L’article 211-1 du Code pénal français et l’article 6 du Statut de la Cour pénale internationale : la transposition de la définition internationale du crime de génocide en droit pénal français

Résumé : L’article 6 du Statut de la CPI définit le génocide comme la commission de certains actes avec l’intention de détruire un groupe ethnique, national, racial ou religieux en tant que tel. Le droit français transpose cette définition dans l’article 211-1 du Code pénal en y apportant quelques modifications, notamment en exigeant un plan concerté au lieu de l’intention de détruire. Cependant, le droit français introduit la notion de critère arbitraire pour déterminer le groupe visé par le génocide.

 

Mots clés : génocide, droit pénal français, droit international pénal, Statut de la CPI, définition, groupe visé, intention génocidaire, plan concerté

 

La définition du crime de génocide est donnée pour la première fois dans la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide du 9 décembre 1948 et a acquis valeur coutumière (C.I.J., 28 mai 1951, Réserves à la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, avis consultatif, Recueil 1951, p. 23). Elle a par la suite été reprise mot pour mot à l’article 6 du Statut de Rome du 17 juillet 1998 instaurant la Cour Pénale Internationale (CPI), et adaptée en droit français aux articles 211-1 et 213-1 à 213-5 du Code pénal. La CPI étant complémentaire aux juridictions nationales, les États sont les premiers compétents pour punir le crime de génocide. Pour cela, ils se doivent de transposer le Statut de la CPI dans leur droit interne.

Lors de la rédaction de la Convention sur le génocide, l’intention spécifique était considérée comme l’élément permettant de distinguer le crime de génocide des autres crimes, notamment du crime contre l’humanité (C. Fournet, The Crime of Destruction and the Law of Genocide: Their Impact on Collective Memory, Hampshire, Ashgate Publishing, Ltd., 2007, 182p, p.61). Selon William Schabas, s’il n’y a pas d’intention spécifique, alors le crime en question ne tombera pas dans le champ d’application de la Convention sur le génocide, et par extension dans le champ de l’article 6 du Statut de la CPI, car son exigence fait partie intégrante de la définition du crime de génocide (W. Schabas, Genocide in International Law, Cambridge, Cambridge University Press, 2000, 624p, p.443). Le crime de génocide suppose donc l’existence d’une intention de détruire tout ou partie d’un groupe spécifique, tel que défini à l’article 6 du Statut de la CPI. Cette intention fait référence à la volonté des auteurs du génocide d’accomplir certains actes, comme le meurtre ou la soumission du groupe à des conditions d’existence extrêmes, avec pour objectif de faire disparaître le groupe. Ainsi, le simple fait de tuer les membres d’un groupe ne permet pas de qualifier le crime de génocide si l’auteur n’avait pas l’intention de détruire le groupe visé. En d’autres termes, le dol général, à savoir l’accomplissement intentionnel des actes constitutifs du génocide, ne suffit pas, l’auteur doit également avoir un dol spécial, à savoir la volonté de parvenir à la destruction totale ou partielle du groupe. La CIJ souligne cette exigence dans l’affaire du génocide (C.I.J., 26 février 2007, Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro), arrêt, Recueil 2007, p. 43).

La transposition de la définition du crime de génocide en droit français, bien que très proche de la définition donnée à l’article 6 du Statut de la CPI, n’est pas totalement identique, notamment en ce qui concerne l’intention requise. En effet, l’article 211-1 du Code pénal définit le génocide comme « le fait, en exécution d’un plan concerté tendant à la destruction totale ou partielle d’un groupe […] ». Par opposition, le Statut de la CPI définit l’élément moral comme « l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe […] ». Cette différence dans l’élément moral du crime de génocide est fondamentale, du fait de la compétence subsidiaire de la CPI. En effet, la CPI ne sera compétente qu’en cas de défaillance ou mauvaise volonté des États. Les États conservent donc à titre principal la responsabilité de juger et punir les auteurs des crimes de génocide. De ce fait, la définition du crime de génocide en droit français pourrait limiter les incriminations pour génocide, en ce qu’un plan concerté suppose préméditation, alors que le Statut de la CPI ne semble pas faire de celle-ci un élément dudit crime.

Concernant l’élément matériel, le droit français ne limite pas le génocide à la destruction d’un groupe national, ethnique, racial ou religieux : le Code pénal précise bien qu’un génocide peut être commis à l’encontre « d’un groupe déterminé à partir de tout autre critère arbitraire ». La définition du génocide par le Statut de la CPI se limite en revanche aux quatre groupes précités, et ne semble pas reconnaître d’autres formes de génocide. Cette approche plus large du droit français pourrait permettre d’incriminer comme crime de génocide la destruction d’un groupe politique ou culturel, mais elle présente aussi des inconvénients du fait de son manque de précision.

Il s’agit donc ici de déterminer quelles sont les conséquences de l’adoption par la France d’une définition plus restrictive de l’élément moral du crime de génocide, mais plus large concernant la définition du groupe visé. En effet, l’adoption d’une telle définition peut permettre de résoudre certains problèmes qui se sont posés devant les tribunaux pénaux internationaux dans la mise en œuvre de la définition du génocide telle que reprise par le Statut de la CPI. Cependant, elle peut également avoir pour effet de limiter la responsabilité pénale des personnes ayant participé à la commission d’un génocide. De plus, la compétence de la CPI n’étant que subsidiaire, les États se doivent d’éviter une approche trop restrictive qui limiterait la responsabilité pénale des individus pour génocide par rapport à ce que prévoit le Statut de la CPI. La comparaison entre ces deux ordres juridiques permet donc de savoir dans quelles mesures le droit français permettrait de combler les lacunes ou poser des limites en matière d’incrimination pour génocide.

 

I. Une extension de la définition contenue dans le Statut de la CPI quant aux caractéristiques du groupe visé

A) Une définition limité du crime de génocide dans le Statut de la CPI

L’article 6 du Statut de la CPI prévoit que seuls les groupes nationaux, ethniques, raciaux ou religieux peuvent être visés en cas de commission d’un génocide. Si un autre groupe est visé, par exemple un groupe politique ou culturel, le crime en question ne pourra pas être qualifié de génocide. En revanche, le droit français tend à élargir la qualification du groupe visé, en prenant en compte tous les groupes déterminés à partir d’un critère arbitraire.

La volonté de détruire un groupe spécifique, qu’il s’agisse simplement de l’intention de le détruire ou que cela nécessite un plan concerté, est reconnu à la fois en droit international et en droit français. Dans les deux cas, un groupe spécifique doit être visé en accord avec les critères établis dans la définition du génocide. Selon la définition de l’article 6 du Statut de la CPI, les membres du groupe sont pris pour cible non pas à cause de ce qu’ils font, comme administrer un territoire ou exercer un pouvoir sur un territoire, mais en raison de ce qu’ils sont, à savoir leur nationalité, religion, ethnie ou race (J. Verhoeven, « Le crime de génocide. Originalité et ambiguïté », RBDI, 1991, pp. 10-11).

B) L’ajout de la notion de critère arbitraire comme caractéristique du groupe visé

La définition retenue par le droit français diffère sur ce point, en ce que le groupe peut être déterminé selon n’importe quel critère, à condition que celui-ci soit considéré comme arbitraire. Cette définition présente l’avantage d’inclure les groupes politiques ou culturels, mais également les groupes formés par les homosexuels ou transsexuels, le critère arbitraire étant ici l’orientation sexuelle ou le changement d’identité des individus du groupe. Ainsi, on peut donc supposer qu’une politique d’État ayant pour objectif l’annihilation des handicapés ou des personnes homosexuelles pourrait être considérée comme un génocide si les autres éléments du crime sont réunis.

C) L’exemple du génocide culturel

L’intérêt de la définition contenue dans le Code pénal est qu’elle permet notamment d’inclure le génocide culturel. La question de l’existence d’un tel génocide a été posée devant le TPIY (dont les statuts contiennent la même définition du génocide que celle de l’article 6 du Statut de la CPI), celui-ci faisant référence à la destruction de biens culturels dans plusieurs affaires, notamment Karadzic et Mladic (TPIY, Chambre de première instance, 11 juillet 1996, Le procureur c. Radovan Karadzic et Ratko Mladic, affaires n°IT-95-5-R61 et IT-95-18-R61, paras. 11, 15 et 41). Cependant, le groupe culturel n’a pas été inclus dans l’article 6 du Statut de la CPI. Le droit français, dans sa transposition du droit international, permet d’y remédier, les caractéristiques culturelles d’un groupe constituant sans nul doute un critère arbitraire pouvant justifier la prise pour cible dudit groupe lors d’un génocide. Un tel génocide se définit comme « l’interdiction d’employer la langue du groupe, la destruction des musées, bibliothèques, lieux de culte, écoles, etc. du groupe » (N. Thwaites, « Le concept de génocide dans la jurisprudence du TPIY : avancées et ambiguïtés », Revue belge de droit international, 1997/2, pp.565-606, p.594-595). L’inclusion du génocide culturel permettrait par exemple de qualifier de génocide un nettoyage ethnique : le fait d’expulser un groupe d’un territoire particulier ou d’assimiler un groupe en interdisant toute référence à sa culture constitue un nettoyage ethnique, sans pour autant entraîner la destruction physique du groupe (C.I.J., 26 février 2007, Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro), arrêt, Recueil 2007, p. 43). Cependant, cela ne constitue nullement un génocide au regard de l’article 6 du Statut de la CPI. En revanche, expulser un groupe d’un territoire en détruisant ses fondements culturels, ou forcer un groupe à adopter une autre culture peuvent constituer un génocide au regard du droit français : le nettoyage ethnique, même s’il n’entraîne pas la destruction physique du groupe, pourra être qualifié de génocide du fait de la destruction de l’identité du groupe. Une telle approche extensive n’est pas retenue en droit international. En effet, l’élément matériel du crime de génocide tel que défini à l’article 6 du Statut de la CPI suppose une destruction physique et biologique du groupe, et non pas seulement la destruction de son identité.

D) Les limitations liées à l’exigence de la destruction d’une partie significative du groupe visé

Le droit français permet également de retenir l’existence d’un génocide en cas de destruction d’un groupe politique ou intellectuel. Mais l’élargissement du droit français a néanmoins des limites, car un génocide signifie qu’une partie significative du groupe est détruite, ce qui suppose l’élimination d’un nombre important de personnes. Or un groupe politique n’est pas forcément suffisamment important pour qualifier la destruction des individus de génocide, le nombre de victimes n’étant pas suffisant. De plus, dans la plupart des cas, seuls les leaders dudit groupe sont visés. L’élimination des membres les plus représentatifs du groupe ne suffit pas à les qualifier de « partie substantielle » du groupe.

Ainsi, l’élargissement posé par le droit français n’avait pas été reconnu préalablement par la jurisprudence pénale internationale et n’a donc pas été repris lors de l’élaboration du Statut de la CPI, celui-ci se contentant simplement de reprendre mot pour mot la définition donnée dans la Convention contre le génocide, devenue coutumière depuis.

 

II. L’exigence d’un plan concerté : la prise en compte des circonstances du crime de génocide au détriment de l’intention de commettre le crime

A) Le plan concerté, un indice de l’existence d’un génocide en droit international

La doctrine a essayé de déterminer si l’existence d’une politique de l’État ou d’un plan concerté constituait un critère du crime de génocide. La Commission sur le Darfour indiquait en effet que le gouvernement n’avait pas de politique génocidaire, lorsqu’on lui demandait si un génocide avait effectivement été commis au Darfour (« Report of the International Commission of Inquiry on violations of international humanitarian law and human rights law in Darfur », UN Doc. S/2005/60, paras. 520-522). Selon William Schabas, l’existence d’une telle politique ou d’un plan concerté constituerait un élément implicite du crime de génocide (W. Schabas, “Has Genocide Been Committed in Darfur? The State Plan or Policy Element in the Crime of Genocide” in R. Henham, P. Behrens (ed.), The Criminal Law of Genocide: International, Comparative and Contextual Aspects, Hampshire, Ashgate Publishing, Ltd., 2007, 283p, pp.39-47). Cependant, Kress précise bien qu’il faut faire une distinction entre la commission collective du crime et l’intention de l’individu (C. Kress, “The Darfur Report and Genocidal Intent”, Journal of International Justice, 562, 2005, pp.572-573). L’existence d’un plan concerté ou d’une politique d’État doit donc être prise en compte dans la détermination du génocide, mais il ne s’agit pas d’un élément constitutif du crime retenu par l’article 6 du Statut de la CPI. Ces éléments ne sont, en droit international, que des indices pour déterminer l’élément moral du crime de génocide. En droit français en revanche, l’intention en tant que telle n’est pas requise.

B) Le plan concerté, un élément du crime en droit français

L’exigence d’un plan concerté comme élément intentionnel du crime de génocide en droit français réduit considérablement les possibilités de poursuites à l’encontre d’individus auteurs de génocide au regard du droit international, mais permet également de déterminer plus facilement l’existence d’un génocide. En effet, ce n’est plus le mobile du crime qui est pris en compte mais les circonstances dans lesquelles il intervient (F. Pardo, Le groupe en droit pénal, Des foules criminelles au crime organisé : Contribution à l’étude des groupes criminels, Paris, 2007, 500p, p.355). Il est donc plus facile de prouver l’existence d’un plan visant la destruction d’un groupe et la participation des auteurs à la mise en œuvre de ce plan, que l’intention génocidaire de chacun des individus ayant pris part au génocide, sachant qu’en l’absence de cette intention, l’incrimination pour génocide ne pourra être retenue.

C) La nécessaire préméditation du crime comme conséquence de l’exigence d’un plan concerté

Cependant, si l’intention de détruire un groupe spécifique est requise par l’article 6 du Statut de la CPI, elle n’est en revanche pas exigée avant la commission du crime de génocide. Aucune préméditation n’est requise, l’intention spécifique peut n’apparaître que pendant la commission du crime (C.I.J., 26 février 2007, Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro), arrêt, Recueil 2007, p. 43). Le génocide n’existera alors que lorsque l’intention spécifique sera caractérisée. Avant cela, le crime ne pourra être qualifié que de crime contre l’humanité en raison de l’absence de l’élément moral du crime de génocide. L’approche du droit français élimine cette possibilité : l’exigence d’un plan concerté suppose une préméditation, l’intention génocidaire ne peut pas survenir au cours des massacres.

D) La tentative de suppression du critère subjectif de l’intention par le droit pénal français

La question qui se pose est ici de savoir si les individus participants au génocide doivent avoir connaissance du plan concerté ou si la simple conscience de participer à un génocide est suffisante. En effet, dans le premier cas, des individus qui prennent simplement part au crime en ayant conscience de participer à la destruction d’un groupe spécifique et en ayant l’intention de détruire les membres dudit groupe ne pourront être tenus responsables pour génocide en droit français, du fait qu’ils ne pouvaient exécuter un plan dont ils ignoraient l’existence. Le deuxième cas permet de se rapprocher de la notion d’intention contenue dans le Statut de la CPI. Il doit y avoir un plan concerté à l’origine du génocide, mais la connaissance de ce plan par l’individu n’est pas requise. Seul compte le fait que l’individu ait participé à la destruction du groupe et qu’un plan concerté existe allant dans ce sens. L’individu pourra donc voir sa responsabilité engagée pour crime de génocide à condition d’avoir conscience de participer à un génocide. Le problème ici sera de prouver la participation de l’individu à un plan dont il ignore l’existence, autrement dit, de prouver l’intention de l’individu de détruire le groupe visé. Cette approche du droit français revient à ne considérer l’existence du plan concerté que comme un indice permettant de déterminer qu’il y a eu génocide, les auteurs du plan ayant l’intention génocidaire. Il faudra donc prouver pour les individus incriminés la volonté de participer au plan, s’ils en avaient connaissance, ou la volonté de détruire le groupe visé, dans le cas où ils en ignorent l’existence. Une telle interprétation est difficilement déductible de la définition retenue en droit français, même si elle permet de lever la limite posée par le vocabulaire utilisé à l’article 211-1 du Code pénal. De plus, la définition du Code pénal avait justement pour objectif de s’affranchir du critère subjectif de l’intention de l’auteur en se focalisant sur la mise en œuvre d’un plan concerté. Par cette interprétation, le critère subjectif est réintroduit.

E) La destruction du groupe visé comme seul objectif du plan concerté

Il est également important de préciser que le plan en question doit avoir pour objectif direct le génocide du groupe visé. Il ne peut donc pas s’agir d’une politique de l’État visant simplement à attiser la haine contre un groupe ou à persécuter un groupe. Le plan concerté suppose l’organisation directe de la destruction du groupe. Dans le cas où la politique de l’État aurait pour conséquence indirecte la commission d’un génocide, les dirigeants de l’État, en tant qu’instigateurs de cette politique, ne pourront être pénalement tenus responsables pour génocide en application de l’article 211-1 du Code pénal.

 

F) Le plan concerté, une reprise du critère de l'intention par son application pratique?

L’obligation d’un plan concerté, malgré les limites qu’elle pose comparé aux exigences de l’article 6 du Statut de la CPI, reste néanmoins réaliste. Il est en effet difficile d’envisager la commission d’un génocide, qui est un crime de grande ampleur, sans qu’il n’existe un plan ou une politique visant à l’organiser. Ainsi, en incluant le plan concerté dans sa définition, le droit français facilite l’incrimination pour génocide en ne demandant que la preuve d’un élément objectif, plus facile à obtenir que la preuve de l’élément subjectif qu’est l’intention de détruire le groupe visé en tant que tel. En effet, une personne qui massacre simplement « par plaisir » les membres du groupe sans avoir l’intention de détruire ledit groupe et qui a connaissance du plan concerté visant à sa destruction pourra être poursuivie pour génocide alors même qu’elle n’avait pas l’intention de détruire le groupe en cause. En droit international pénal en revanche, la preuve de l’intention est difficile à obtenir en l’absence d’aveux, et ne peut pas être déduite des événements, à moins qu’il n’existe de nombreux éléments de preuve comme ce fut le cas lors du génocide commis par les Nazis. Un tel cas ne s’est jamais représenté, du fait de l’absence de preuves aussi flagrantes de la commission d’un génocide. Le droit français, en revanche, pourrait autoriser la déduction de l’existence d’un plan concerté à partir des événements, notamment lorsque les individus qui commettent le génocide sont bien organisés (Saisine du Conseil constitutionnel en date du 20 juillet 2010 présentée par au moins soixante sénateurs, en application de l’article 61, alinéa 2, de la Constitution, et visée dans la décision n° 2010-612 DC, JORF n°0183, 10 août 2010). Néanmoins, il est peu probable que la simple existence d’un plan concerté permette de condamner les auteurs présumés d’un génocide. Cette exigence posée par le droit français pourrait donc revenir à déterminer l’intention des auteurs du génocide, selon leur degré de connaissance du plan et leur volonté d’y participer, et par conséquence de détruire le groupe visé.

 

En conclusion, l’article 6 du Statut de la CPI conserve une approche globalement plus large que le droit français, même si la jurisprudence internationale n’autorise pas d’interprétation extensive de la définition du génocide concernant le groupe visé ou la preuve de l’intention spécifique. De nombreux obstacles existent à l’application de la définition retenue dans le Code pénal. Néanmoins, une interprétation étendue pourrait permettre de contourner cette limitation. Cependant, des poursuites contre des individus ayant commis un crime de génocide sont difficiles en France en raison des conditions beaucoup trop restrictives donnant compétence aux tribunaux français fixées par l’article 689-11 du Code de procédure pénale. Le premier procès pour génocide aura lieu en février 2014, il donnera l’occasion aux tribunaux français de préciser la définition retenue par le droit français, au regard des exigences posées dans le Statut de la CPI.

 

Bibliographie

 

Documents officiels

- Article 211-1 du Code pénal :

http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006070719&idArticle=LEGIARTI000006417533&dateTexte=20130210

- Article 689-11 du Code de procédure pénale :

http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=058BF23F9BB1B7F03C57674A76D6A10F.tpdjo16v_1?idArticle=LEGIARTI000022686516&cidTexte=LEGITEXT000006071154&dateTexte=20120722

- Article 6 du Statut de la CPI de la Cour Pénale Internationale, 17 juillet 1998 : http://www.icc-cpi.int/nr/rdonlyres/6a7e88c1-8a44-42f2-896f-d68bb3b2d54f/0/rome_statute_french.pdf

- Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, 9 décembre 1948 : http://www.admin.ch/opc/fr/classified-compilation/19994549/201201250000/0.311.11.pdf

- Saisine du Conseil constitutionnel en date du 20 juillet 2010 présentée par au moins soixante sénateurs, en application de l’article 61, alinéa 2, de la Constitution, et visée dans la décision n° 2010-612 DC, JORF n°0183, 10 août 2010 :

http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do;jsessionid=73B8B89450913A8CCD397C15FA54EEB6.tpdjo11v_2?cidTexte=JORFTEXT000022681308&dateTexte=

- Avis de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale, n° 1828, 8 juillet 2009, p. 24

- « Report of the International Commission of Inquiry on violations of international humanitarian law and human rights law in Darfur » (« Rapport de la Commission internationale d’enquête sur le Darfour au Secrétaire général »), UN Doc. S/2005/60, paras. 520-522 :

http://www.un.org/News/dh/sudan/com_inq_darfur.pdf (original en anglais)

http://www.iccnow.org/documents/Rapport_Commission_lONU_Darfour.pdf(traduction française)

 

Jurisprudence

- C.I.J., 28 mai 1951, Réserves à la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, avis consultatif, Recueil 1951, p. 23

- C.I.J., 26 février 2007, Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro), arrêt, Recueil 2007, p. 43, paras. 187 et 292

- TPIY, Chambre de première instance, 11 juillet 1996, Le procureur c. Radovan Karadzic et Ratko Mladic, affaires n°IT-95-5-R61 et IT-95-18-R61, paras. 11, 15 et 41.

- TPIY, Chambre d’appel, 5 juillet 2001, Le Procureur c. Jelisic, arrêt du 5 juillet 2001, affaire n°IT-95-10-A, para. 48

 

Ouvrages

- J. Balint, Genocide, State Crime and the Law: In the Name of the State, State, London, Routledge, 2012, 240p., pp.14-26

- B. Bouloc, Droit pénal général, Paris, Précis Dalloz, 2013, 768p.

- C. Fournet, The Crime of Destruction and the Law of Genocide: Their Impact on Collective Memory, Hampshire, Ashgate Publishing, Ltd., 2007, 182p, p.61

- K. Jaspers, The Question of German Guilt, München, Fordham Univ Press, 2001, 117p., p.27 et p.55

- F. Pardo, Le groupe en droit pénal, Des foules criminelles au crime organisé : Contribution à l’étude des groupes criminels, Paris, 2007, 500p., p.355

- W. Schabas, Genocide in International Law, Cambridge, Cambridge University Press, 2000, 624p. p.443

 

Articles

- J.-M. Grossen, « A propos du degré de la preuve dans la pratique de la Cour internationale de Justice », in M. Kohen, R. Kolb, D. Tehindrazanarivelo (ed.), Perspectives du droit international au 21e siècle, Leiden, Martinus Nijhoff Publishers, 2012, 470p., pp.257-268

- C. Kress, « The Darfur Report and Genocidal Intent », Journal of International Justice, 562, 2005, pp.572-573

- W. Schabas, « Le génocide », in H. Ascensio, E. Decaux, A. Pellet (dir.), Droit international pénal, Paris, Pedone, 2012, 1280p., p.125

- W. Schabas, « Has Genocide Been Committed in Darfur? The State Plan or Policy Element in the Crime of Genocide » in R. Henham, P. Behrens (ed.), The Criminal Law of Genocide: International, Comparative and Contextual Aspects, Hampshire, Ashgate Publishing, Ltd., 2007, 283p, pp.39-47

- N. Thwaites, « Le concept de génocide dans la jurisprudence du TPIY : avancées et ambiguïtés », Revue belge de droit international, 1997/2, pp.565-606, pp.594-595 : http://rbdi.bruylant.be/public/modele/rbdi/content/files/RBDI%201997/RBDI%201997-2/Etudes/RBDI%201997.2%20-%20pp.%20565%20%C3%A0%20606%20-%20Nadine%20Thwaites.pdf

- J. Verhoeven, « Le crime de génocide. Originalité et ambiguïté », RBDI, 1991, pp.10-11