ? Une chose est sûre, les conditions de recevabilité à titre de preuve d’un enregistrement sonore sont d’autant plus strictes (II) que leur caractère déloyal est facilement reconnu (I).

I – L’enregistrement déloyal

A quoi bon être loyal ?

La question de la loyauté de la preuve est l’une des meilleures illustrations des aspects sociologiques et pratiques de la distinction entre vérité matérielle et vérité juridique. Bien que la « théorie économique du droit commande une réduction des coûts engendrés pas la recherche de la vérité » (ROYER G., « La preuve déloyale en matière de pratiques anticoncurrentielles », JCP E, 2008, n° 36, p. 2055), et que l’enregistrement clandestin soit « la reine des preuves au plan de l’efficacité » (BOSCO, Loc. cit.), celui-ci peut être sacrifié en vertu d’une certaine éthique judiciaire. En effet, la loyauté de la preuve en droit de la concurrence n’est rien d’autre qu’une barrière morale imposée au monde des affaires. On retrouve la question de la loyauté dans d’autres domaines du droit avec une intensité toutefois relative. La matière pénale protégeant l’intérêt général, une certaine efficacité est attendue, si bien que tout doit être entrepris pour que la vérité matérielle apparaisse. La matière civile est plus encline à la protection d’intérêts privés, ce qui justifie que la recherche de la vérité connaissent plus de barrières, dont celle de la loyauté. D’aucuns expliquent l’exigence de loyauté par le rejet de la « turpitude procédurale », la crainte du « stratagème » et du « faire parler dans le but de confondre » (BOSCO, ibid.). Pour d’autres, la « question de la loyauté s’avère secondaire par rapport au respect du procès équitable » (ROUSSEL G., Note ss Cass. com., 3 juin 2008, n° 07-17.147, Dalloz Jurisprudence). Le visa de l’article 6 § 1 CEDH dans l’arrêt français de cassation laisse effectivement place au doute. N’étant pas une mode mais un principe fondateur du droit processuel intrinsèque aux notions européennes de justice voire de démocratie, le droit au procès équitable se révèle être le seul réel fondement juridique du « principe » de loyauté.

Verba volant, SMS manent : le droit au respect de la parole 

Si « l’auteur (de SMS) ne peut ignorer qu’ils sont enregistrés par l’appareil récepteur » (Cass. soc., 23 mai 2007, n°06-43.2009), il n’en va pas de même de celui qui converse au téléphone. Bien que la plupart des téléphones disposent d’un second écouteur ou d’un haut-parleur (ce qui justifia l’hésitation de la Cour régionale : OLG Düsseldorf, Urt. v. 21.1.2000 – 22 U 127/99), la Cour fédérale allemande avait déjà estimé que le témoignage d’un tiers ayant entendu une conversation téléphonique n’était pas recevable dans le procès de droit civil (BGH, Urt. v. 18.2.2003 – XI ZR 165/02). « Das Recht am gesprochen Wort », que l’on pourrait traduire par le droit au respect de la parole, est une des multiples expressions du droit de la personnalité (Art. 2, al. 1 de la Loi fondamentale). D’après le BGH, ce droit « autorise entre autres à déterminer soi-même si le contenu de la communication est accessible au seul interlocuteur, à un groupe particulier de personnes ou au grand public ». L’enregistrement d’une conversation, qui par définition transforme la parole en signaux et en modifie ainsi la possible portée, constitue une atteinte à ce droit. Mais bien que fondamental, il n’est pas intangible. En l’espèce, le juge autorise effectivement une « mise en balance » (Abwägung) du droit au respect de la parole et du droit à une bonne administration de la justice (Cf. le risque d’une condamnation injuste, ci-dessous).

II – Une recevabilité sous conditions

La recevabilité et l’évaluation de la force probante

Si l’on peut comprendre que la loyauté soit l’objet d’une telle considération, la place dans le procès que lui prescrit le juge français de cassation reste discutable. Déloyal ne devrait pas nécessairement signifier irrecevable. En effet, le Conseil de la concurrence et la Cour d’appel, après avoir accueilli l’enregistrement à titre de preuve, s’étaient pertinemment lancés dans l’appréciation de sa valeur probante. Celle-ci permet suffisamment de « pallier l’atteinte aux droits de la défense » - en supposant qu’une telle atteinte existe (BOURSIER-MAUDERLY M.-E., « Contentieux de la concurrence : le nécessaire respect du principe de loyauté », Recueil Dalloz, 2008, p. 2476). Le Conseil de la concurrence et le juge du fond sont les mieux placés pour apprécier cette preuve qui reste « la plus éloquente » (BOSCO, Loc. cit.). La Cour de cassation ne disposant pas de ce pouvoir d’appréciation des faits, rien n’interdit de penser que c’est le seul moyen qu’elle ait trouvé pour imposer, sans risque d’interprétation malvenue, sa vision de la loyauté en droit judiciaire. Elle omet ainsi que la morale n’est pas une vertu qui s’impose, mais qui s’inculque. La Cour d’appel de renvoi expose alors très justement que les propos « insidieusement captés ... ne doivent pas pour autant être exclus du débat et ainsi privés de toute vertu probante par la seule application d’un principe énoncé abstraitement, mais seulement s’il est avéré que la production de ces éléments a concrètement porté atteinte au droit à un procès équitable, au principe du contradictoire ... » (CA Paris, 1ère ch. H, 29.04.09, précitée).

L’autorisation préalable et la contradiction

L’autorisation préalable de l’interlocuteur, en droit allemand (Einwilligung, BVerfG, Beschl. v. 9.10.2002 – 1 BvR 1611/96, qui y voit l’expression du droit à l’autodétermination posé à l’article 2 de la Loi fondamentale - Selbstbestimmungsrecht) comme en droit français, rend logiquement loyal tout enregistrement. Si le principe ne pose problème à personne, le risque est élevé que les difficultés se déplacent du côté de l’enregistrement, non plus de la conversation, mais de l’autorisation ! Cela étant, l’autorisation préalable ne constitue en rien une dérogation au principe du contradictoire (kontradiktorisches Verfahren). Avant l’évaluation de la force probante de l’enregistrement, l’interlocuteur enregistré doit avoir la possibilité de contrôler qu’aucune modification n’a été faite sur la bande et a fortiori lors de sa transcription écrite, ainsi que de préciser le contexte voire sa pensée, s’il l’estime nécessaire. Ainsi, il ne doit en premier lieu exister « aucun doute sur l’authenticité des enregistrements ou la fidélité des transcriptions », les personnes enregistrées doivent en second lieu « disposer de toute latitude de combattre les éléments à charge dans le cadre d’un débat contradictoire » (Sic, CA Paris, 1ère ch. H, 29.04.09, précitée). Mais selon la Cour de cassation française, les enregistrements obtenus de façon déloyale ne sont pas recevables « dès lors qu’ils sont soumis à la contradiction », le contradictoire étant nécessaire, mais pas suffisant.

Spécificité du droit de la concurrence

Face à l’absence de règles procédurales en droit français de la concurrence et en droit communautaire, la doctrine semble faire dépendre la solution du conflit de la nature civile, commerciale ou pénale de la décision du Conseil de la concurrence. Pour beaucoup, le juge est tenu de se référer « au droit commun dont la vocation subsidiaire permet précisément de pallier les carences des droits spéciaux. » (CHAGNY M., « La preuve sera loyale ou elle ne sera pas ! », Comm. com. électr., 10/2008, comm. 114). C’est alors de manière relativement artificielle que ces auteurs s’interrogent sur « l’identification du droit d’emprunt » (CHAGNY, ibid.) au regard des positions divergentes des deux chambres puisque d’un côté, la chambre civile de la Cour de cassation fait primer le principe de loyauté (Cass. 2e civ., 7.10.2004, n° 03-12.653) et de l’autre, la chambre criminelle prône la liberté de la recherche de la preuve, posée à l’article 427 CPP (Cf. ROYER, Loc. cit.). La majorité des commentateurs s’empressent de relever le « caractère parapénal », la « connotation répressive » du traitement juridictionnel des pratiques anticoncurrentielles (CHAGNY, Loc. cit.), suivant le Conseil de la concurrence pour lequel « il existe de fortes raison de s’inspirer des règles qui gouvernent la preuve devant le juge répressif » (Cons. conc., 5 décembre 2005, n° 05-D-66, § 216, qui se retrouve ainsi commenté dans la revue Actualité Juridique Pénale). Mais ainsi que le remarquent fort justement quelques commentateurs, « ce qui est permis en droit pénal ne s’y impose pas nécessairement sinon en tant que source d’inspiration » (BOSCO, Loc. cit.). En ce sens, on ne peut pas juridiquement reprocher à la chambre commerciale de la Cour de cassation d’avoir souligné l’autonomie procédurale dont bénéficie le droit de la concurrence. Toute critique à ce stade serait artificielle et uniquement dictée par l’approbation ou le rejet de la solution finalement adoptée par la Cour. Les décisions jurisprudentielles allemandes, très détaillées, démontrent qu’une telle opposition entre Chambres n’est en rien inévitable, et qu’une approche transversale du droit peut s’avérer juste et pertinente. En effet, pendant que certains doutent fortement en France de l’opportunité de l’influence du procès pénal sur le procès de droit privé (Cf. DECOCQ G., Cont. Conc. Cons., 8/2007, comm. 208), le juge allemand franchit le pas en introduisant dans le procès de droit privé un principe tiré du droit pénal, la légitime défense.

L’invocation de prérogatives supérieures

. La défense de l’ordre public économique ? Pour motiver sa décision, le Conseil de la concurrence s’était appuyé sur sa mission de protection de l’ordre public économique. Les pourfendeurs de la loyauté regrettèrent alors qu’un tel principe « l’emporte sur toute autre considération » (MALAURIE-VIGNAL M., Cont. Conc. Cons., 10/2007, comm. 244). L’attendu de principe de la Chambre commerciale leur donna raison en ne faisant pas écho à ladite mission, qui ne saurait donc constituer une prérogative supérieure au principe de loyauté. Cependant la Cour d’appel de renvoi invoque de manière pertinente que les victimes sont en matière d’ententes anticoncurrentielles « généralement désarmées et confrontées à la difficulté de fournir des éléments suffisamment probants », qu’ainsi, l’enregistrement « n’est pas disproportionné aux fins poursuivies par le droit de la régulation économique » (CA Paris, 1ère ch. H, 29.04.09, précitée).

. La légitime défense Les juges du fond allemands et français ont tous deux désigné les destinataires de l’exigence de loyauté dans l’administration de la preuve. Côté français, le Conseil de la concurrence et la Cour d’appel ont procédé à une « application distributive du principe de loyauté, souple pour les parties poursuivantes et stricte pour les enquêteurs auxquels les procédés déloyaux sont interdits », faisant écho à une certaine jurisprudence de la Chambre criminelle (BOURSIER-MAUDERLY, Loc. cit.). Mais cette « dissociation soigneusement effectuée » (CHAGNY, Loc. cit.), qui ne tranchait pas la question vis-à-vis de la partie défenderesse, subit la cassation, sans même être évoquée. Certes, dans l’affaire française, c’est la société demanderesse qui fournit l’enregistrement clandestin a l’appui de sa demande. Cependant, la Cour d’appel de renvoi présente explicitement cette partie comme la victime de l’affaire, et ce pour justifier que ce qu’il ressort de l’enregistrement doit faire parti des débats. L’attaque étant parfois la meilleure des défenses, il se pourrait que l’idée de légitime défense, à travers une demande en justice, influença le juge du fond dans sa prise de position. Outre-Rhin, l’OLG Düsseldorf estime dans la décision étudiée qu’il y a une « différence essentielle entre un demandeur désirant parvenir à ses fins avec un enregistrement clandestin, et un défendeur souhaitant par cette méthode se prémunir contre une condamnation injuste basée sur un faux témoignage ». Aussi l’exigence de loyauté, qui n’est pas citée en tant que telle, est plus importante pour le demandeur que pour le défendeur. La partie défenderesse se trouve en l’espèce dans une situation de légitime défense (Notwehr). La Cour proclame alors avec une solennité quasi biblique : « le droit ne doit pas reculer face à l’injuste » (« Das Recht braucht dem Unrecht nicht zu weichen »). Aussi la situation justifie-t-elle la recevabilité de l’enregistrement clandestin à titre de preuve. La « mise en balance » évoquée plus haut du droit au respect de la parole – implicitement couplé au principe de loyauté – et du droit à une bonne administration de la justice – en l’espèce le droit au procès équitable – penche donc en faveur de ce dernier. Certes, les deux affaires étudiées ne sont pas identiques, il est cependant dans les deux cas questions du traitement de la preuve estimée déloyale produite par la victime, qui ne doit pas nécessairement être confondue avec la partie défenderesse.

Conclusion

L’exigence de loyauté n’est pas un principe prôné en tant que tel par le droit judiciaire allemand. Elle s’assimile à la protection de droits fondamentaux, auxquels d’autres droits fondamentaux s’opposent. L’admission par la jurisprudence allemande de la légitime défense comme prérogative primant sur le droit au respect de la parole, qui rend recevable un enregistrement clandestin, est une consécration ingénieuse du droit au procès équitable. Au lieu d’être l’instrument aspirant au respect du procès équitable, le principe de loyauté dans l’administration de la preuve (im)posé par la Cour de cassation française trouve son fondement juridique dans ce droit au procès équitable. Ainsi, la Chambre commerciale confond les objectifs et les méthodes, le principe fondateur du droit judiciaire qu’est le droit au procès équitable et un des instruments permettant de le faire respecter, la loyauté de la preuve. La Cour d’appel de renvoi, relançant le débat avec une certaine audace, a le mérite de ne pas tout rejeter en bloc, de se donner la peine d’analyser en profondeur le cas d’espèce et de rappeler que la loyauté de la preuve n’est qu’un principe abstrait au service du droit au procès équitable. Eu égard à la sanction de 16 millions d’euros encourue par chacune des deux sociétés françaises affligées par l’enregistrement téléphonique, la probabilité est grande que ces sociétés, encouragées par une première décision de la Cour de cassation, se pourvoient de nouveau devant cette dernière. Si le récent arrêt de la Cour d’appel de Paris est attaqué par des moyens identiques à ceux du pourvoi contre la première décision d’appel, c’est la Cour de cassation qui, réunie en vertu de l’article L. 431-6 du code de l’organisation judiciaire en assemblée plénière, aura à trancher définitivement la question de la loyauté de la preuve en droit français de la concurrence. En effet, la juridiction de renvoi serait contrainte de se conformer à la décision de l’assemblée plénière sur les points de droits éclairés (art. L. 431-4 COJ). Affaire à suivre...

Arrêts allemands et commentaires

- OLG Düsseldorf, Urt. V. 31.1.2008 – I-20 U 151/07, „Heimlicher Mitschnitt eines Telefongesprächs darf in den Zivilprozess eingeführt werden“, MMR, 2008, p. 331. - BGH, Urt. v. 18.2.2003 – XI ZR 165/02, „Recht am gesprochenen Wort – Mithören eines Telefonats“, NJW, 24/2003, p. 1727. - BVerfG, Beschl. v. 9.10.2002 – 1 BvR 1611/96, 1 BvR 805/98, „Zivilgerichtliche Verwertung von Zeugenaussagen über Inhalt von Telefongesprächen“, NJW, 49/2002, p . 3619. - OLG Düsseldorf, Urt. v. 21.1.2000 – 22 U 127/99, „Verwertung von Aussagen über mitgehörtes Telefongespräch“, NJW, 2000, p. 1578.

Arrêts français et commentaires

- CA Paris, 1ère ch. H, 29.04.09, n° 2008/11907, note CHEVRIER (E.), D. Actualité, 05.05.2009. - Cass. com., 3 juin 2008, n° 07-17.147, Sony France et Philips France c/ Min. Eco., note BOSCO (D.), «  Nouvelle avancée de la loyauté de la preuve en droit de la concurrence », Comm. com. électr., 8/2008, comm. 204 ; BOURSIER-MAUDERLY (M.-E.), « Contentieux de la concurrence : le nécessaire respect du principe de loyauté », Recueil Dalloz, 2008, p. 2476 ; CHAGNY (M.), « La preuve sera loyale ou elle ne sera pas ! », Comm. com. électr., 10/2008, comm. 114 ; ROYER (G.), « La preuve déloyale en matière de pratiques anticoncurrentielles », JCP E, 2008, n° 36, p. 2055. - CA Paris, 1e ch. H, 19 juin 2007, SAS Philips France, note MALAURIE-VIGNAL (M.), Cont. Conc. Cons., 10/2007, comm. 244 ; Sté Goldies, note DECOCQ (G.), Cont. Conc. Cons., 8/2007, comm. 208. - Cass. soc., 23 mai 2007, n° 06-43.209, SCP Laville-Aragon et a. c/ Lacomme, note BOSSU (B.), « Le SMS n’est pas un mode de preuve déloyal », JCP S, 2007 I 1601. - Cons. Conc., 5 décembre 2005, n°05-D-66, note ROUSSEL (G.), Dalloz Jurisprudence ; « Pas de mention des questions dans les procès-verbaux mais acceptation de la preuve déloyale », Actualité Juridique Pénale, 2006, p. 125. - Cass. 2e civ., 7 octobre 2004, n° 03-12.653, Slusarek c/ Togni, note BONFILFS (P.), « Loyauté de la preuve et droit au procès équitable », Recueil Dalloz, 2005, p. 122 ; LEGER (N.), « Enregistrement clandestin et loyauté de la preuve », JCP G, 2005 II 1025 ; MINIATO (L.), « L’introuvable principe de loyauté en procédure civile », Recueil Dalloz, 2007, p. 1035.