Commentaire de la loi allemande sur les diagnostiques génétiques (Gendiagnostikgesetz du 31 juillet 2009 – Comparatives franco-allemande.

La loi allemande sur le diagnostic génétiques (Gendiagnostikgesetzt) du 31 juillet 2009 est une loi spécifique en allemagne : elle interdit en effet les discriminations d'ordre génétique dans tous les domaines du droit, notamment en droit du travail et en droit des assurances (dans ces deux domaines, la loi énonce des dispositions spécifiques). En se rattachant directement à la protection de la dignité humaine, la loi allemande contre les discriminations génétiques est hautement symbolique. Les diverses dispositions de cette loi, ses objectifs, ainsi que les conséquences de son application en pratique seront éclaircis ici.

 

 

 

La loi allemande sur le diagnostic génétique (Gendiagnostikgesetz ou GenDG) a été élaborée par le parlement le 31 juillet 2009, après une mise en place difficile (cette loi a en effet été longtemps controversée et critiquée, par les parties conservateurs, l’Eglise et certains corps médicaux.) La majeure partie de cette loi est cependant entrée en vigueur en Allemagne le 1 février 2010. (Martina IBELHERR  und Michael AUST  Das neue Gendiagnostikgesetz : Experten urteilen zwiespältig über die neue Regelung. Apotheken Umschau/ Gesundheitpro WB, 31 juillet 22009, disponible sur le site www.aptoheken-umschau.de; dernière consultation le 16 mai 2011.)

L’objectif général de cette loi est d’éviter les dérives éventuellement liées aux examens génétiques. Cette loi  réaffirme pour ce faire la consécration de certains droits fondamentaux, comme le  droit à l’autodétermination pour chacun : c'est-à-dire la possibilité pour chacun de connaître et de disposer librement des informations génétiques dont il a connaissance mais également la possibilité pour cette personne de ne pas connaître ses informations.  Cette loi a pour particularité d’être « transversale » : elle touche en effet à nombreux domaines du droit  (comme l’assistance médicale, la filiation, la « vie au travail », les assurances etc.)

 En Allemagne, plus de 700 instituts procèdent chaque année à 100 000 tests génétiques. La majorité d’entre eux concernent le diagnostique prénatal : chaque année, les  experts examinent les chromosomes de 100 000 embryons et établissent 250 000 évaluations des risques.  Par le biais de l’examen du génome, ils peuvent alors obtenir des informations génétiques capitales (comme découvrir par exemple si une maladie telle que la mucoviscidose ou la chorée de Huntington se développera plus tard chez la personne dépistée.)(Passim Bundesministerium für Gesundheit, «  Hauptteil des Gendiagnostkgesetzes tritt zum 1 februar 2010 in kraft » , 29 Janvier 2010 Berlin, disponible sur le site internet du ministère de la santé http://www.bmg.bund.de/; dernière consultation le 16 mai 2011.)

Au regard de ces chiffres, il n’est pas peu dire que la règlementation des examens génétiques  est alors une nécessité. En effet, l’évolution de la science et des technologies permettent sans aucun doute une meilleure connaissance du génome humain mais augmentent également considérablement les risques de discriminations génétiques. Il est donc possible d’affirmer que la loi  allemande sur les diagnostics génétiques était nécessaire. C’est le commentaire de cette loi dont il sera fait état ici.

Le contexte européen et international

Dans les législations internes des Etats Membres de l’union européenne, « de nombreuses instances ont rendu, au plan européen, des avis et des recommandations éthiques relativement homogènes sur cette question : avis du Comité d'éthique danois en 1993, avis de la Commission consultative sur la génétique humaine, en juin 1999 au Royaume-Uni, avis du Comité national de bioéthique italien de novembre 1999, avis n° 20 du Comité consultatif de bioéthique belge en novembre 2002, recommandation de la Commission nationale de bioéthique en Grèce de septembre 2002. » (Hélène HAUMONT PRAT «  les aspects éthiques des tests génétiques dans le cadre du travail » recueil Dalloz 2004, page 535)

La  loi spécifique aux traitements des données génétiques et à l’interdiction de la discrimination génétique n’a été élaborée en Allemagne que très récemment, cela ne signifie naturellement pas qu’avant cette date, l’Allemagne était  libre de pratiquer des discriminations génétiques. En effet, l’article 1 de la loi fondamentale allemande (Grundgesetz) impose le respect absolu de la dignité humaine. Cette notion intrinsèquement liée aux problématiques bioéthiques et donc aux recherches génétiques posait donc déjà per se des limites aux pratiques discriminatoires. De plus, il existait avant la GenDG (et il existe naturellement toujours) une multiplicité de sources supranationales qui contraignaient l’Allemagne au respect du principe de non discrimination génétique.

En droit européen(droit du conseil de l’Europe) la convention du conseil de l’Europe sur les droits de l’homme et la biomédecine, signée  à Oviedo le 4 avril 1997 est un des premiers textes phare dans la lutte contre les discriminations génétiques. Elle impose le respect de la vie privée ainsi que le droit à l’information et interdit la discrimination génétique dans ses articles 10 et 11.( Cette convention n’a aucune valeur juridique contraignante pour l’Allemagne et la France puisque ces dernier n’ont pas souhaité ratifier cette convention. Cependant, elle permet de constater à quel point une règlementation sur les informations génétiques est importante.)

En droit de l’Union européenne,l’Allemagne  est soumise aux dispositions présentes dans l’article 21 de la charte des droits fondamentaux de l’union européenne qui  interdit expressément la discrimination génétique. Il existe  de plus dans l’ordre juridique européen de très nombreuses directives qui bien que ne faisant pas forcément mention  d’une prohibition des discriminations génétiques en tant que telles ont su créer un climat général de lutte contre les discrimination dans l’Union européenne et ont ainsi participé directement à la mise en place d’une politique anti- discrimination en Allemagne et indirectement à l’élaboration de cette GenDG.

En droit international général, de nombreuses conventions et déclarations existent sur le sujet. Elles ne sont cependant pas toutes ratifiées par l’Allemagne. Néanmoins elles n’ont pas été sans influence sur l’évolution des législations internes dans le monde concernant les discriminations fondées sur les  caractéristiques génétiques. La déclaration de Bilbao de 1993 a été le premier texte international à aborder le génome humain d’un point de vue juridique (bien qu’une déclaration à la différence d’un traité internationale n’ait pas de valeur juridique contraignante ; il ne faut pas sous estimer sa valeur déclaratoire. Celle-ci a en effet une grande portée symbolique, et un impact dans les législations internes (en tant que « soft law ») Celle ci interdit toute utilisation d’informations génétiques entrainant une discrimination dans les relations de travail, dans le secteur de l’assurance ou dans tout autre domaine. ( Passim, Chantal TILMANS- CABIAUX et Joseph DUCHENE  risquer de naître – médecine prénatale et test génétiques presse universitaire de Namur, janvier 2002, disponible sur le site internet http://books.google.com; dernière consultation le 16 mai 2011.)

La déclaration universelle sur le génome humain et les droits de l’homme de l’UNESCO de 1997 (Canadian Coalition for Genetic Fairness « quel est l’encadrement normatif international gouvernant la discrimination génétique ? » disponible sur le site internet http://www.ccgf-cceg.ca/fr/about-genetic-discrimination, dernière consultation le 11 mai 2011.)proclame « que nul de droit faire l’objet de discriminations fondées sur les caractéristiques génétiques, qui auraient pour objet de porter atteinte à ses droits à et à ses libertés fondamentales et à la reconnaissance de sa dignité ». Compte tenu de l’importance de cette déclaration, elle devient le 9 décembre 1998 la résolution AIRES/53/152, de l’assemblée générale de l’ONU (les résolutions de l’assemblée générale de l’ONU ont valeur de « recommandation ». Bien que n’ayant pas de caractère contraignant à proprement parler, elles peuvent avoir une influence sur le droit en tant qu’instruments de « soft law ».) La résolution 2004/09 sur la confidentialité des données génétiques et non discrimination du conseil économique et social des nations unis énonce quant à elle que les Etats se doivent de veiller « à ce que nul ne fasse l’objet de discriminations fondées sur des informations génétiques.»

La lutte contre les discriminations génétiques prend donc une place importante dans les ordres juridiques européens et internationaux. Il n’y a donc nouveau rien d’étonnant à ce que l’Allemagne ait (enfin) mis en place une législation en la matière.

Discrimination génétique et dignité humaine

L’article 1 de la GenDG énonce que l’objectif principal de cette loi est de « préciser les conditions d’exécution des examens génétiques et des analyses génétiques réalisées au cours de ces examens, ainsi que les conditions d’utilisation des essais et données  génétiques, et d’éviter une discrimination fondées sur  des caractéristiques génétiques afin de garantir une protection étatique de la dignité individuelle et le droit à l’autodétermination. »

La notion de dignité humaineapparaît dans l’article 1 de la GenDG. Celui ci est particulièrement important car il énonce les objectifs de cette loi. Connaître les objectifs d’une loi permet de savoir dans quelle direction il faudra interpréter ce texte, quels sont les points que le législateur souhaite voir être mis en avant ; protection que le texte entend assurer. Le législateur rattache ici l’interdiction des discriminations génétiques à un des droits fondamentaux les plus importants : la dignité humaine  et fait ainsi de la protection de celle-ci une obligation étatique.( Article 1 alinéa 1 GG (loi fondamentale allemande) „Die Würde des Menschen ist unantastbar. Sie zu achten und zu schützen ist Verpflichtung aller staatlichen Gewalt.“ -   La dignité humaine est inviolable. La garantir et la protéger sont une obligation étatique.)

Ceci est d’autant plus important, que le principe de dignité humaine est le premier article de la loi fondamentale allemande, ce qui signifie qu’il est le premier « Grundrecht » droit fondamental garanti par la « constitution » allemande, ce qui a – en plus de sa valeur juridique évidente- une grande valeur symbolique. De plus, le principe de dignité humaine est énoncé dans cet article comme « unentastbar », c’est-à-dire inviolable. Cela semble conférer une grande force à l’article 1 de la GenDG.

Un principe général de discrimination

Le  principe général des discriminations génétiques énoncées dans l’article 4 GenDG  est particulièrement important. Ce principe s’applique a priori dans tous les domaines du droit (qui pourrait être en rapport avec des examens génétiques)  puisqu’aucune limite n’apparaît dans le texte (l’article 2 GenDG énonce en effet que „la loi s’applique à tous les examens génétiques et à toutes les analyses génétiques réalisés chez les personnes (déjà nées) ainsi que sur les embryons et les fœtus pendant la grossesse; et le maniements de données et d’essai génétiques déjà réalisés à des fins médicales, ainsi qu’aux tests réalisés à des fins de filiation, ou dans le contexte du droit du travail et du droit des assurances. Cette loi ne s’applique pas aux examens génétiques réalisés suivants des finalités de recherches scientifiques, ou selon les dispositions relatives à la procédure pénale“ )

 Alors que certains articles de cette loi règlementent de manière particulière et précise l’interdiction des discriminations en droit du travail et en droit des assurances, l’article 4 de la GenDG impose (à première vue) l’absolue non-discrimination génétique tout domaine confondu. (Sur l’articulation de l’article 4 et des articles 18 et 20 de la GenDG, voir Peter Präve «  Das Gendiagnostikgesetz aus versicherungsrechtlicher Sicht. » Versicherungsrecht Bd 60 (2009) Page 857 – 861.)

En France, c’est la loi du 4 mars 2002 (relative aux droits des malades) qui énonce explicitement pour la première fois une prohibition générale des « discriminations en raison des caractéristiques génétiques ». La déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, le préambule de la constitution de 1946 et l’article 2de la constitution de 1958 servent également de socle législatif à l’interdiction des discriminations génétiques. La loi du 6 Août 2004 quant à elle complète le chapitre III (du titre 1) du code civil et instaure l’actuel article 16-13 (« Nul ne peut faire l'objet de discriminations en raison de ses caractéristiques génétiques. »). Les code pénal (articles L 225-1 et suivants), du travail (L 122- 45) et de santé publique ( L 1141-1) participent à leur tour à la mise en place d’une interdiction des discriminations génétiques en France.( Isabelle VACARIE, « du bon et du mauvais usage des caractéristiques génétiques », Revue de droit sanitaire et social 2005, pages 195 : « Ces divers textes, parce qu'ils mettent systématiquement « hors-la-loi » les distinctions opérées entre les personnes en considération de leurs caractéristiques génétiques, autorisent à affirmer la positivité, dans le droit français d’un principe de non discrimination en raison des caractéristiques génétiques.)

La discrimination prénatale et la règlementation des pratiques eugéniques.

C’est y compris dans le cadre des tests prénataux, que la GenDG interdit la discrimination génétique afin de lutter efficacement contre l’eugénisme en Allemagne.

L’eugénismepeut être désigné comme l’ensemble des méthodes et pratiquesvisant à transformer le patrimoine génétiquede l’espèce humaine, dans le but de le faire tendre vers un idéal déterminé. Il peut être le fruit d’une politique délibérément menée par un État.. Il peut aussi être le résultat collectif d’une somme de décisions individuelles convergentes prises par les futurs parents, dans une société où primerait la recherche de l’ « enfant parfait », ou du moins indemne de nombreuses affections graves. » (Conseil d’état français, définition adoptée dans  étude sur la révision des lois de bioéthique, 2009, page 30)

 Le diagnostic prénatal (DPN) correspond quant à lui à tout acte diagnostique accompli en vue de déterminer ou de prévoir l’état de l’enfant avant sa naissance. Le Dictionnaire permanent de bioéthique et des biotechnologies définit le DPN comme « un diagnostic porté sur l’embryon ou le fœtus humain in utero, qu’il s’agisse de déceler une anomalie morphologique ou une maladie génétique ou chromosomique actuelle, ou une prédisposition à développer une maladie dans le futur » ) . En effet,  il est possible de qualifier des pratiques tels que l’eugénisme (comme par exemple une interruption volontaire de grossesse lorsqu’un diagnostic prénatal ne convient pas aux parents) de discrimination génétique puisque le fait de souhaiter le changement de sexe d’un enfant, ou de certaines de ses caractéristiques physiques (tels que l’absence de maladie) peut constituer une discrimination fondée sur le sexe ou sur la santé. De telles pratiques reviennent donc à  choisir un type d’enfant plutôt qu’un autre (par le biais notamment de l’interruption volontaire de grossesse) et ce en se fondant sur des critères « subjectifs » qui ne sont a priori justifiés par aucune nécessité de protection de l’ordre, de la sécurité ou encore de la santé publics. L’article 15 de la loi qui fait réfèrence aux diagnostiques prénataux énonce donc pour éviter toute dérive eugénique que les examens génétiques ne peuvent être réalisés qu’à des fins médicales, et à partir du moment où les caractéristiques génétiques du fœtus ou de l’embryon sont susceptibles de nuire à l’enfant, ou à la mère pendant sa grossesse.

L’alinéa 3 du même article pose de plus une limite importante à ces diagnostiques prénataux : lorsque la maladie susceptible d’être détectée lors du diagnostique ne se matérialisera pas avant les 18 ans de l’enfant, il est interdit au médecin d’essayer de la dépister. Cet alinéa marque la volonté de l’Allemagne de limiter au maximum les discriminations sur la santé, et une certaine forme de pratique eugénique. Cette interdiction s’inspire des principes énoncés par l’article 1 de le GenDG : le droit à l’autodétermination et à la confidentialité.  Concernant le dépistage des maladies à déclenchement tardif, la législation française semble  bien moins précise sur le sujet. Cependant, elle n’autorise l’interruption volontaire de grossesse que lorsque le fœtus est atteint de la maladie, et non lorsqu’il est susceptible d’être atteint de cette maladie.  Une IVG est donc impossible à la suite d’une maladie à déclenchement tardif puisque le fœtus n’est pas malade, mais simplement porteur du gène susceptible de déclencher la maladie (sans possibilité d’IVG éventuel, il est possible de considérer que le dépistage prénatal d’une maladie n’a pas grand sens ou du moins que cela limite les risque d’une pratique potentiellement « eugénique ».)

En France, c’est l’article 16-4 du code civil qui interdit toute forme de pratiques eugéniques. De plus, les articles L 2131 du code de santé publique (instauré par la loi sur la bioéthique du 6 août 2004)  correspondent aux dispositions applicables aux diagnostiques prénataux. Ils font état d’une législation française stricte et précise en la matière. En effet, les diagnostiques prénataux ne sont autorisés que dans le cas de maladie « particulièrement » grave, ils doivent avoir lieu dans des établissements spécialisés soumis à des autorisations. Le diagnostic biologique effectué à partir de cellules prélevées sur l'embryon in vitro n'est autorisé qu'à titre exceptionnel et que lorsque de nombreuses conditions sont remplies, notamment il ne peut être réalisé que lorsqu’il a été préalablement et précisément identifié chez un des parents (la GenDG ne fait quant à elle manifestement pas état d’une telle liste de condition s– ce qui pourrait laisser la porte ouverte à de plus fort risque de discriminations génétiques  « prénatales ».)

La règlementation de la transmission des informations génétiques « privées » au tiers 

C’est une des nouveautés les plus importantes de cette loi. Celle-ci n’énonce pas simplement un principe général d’interdiction des discriminations génétiques dans son article 1 mais règlemente dans des dispositions spécifiques la transmission des informations génétiques « privées » (que cela soit celles de la personne directement concernée ou celles de ses proches) aux tiers.  La loi s’assure avant toute chose que cette transmission n’entraine pas de discrimination en droit du travail et des assurances.

L’interdiction des discriminations génétiques en droit du travail – chapitre 5, articles 19 à 22 de la GenDG.

En droit du travail allemand, les examens génétiques à la demande de l’employeur sont en principe interdits.  Celui-ci  n’a en effet pas le droit de demander, d’utiliser ou même d’accepter les résultats d’examens génétiques d’un individu qui auraient eu lieu dans un autre contexte que celui de la relation de travail.  L’article 19 alinéa 1 de la GenDG éclaire ici un point important : en effet en droit du travail lorsqu’il n’y a pas de législation en la matière, il est toujours difficile de tracer une limite entre les questions que l’employeur a le droit de poser, et celles qui peuvent rester sans réponse. En énonçant dans l’alinéa 2 que le demandeur n’a pas le droit de demander au salarié ses données génétiques, le législateur consacre ici quasi explicitement « un droit au mensonge » pour le salarié.(Günther WIESE, «  Gendiagnostikgesetz und Arbeitsleben », Betriebsberater Bd 64 (2009), seite 2198 – 2206)

Afin de protéger le travailleur, les examens génétiques dits « de prévention » sont en  principe prohibés dans le cadre de la médecine du travail. Ils ne peuvent en effet n’ être autorisés qu’à de très strictes conditions. Il avait pourtant été question de poser certaines exceptions textuelles précises pour autoriser notamment des tests génétiques lorsque « le déclanchement d’une maladie génétique chez le travailleur est susceptible de mettre en danger la vie ou la santé d’autres personnes », cela aurait permis de dépister par exemple les maladies mentales génétiques des pilotes d’avion, de train ou de bus.  Une partie de la doctrine considérait en effet que les droits fondamentaux « à la vie et à la santé » primait sur le droit « à la protection de ces données personnelles .»(Günther WIESE, «  Gendiagnostikgesetz und Arbeitsleben », Betriebsberater Bd 64 (2009), seite 2198 – 2206.)Le législateur a cependant décidé de ne pas inclure une telle exception dans cette loi.

En France, la procédure est  très règlementée, et   les différentes étapes de la relation de travail (entretien, embauche, exécution du contrat de travail)  sont régis « pas à pas » au regard de l’interdiction des discriminations génétiques.( Avis N° 46 du Conseil consultatif national de l’éthique. Avis et recommandations sur Génétique et Médecine : de la prédiction à la prévention. 30 octobre 1995 Rapport : «  l’utilisation des tests génétiques dans le cadre de la médecine du travail doit être exceptionnelle et strictement réservée à des cas énumérés de façon limitative, pour lequel le risque de l’individu est suffisamment bien établi et ne peut être supprimé que par l’aménagement du travail. »)  Il y a pour ce faire différentes sources de droit en France et non une loi « unique » comme en Allemagne (l’article 23 de la GenDG énonce expressément que la AGG (Allgemeine Gleichbehandlungsgesetz – loi sur l’égalité de traitement (applicable en droit du travail.))  continue à s’appliquer en parallèle ( article 4 alinéa 2 GenDG) , la loi sur les diagnostics génétiques n’est donc pas « unique » à proprement parler mais c’est la seule à être « transversale » en ce qu’elle s’applique dans tous les domaines du droit (assurance, travail, filiation…)

La GenDGpose un principe général d’’interdiction des discriminations génétiques, et précise expressément que ce principe s’applique en droit du travail que cela soit avant l’embauche ou lors de l’exécution du contrat de travail.

La législation française distingue quant à elle entre le fait de demander la réalisation d’un test génétique  et le fait de se voir transmettre des informations génétiques dites « privées ».

 Dans le premier cas de figure, l’article R- 4624 du code du travail énonce que lors de la conclusion du  contrat de travail, il est possible de procéder à des  examens médicaux (et donc a priori à des tests génétiques) afin d’évaluer l’aptitude du candidat. Cependant l’article 225-3 I du code pénal interdit toute discrimination fondées sur des risques d’incapacité ou d’invalidité prenant en compte « des tests génétiques prédictifs ayant pour objet une maladie qui n’est pas encore déclarée ou une prédispositions génétiques à une maladie. » Ces tests génétiques éventuellement réalisés avant la conclusion d’un contrat de travail ayant pour but principal de prévoir d’éventuelles maladies, ils ne peuvent en effet être que très rarement réalisés sans porter atteinte à l’article 225-3 du code pénal.( Passim, Alice et Nathalie DUPUY « Examen des caractéristiques génétiques d'une personne à des fins médicales-Information des tiers » disponible le site de l’université Descartes www.droit.univ-paris5.fr, dernière consultation le 14 mai 2011)

En cours d’exécution du contrat,des tests génétiques sont éventuellement envisageables lorsque la finalité médicale de ceux-ci est respectée : cela peut être le cas lorsque ces tests ont pour objectif de prévenir des risques liés à la prestation requise par le salarié.

En droit français, « le recours à la médecine du travail est une obligation pour l'employeur qui doit permettre de sauvegarder le droit à la protection de la santé et le droit au travail : la médecine du travail a ainsi pour mission de prévenir les maladies professionnelles et de préserver la santé du salarié : le développement de la surveillance génétique s'inscrit dans ces objectifs. L’information génétique doit cependant être une source de prévention mais non de discrimination » (Hélène GAUMONT PRAT, Tests génétiques et emploi, Revue médecine et droit 2000, n° 42 et  les aspects éthiques des tests génétiques dans le cadre du travail, recueil Dalloz 2004, page 535)

La législation françaisea en effet connu une belle évolution: En effet, il était possible au début des années 90 de constater que l’absence d’interdiction stricte de discrimination génétique dans le code du travail laissait  place à un risque réel de discrimination : pour éviter cela, la France a ajouté certaines dispositions générales dans le code civil en 1994. La création du chapitre III (article 16-10 à 16-13) intitulé de l’examen des caractéristiques génétiques d’une personne et de l’indentification d’une personne par ses empreintes génétiques » impose maintenant qu’à chaque test génétique sa finalité médicale soit respectée. Le détournement de cette finalité est sanctionné par l’article 226-26 du code pénal. Le paragraphe 2 de la GenDG impose également que toute recherche génétique soit faite dans le but de respecter une finalité médicale (cela ajoute une protection.) De plus, en 2008 (Loi N°2008 – 496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discrimination l ’article L 1132 du code du travail introduit un principe général d’interdiction des discriminations fondées « caractéristiques génétiques » (ce qui correspond donc à l’ajout d’une nouvelle « catégorie » dans la liste des critères de non discrimination.)  Ce nouvel article est très similaire aux articles 4 et 19 de la GenDG.

Dans le second cas de figure, l’article L 1132 du code du travail énonce qu’un employeur peut se voir communiquer des informations « dites privées » par le candidat (soit par exemple, des informations génétiques)  si celles-ci ont un lien direct et nécessaire avec la prestation de travail à effectuer ou avec les aptitudes du candidat.  La portée de cet article (et les effets discriminatoires qui pourraient  en découler ) sont néanmoins limitées par l’article L 1132 du code du travail qui énonce qu’’aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement en raison de son état de santé ou de son handicap. » Il est donc nécessaire de trouver un « juste milieu » entre la protection immédiate de la vie privée de la personne concernée et le lien direct entre « prestation de travail et informations génétiques » (Recommandation du comité des ministres du conseil de l’Europe 10 février 1992 « l’information génétiques peut être utilisée lors de la conclusion d’un contrat de travail lorsque cela est fondé sur « des raisons de protections immédiates de la personne concernée ou des tiers » et que cela est « directement lié aux conditions spécifiques de l’activité en cause. »)

L’interdiction des discriminations génétiques en droit des assurances, chapitre 4 de la loi, article 18.

En Allemagne,les assurances n’ont  ni le droit de demander la réalisation d’un examen génétique (alinéa 1 (1)), ni le droit d’exiger d’obtenir les résultats de tels examens pratiqués dans un autre contexte que celui de la conclusion du contrat d’assurance (alinéa 1 (2)).  Tout comme en droit du travail, la GenDG énonce donc un principe général d’interdiction de demande de réalisation de tests génétiques, et de transmissions des informations génétiques « privées » (les deux aspects étant à nouveau interdit dans la même disposition) ; Cette fois ci cependant une exception textuelle et précise est posée (après que celle-ci fût soumise à l’approbation du comité national d’éthique allemand (Dr Peter präve «  Das gendiagnostikgesetz aus versicherungsrechtlicher Sicht », Versicherungs recht BD 60 (2009)) : En effet, la deuxième phrase de l’alinéa 1 énonce que le  principe d’interdiction général énonce dans l’alinéa 1 de cet article ne s’applique pas lorsque le montant de l’assurance  est supérieur  à  300 000 euros . L’alinéa 1 phrase 2 précise cependant que l’interdiction posée à l’alinéa 1 phrase 1 (2) ne s’applique lorsque le montant de l’assurance contractée est supérieur à 30 000 mais que cette exception ne joue pas pour l’alinéa 1 (1) ; ainsi l’assureur peut demander à l’assurée que celui-ci lui communique ses données génétiques mais ne peut pas exiger de lui la réalisation d’un test génétique. Si l’assuré allègue ne jamais avoir passé de test, l’assureur n’a alors aucun moyen de connaître les données génétiques de la personne assurée.

L’alinéa 2 de l’article 18 précise que l’article 19 VVG (Versicherungsvertragsgesetz - loi sur les contrats d’assurances) reste applicable en parallèle de la GenDG. Cet article énonce qu’avant la conclusion d’un contrat d’assurance, le futur assuré a l’obligation de donner à l’assureur toutes les informations (qu’il connait) concernant son état de santé ( les « pour » et les « contre » à la conclusion dudit contrat d’assurance.) Cela permet à l’assureur de bien pouvoir calculer les risques et de proposer à l’assuré un contrat d’assurance qui lui correspondant.( Dr Peter präve «  Das gendiagnostikgesetz aus versicherungsrechtlicher Sicht », op.cit note 21.) L’application parallèle de cet article à la GenDG risque A première vue d’être problématique.

En France,il existe tout d’abord une interdiction générale des discriminations génétiques énoncées par l’article 16 – 13 code civil qui s’applique également en droit des assurances et une interdiction (Cette interdiction suit  un avis du comité consultatif national d’éthique qui estimait qu’inclure les tests génétiques dans le champ d’application de l’article 113 – 8 du code des assurances et obliger le patient à déclarer une anomalie génétique à l’assureur serait franchir un pas d’une extrême gravité vers la mise en cause des principes fondamentaux d’égalité en droit et de solidarité entre les êtres humains. » Avis N°4 «  génétique et médecine : de la prédiction à la prévention » rapport du 30 octobre 1995.  Les test génétiques n’entrent donc a priori pas dans le champ d’application de l’article 113-8 code des assurances qui énonce que le contrat d’assurance est nul en cas de réticence ou de fausse déclaration intentionnelle de l’assuré qui change l’objet du risque ou en diminue l’option. ») spécifique au domaine des assurances  - énoncée par l’article L 1141- 61 du code de santé publique (et par l’article L 133- 1 du code des assurances - ) pour toutes les entreprises d’assurance d’utiliser « les résultats de l’examen des caractéristiques génétiques Celle-ci est impérative : les données génétiques de l’assuré ne pourront jamais être exploités même si ce dernier y consent.
De plus, le questionnaire médical qui doit être complété par toute personne souhaitant souscrire une assurance ne pourra mentionner aucun tests génétiques ou résultats, et ne pourra en aucun cas imposer un test génétique «  à l’occasion d’un examen médical approfondi conditionnant la souscription du contrat . Cette interdiction vaut tant pour la phase de conclusion du contrat que pour celle de son exécution.» (Marie Luce DEMESTER, professeur à la faculté de droit et de sciences politiques d’Aix en Provence, « l’assurance des risques de santé  et la loi N° 2002- 303 du 4 mars 2002 », revue droit sanitaire et social 2002, page 783.)

Les sanctions prévues par la GenDG

Les sanctionspropres à la discrimination génétique sont également prévues par cette loi. Cela suit toujours la même logique : « tout » (en rapport naturellement avec les tests génétiques) est contenu dans cette loi et ce « tout domaine confondu » : les principes généraux d’interdiction et les sanctions qui s’y rattachent. Le GenDG prévoit un chapitre 7 spécifique aux sanctions : L’article 25 prévoit les peines privatives de liberté (allant d’un à deux ans de prisons), et l’article 26 les amendes et les contraventions (allant de 5000 à 300 000 euros). De plus, le code civil allemand énonce dans son article 134 („Verstoß gegen ein gesetzliches Verbot“ – violation d’une disposition législative.) que tout accord pris en violation d’une disposition législative est nulle. Cela pourrait conduire à la nullité du contrat de travail ou d’assurance discriminatoire, même si en pratique cela n’arrive quasiment jamais car l’application de cet article est relativement compliquée.

Les sanctions en Francesont avant tout prévues par le code pénal aux articles L 214 – 3 ou L 225-1  (3 ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende en cas de discrimination/ 30 ans de réclusion criminelle et 7 500 000 euros d’amende en cas de pratiques eugéniques.) Pour les domaines précisément visés par la GenDG : le droit du travail et le droit des assurances, il existe des sanctions énoncés dans les codes spécifiques à ces matières ; le code de santé publique renvoie dans ses articles 1271 et suivants aux sanctions pénales et l’article L 1132 -4 code du travail (qui énonce une sanction civile : la nullité de la disposition prise en méconnaissance des interdictions de non discrimination.)  

Les lacunes de cette loi 

Bien que cette loi soit une avancée législative indéniable, et absolument nécessaire ; il est néanmoins possible de remarquer que certains points manquent à cette règlementation. En effet, les exceptions prévues en droit du travail à l’interdiction des discriminations génétiques dans l’article 20. Alinéa 2(en cas de diagnostic fait « dans un but de précaution »)  sont problématiques car imprécises (« à de strictes conditions » est la seule indication textuelle concernant les exceptions à ce principe d’interdiction.)  Il est  en effet possible de se demander (et c’est ce que fait le corps médical en Allemagne) de quelles exceptions précisément il est ici fait état, alors même que la AGG (loi sur l’égalité de traitement applicable en droit du travail) ne détaille pas au regard de l’interdiction des discriminations de manière extrêmement précise la procédure à suivre lors de l’embauche ou encore les conditions  d’un examen médical (toujours au regard de cette même interdiction de discrimination génétique). De plus, il est nécessaire de se demander qui se doit d’interpréter la notion de « précaution ». En l’absence, de toute jurisprudence, il est encore impossible de dire si c’est par exemple à l’employeur lui-même de déterminer les cas susceptibles d’entrer dans la catégorie des exceptions prévues par cet article (ce qui pourrait naturellement affaiblir la protection que cette loi souhaitait apporter à l’encontre des discriminations génétiques dans le domaine du travail.)

 L’effectivité de la protection apportée en France et en Allemagne contre les discriminations génétiques.

En application du paragraphe 23 de la loi allemande sur les examens génétiques, l’institution allemande ROBERT KOCHa mis en place une commission d’experts indépendants.  Cette commission interdisciplinaire doit élaborer des directives quant à l’état général actuel de la recherche scientifique et de la technique médicale. Cette commission est composée de spécialistes issus des domaines de la médecine, de la biologie, de l’éthique et du droit, mais également de représentants et de membres d’associations de patients, de consommateur et d’handicapés.  La première session (visant à la constitution de cette commission) a eu lieu le 30 novembre 2009. L’instauration de cette commission est une particularité allemande qui par la mise en place d’institutions indépendantes montre sa volonté « d’améliorer » de façon effective sa politique de lutte contre les discriminations.

Il est naturellement difficile de comparer la protection existante entre la France et l’Allemagne en matière de discrimination génétique, sachant que la loi allemande est encore très récente, et qu’il est donc difficile de déterminer son effectivité et son efficacité (en l’absence notamment de toute jurisprudence)  Néanmoins,  comme il en a déjà été fait mention précédemment : L’absence d’exception précise  dans l’article 20 II GenDG laisse une trop grande marge d’appréciation  à l’employeur en Allemagne.  De plus, aucune liste de conditions autorisant les examens génétiques (lorsque c’est le cas)  n’est énoncée dans cette loi. En France, les articles R 4624-10 à R 4624-14 du code du travail font état des conditions nécessaires à un examen génétique dans le cadre d’une embauche (et les éventuelles dispenses à ces examens médicaux.) Les articles R 4624- 28 à R 4624-30 précise quant à eux de manière explicite le déroulement des examens médicaux.

La loi allemande énonce des principes généraux  qui ont une forte portée symbolique (nombreuses références au droits fondamentaux) , ce qui est une très bonne chose, mais la précision a parfois du bon.. De plus, quelque soit le pays, la difficulté de la lutte contre les discriminations résident toujours dans l’apport de la preuve (malgré des efforts des Etats pour augmenter la protection en modifiant notamment la procédure relative à la charge de la preuve de la discrimination) puisqu’un candidat à un emploi qui refuserait de donner des informations génétiques le concernant risque de se voir refuser l’offre d’emploi ; l’employeur prétextant d’autres raisons que celles du refus du candidat. De plus, les sanctions peuvent également être parfois insuffisantes ; en effet quelles soient civiles ou pénales, elles ne conduisent en pratique jamais à la conclusion du contrat de travail, ou du contrat d’assurance.