La Traite des Êtres Humains: Approche comparative des mécanismes de prévention sur le plan universel, européen et interne (Espagne) , par Erik Tollu

 

 

Bien qu'ancien, le phénomène de la traite a connu ces dernières décennies une expansion sans précédent. Face à l'ampleur du problème, l'ONU, le Conseil de l'Europe et l'OSCE ont tour à tour mis en place un certain nombre de normes et de mécanismes afin de lutter efficacement contre la traite. L'objet de cet article est d'analyser la mise en œuvre de la récente criminalisation de la traite des êtres humains (ci-après TEH) à travers l'étude comparative des différents mécanismes mis en œuvre par les normes et entités internationales, européennes et internes de manière à exposer l'articulation de ces systèmes en matière de TEH.

 

La TEH est avant tout un phénomène d'une extrême complexité et qui représente aujourd'hui l'un des plus grands défis de notre siècle. On estime que chaque année environ 2,4 millions de victimes sont recrutées et exploitées à travers le monde. L'Organisation des Nations Unies (ci-après ONU) et le Conseil de l'Europe (ci-après CE) considèrent la TEH comme étant la troisième forme de trafic la plus répandue dans le monde après le trafic d'arme et de drogue, elle génèrerait à elle seule pas loin de 32 milliards d'euros. Le 15 décembre 2000, l’ONU caractérise pour la première fois la traite dans le cadre de la Convention contre la Criminalité Transnationale Organisée et son Protocole additionnel relatif à la TEH (117 signataires à l’heure actuelle). Le Protocole définit la TEH dans son article 3 de la façon suivante : « le recrutement, le transport, le transfert, l'hébergement ou l'accueil de personnes, par la menace de recours ou le recours à la force ou à d'autres formes de contrainte » aux fins d'exploitation. Il ressort de cette définition trois éléments. La traite se caractérise par un comportement à travers lequel la victime est trompée ou enlevée, le but visé par les trafiquants étant d'exploiter le travail ou les services de ceux qui en sont victimes. De surcroît, la victime est toujours « déplacée ou transportée dans un milieu qui ne lui est pas familier et dans lequel elle est isolée sur le plan culturel, linguistique ou physique ou privée d'identité juridique » (selon les mots de la rapporteuse spéciale des Nations Unies chargée de la question de la violence contre les femmes).

 

Cet éveil des consciences vis à vis de la TEH a incité le CE à élaborer un instrument juridique contraignant capable de rendre effective la protection des victimes de la TEH et d'aller même au-delà des recommandations dudit Protocole. C'est dans ce cadre-là qu'a été préparée la Convention sur la Lutte contre la Traite des Êtres Humains de 2005 ainsi que les organes qui lui sont rattachés, l’entité GRETA et son Comité des Parties. Par ailleurs l'OSCE a pris l’initiative de créer un poste exclusivement dédié à cette cause. Il convient donc de s'interroger dans un premier temps sur la relation existant entre les différents mécanismes et normes procédant d'ordres juridiques distincts pour ensuite analyser l’exemple de l’Espagne qui semble être un modèle en matière de lutte contre la TEH et qui se différencie sur bien des aspects du modèle choisi par la France.

 

Analyse comparative des mécanismes internationaux et européens : Complémentarité des conventions et parachèvement du cadre juridique par le Conseil de l'Europe

 

L'article 3 du Protocole des Nations Unies de 2000, aussi appelé le Protocole de Palerme, a pour objet d'assurer une même approche globale de la définition de la TEH. Ainsi son article 5 impose aux législations internes de sanctionner le comportement signalé par l'article 3, non pas en transposant littéralement le texte mais en l’adaptant aux systèmes juridiques nationaux de manière à  donner effet au contenu dudit article. L'adoption de mesures législatives en vue de « conférer le caractère d'infraction pénale aux actes énoncés à l'article 3 » se présente donc comme une obligation pour les États. Le Protocole de Palerme semble en effet se focaliser sur l'incrimination de la TEH en privilégiant une approche avant tout punitive. L'axe central du Protocole se situe dans la répression des abus des droits fondamentaux subis par les personnes victimes de la traite, or cette répression pénale ne peut s'effectuer que par l'harmonisation des législations et la coopération des États Parties. La lutte contre la TEH doit donc passer avant tout par la prévention (art.9 : Prévention de la traite des personnes), la coopération (art.10 : Échange d'information et formation) et la répression (art.11 obligation de sanctionner les comportements décrits dans l'article 3). Bien que le Protocole inclue des mesures visant à protéger les victimes de la TEH, telles que l'assistance et la protection accordées aux victimes de la traite des personnes (art.6) ou encore le rapatriement des victimes de la traite des personnes (art.8), ces mesures ne sont pas présentées comme des exigences mais comme des recommandations, elles sont donc reléguées au second plan. Le Protocole opte donc pour un système de lutte contre la TEH qui tend à l’harmonisation des législations internes en mettant à la disposition des États un outil international (le Protocole) permettant une riposte cohérente et nécessaire face à une pratique criminelle indissociable des flux migratoires internationaux. Le choix de l’harmonisation s’explique par le fait que l’uniformisation, qui suppose d’avoir un outil plus abouti que le Protocole actuel, requiert un dispositif difficile à mettre en place face à une pratique récemment identifiée. En outre les États ont tendance à se montrer naturellement plus réticents face à l’uniformisation puisque ce procédé réduit leur marge de manœuvre législative. Pour finir, l’ONU semble avoir opté pour un Protocole dépourvu de tout mécanisme permettant d’imposer son application, ce qui diminue de manière significative son efficacité. Le volontarisme des États étant l’élément clé de l’effective application du Protocole.

 

Bien avant l'élaboration de la Convention sur la lutte contre la TEH, le CE avait mené des campagnes de sensibilisation au phénomène à partir des années 80. Ces actions restaient cependant sporadiques. Face à l’aggravation du phénomène, le Conseil estima nécessaire la mise en place d’un instrument juridique contraignant, ce qui l’amena à élaborer la Convention sur la lutte contre la Traite des Êtres Humains de 2005. L’approche du problème de la TEH de ce texte est essentiellement centrée sur la protection des victimes de la traite et la sauvegarde de leurs droits.  En effet, la relative homogénéité des législations des États Parties au CE, semble être un terrain propice à la mise en place d’un tel système de protection. Les principaux axes de cette Convention sont les standards juridiques applicables au droit pénal (Chapitre IV, art.18 à 26), l'aide aux victimes (art.10 à 13), les droits des étrangers et la protection extra-procédurale et procédurale des témoins (art.14 à 16). De plus, elle vise à accentuer les efforts en matière de prévention et à endiguer la demande. Autrement dit, elle se focalise non pas seulement sur la répression des trafiquants comme le fait le Protocole de Palerme, mais propose également de s’attaquer au problème aussi bien en amont (la demande) qu’en aval (protection des victimes). A travers cette démarche de sensibilisation au problème de la protection des victimes, le CE tente d’éviter les disparités législatives internes en proposant une approche globale de TEH. Le Protocole en abordant principalement le problème à travers une démarche répressive, ne définit en effet aucun cadre en matière de protection des victimes. En conséquence, les États parties n’ont aucun référentiel en matière de droit des victimes ce qui leur donne la possibilité de légiférer comme bon leur semble sur ce plan. Ainsi donc, la Convention tente de remédier à une telle lacune via l’harmonisation de la protection des victimes de la TEH, avec plus au moins de succès comme nous le verrons avec l’exemple de l’Espagne et de la France. Par ailleurs la Convention se distingue du Protocole en reconnaissant que la TEH constitue une violation des droits de la personne humaine et une atteinte à la dignité, et contrevient donc aux Droits de l'Homme. Mais la véritable capacité à lutter contre ce phénomène se trouve dans les mécanismes mis en œuvre par la Convention. Ces mécanismes reposent sur deux piliers: le Groupe d'experts sur la lutte contre la TEH (GRETA), instance technique composée d'expert qualifiés et indépendants et le Comité des Parties qui correspond à une instance politique composée de représentants du Comité des Ministres des Parties de la Convention et des Parties qui ne sont pas membres du CE. D’après l'art 36.1 de la Convention, GRETA est chargé « de veiller à la mise en œuvre de la présente Convention par les Parties » à travers l’instauration de cycles d'évaluations. Concrètement cela consiste à l'envoi à la Partie d'un questionnaire sur le premier cycle (début 2010 à fin de l'année 2013) relatif à la mise en œuvre de la Convention pour pouvoir par la suite procéder à une évaluation du droit pénal positif interne en matière de TEH. Il s’agit donc d’un travail de collecte d'informations dans le cadre de son travail de suivi. La Convention impose aux Parties de coopérer avec GRETA  pour lui fournir toute autre information jugée nécessaire, avec la possibilité de recueillir des informations additionnelles auprès de la société civile (art.38.3). GRETA pourra également organiser des visites dans les États Parties en étroite collaboration avec les autorités nationales et la « personne de contact » (personne locale ayant une connaissance approfondie en matière de TEH) en vue de rencontrer les acteurs de la lutte contre la traite pour collecter des informations supplémentaires, vérifier l'efficacité des mesures et renforcer la coopération. Des experts dans un domaine spécifique pourront être désignés en vue d'apporter leurs compétences à la mission. Les informations collectées serviront de support à un projet de Rapport qui évaluera la mise en œuvre des dispositions de la Convention et présentera des suggestions et des propositions relatives aux problèmes identifiés. Le rapport sera ensuite envoyé aux Parties et au Comité des Parties. Ce dernier, sur la base de ces documents, aura la possibilité de formuler des recommandations destinées aux Parties concernant les mesures à adopter pour se conformer aux conclusions de GRETA. Des réunions techniques de coopération entre les Parties pourront être organisées à la demande d’un tiers des Parties, du Président de GRETA ou du Secrétaire général, afin d’améliorer la coordination de la lutte contre la TEH. L’initiative n’émane donc plus seulement des États mais aussi d’individus participant à la lutte contre la TEH.

 

L'analyse des procédés mise en place par le Protocole de Palerme et la Convention permet de mettre en exergue certaines similitudes mais surtout une certaine complémentarité entre les deux textes préventifs contre la traite. Le Protocole possède une forte charge symbolique dans le sens où il a ouvert la voie de la reconnaissance de la TEH. De surcroit, le fait que l'ONU soit à l’origine de ce projet lui confère un rayonnement plus important que la Convention car cette dernière, bien qu'elle ait vocation à s'appliquer à tous les États, conserve cette image d'un traité avant tout créé pour les États européens et qui ne possède donc pas l'universalisme de l'œuvre des Nations Unies. Malgré tout, les deux textes convergent dans l'idée de créer et de promouvoir un cadre juridique suffisant pour lutter efficacement contre la traite. On remarque à ce sujet que les définitions données de la TEH sont identiques dans les deux textes, puisque la Convention reproduit littéralement l'art.3 du Protocole dans son art.4, instaurant ainsi un même standard juridique. Par contre, la Convention se singularise en ce qu’elle offre un champ d'application plus large en prenant en compte toutes les formes de traites (nationale, transnationale, liée ou non au crime organisé....). Bien que complémentaires, les textes proposent des approches relativement différentes puisque l'un se centre sur la criminalisation de la traite et la répression pénale des trafiquants tandis que la Convention ajoute un aspect social en sortant du cadre strictement répressif et en considérant la traite non pas seulement comme un crime mais comme un problème global où le système juridique ne doit pas se satisfaire de réprimer ce type de pratique mais aussi aider ceux qui en sont victime. La protection des victimes devient alors une obligation pour les États Parties et non plus une simple recommandation comme c'était le cas pour les Parties au Protocole. La Convention possède donc un caractère bien plus contraignant sur ce plan. Dernier aspect, le Protocole est dépourvu de toute entité de suivi lui permettant de s’assurer de l’application effective de son cadre pénal. C'est en cela que la Convention apporte une valeur ajoutée certaine à la lutte contre la traite à travers la création de l'entité GRETA et du Comité des Parties. GRETA va en effet permettre d'aller plus loin dans la coordination et l'effective application du contenu de ladite Convention via l'envoi de questionnaires obligatoires permettant la collecte d'informations. En cela, la Convention possède cette flexibilité de pouvoir s'adapter aux problèmes en interagissant avec les acteurs sociaux et étatiques tandis que le Protocole présente un aspect plus rigide puisque dépourvu de tout mécanisme de suivi. Cependant, l'efficacité des questionnaires est à nuancer car ces derniers restent soumis à l'appréciation des Parties, ce qui ne permet pas d'assurer une objectivité totale. Mais cette carence est compensée par les visites sur le terrain permettant aux experts de rencontrer des acteurs de la lutte contre la TEH non-étatique. La qualification et l'apport technique des experts et du Comité des Parties permettent d'obtenir une analyse précise et adaptée aux problèmes de chaque État à travers l'émission de rapports et de recommandations. Le CE a donc su mettre en place un mécanisme assurant ladite fonction tout en complétant le Protocole de Palerme par une approche plus globale, en mettant à la disposition des États, des outils juridiques pour la protection des victimes et la sauvegarde de leurs droits tel que l'obligation pour les États de prendre des mesures minimales concernant l'assistance aux victimes. La Convention acquiert de ce point de vue là un caractère supplétif vis à vis du Protocole. La limite de cette mécanique se trouve dans l'absence de sanctions en cas de non-respect de la Convention et de ses recommandations. L’efficacité de la Convention repose donc sur le volontarisme des États et leur esprit de coopération.

 

L'Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (ci-après OSCE) a quant à elle mis en place, par la Décision No 557 du 24 juin 2003 du Conseil Permanent, un ensemble d'outils à la disposition des États participants au Plan d'action pour lutter contre la TEH. Au centre de ce dispositif se trouve la Représentante spéciale qui est chargée d'encourager les États participants à l'OSCE à ratifier le Protocole de Palerme, en vue d'améliorer la coordination en matière de lutte contre la TEH. Son rôle est avant tout politique et non plus technique comme peut l'être celui de la GRETA et du Comité des Parties. Ce poste n'est pas rattaché à un Traité, et donc à un cadre juridique strict, mais à un plan d’action. Par ailleurs le fait qu'elle coordonne les différentes dimensions de l'OSCE (politico-militaire, économique et environnementale et humaine), lui permet d'aborder le problème de la traite sous une dimension plus ample que les mécanismes cités auparavant en lui donnant la possibilité d'explorer de nouvelles voies telles que les relations existantes entre la TEH et le blanchiment d'argent (Conférence de Vienne d'Octobre 2011). En outre, elle effectue des missions de terrain (visite de 16 pays en 2011) en vue de proposer aux États une assistance permettant de renforcer leurs services (judiciaire, sociaux...) et de développer, avec les autorités locales des campagnes de sensibilisation sur la traite et enfin d’apporter aux services d'enquêtes des moyens pour prévenir et renforcer cette lutte, tels que la formation et la coordination avec les ONG. Ces visites de terrain aboutiront à un rapport qui contiendra principalement des recommandations. On peut donc voir en la personne de la Représentante spéciale un mécanisme complémentaire à GRETA, bien qu’elle se distingue de cette dernière par le fait qu'elle soit indépendante de tout traité, ce qui lui permet d'avoir une plus grande liberté d'action et un champ d’action important puisque l'OSCE regroupe pas moins de 56 États, ce qui fait d'elle la plus importante organisation de sécurité régionale. Elle s’appuie par ailleurs sur une structure organisée (OSCE) dotée d'un large éventail d'outils. La faille de ce mécanisme se trouve une fois de plus dans le fait qu'il repose exclusivement sur le volontarisme des États et qu’il reste dépourvu de tout moyen de pression efficient, c’est avant tout un mécanisme de promotion. Ce point de vue peut-être nuancé par le fait que les rapports, et cela est valable aussi pour les rapports émis par GRETA, peuvent avoir un impact important sur l’opinion publique, qu’elle soit interne ou internationale.

 

Le volontarisme espagnol, un modèle de lutte contre la TEH

 

L'Espagne est tristement célèbre pour faire partie de la liste des dix premiers pays ayant le plus grand nombre de cas de TEH liés à l'exploitation sexuelle, les dernières estimations faisant état de 50 000 victimes sur le territoire. Cette donnée est importante car elle explique en grande partie l'attitude volontariste en matière de prévention adoptée par l’Espagne dès la fin des années 90, avec le projet « Esperanza » qui est venu en aide à de nombreuses femmes et qui continue de former des professionnels des institutions publiques et privées pour aborder le problème à travers le prisme des Droits de l'Homme. Le milieu associatif a su en outre mettre en place la « Red espanola » qui n'est autre qu'un réseau composé d'organisations nationales et internationales de lutte contre la traite, dans le but de mettre en commun les connaissances, les problèmes rencontrés, les analyses de situations, en vue d'améliorer l'assistance et la protection des victimes et cela à travers une approche globale. Ce réseau, par le biais des associations, est pour l'Espagne, au-delà de l'application du strict cadre législatif, le pivot de la protection des victimes. Cette approche pragmatique de la traite, permettant d’obtenir une analyse en profondeur du problème, est donc comparable à celle effectuée par la Représentante spéciale. En outre, ce volontarisme se manifeste par le fait que l’Espagne fut le premier  État européen à ratifier le Protocole de Palerme. Il est également Partie à la Convention sur la lutte contre la TEH. De plus, le gouvernement de Zapatero adopta en 2008 un plan intégral de lutte contre la TEH à des fins d'exploitation sexuelle. Étonnamment, la réforme du Code Pénal, qui a permis de caractériser l'infraction de TEH, n'eut lieu qu'en décembre 2010. Malgré cela, cette réforme est une réussite puisqu’elle répond aussi bien aux exigences de criminalisation du Protocole qu'à celles de la protection des victimes contenue dans la Convention. Il semble donc que l'efficacité des mécanismes instaurés aussi bien sur le plan universel que sur le plan européen soit avérée. L'Espagne ne s'est certes pas dotée de mécanismes supplémentaires de lutte contre la traite, mais cette absence est amplement compensée par l'activisme associatif.

 

L’approche répressive de la France

 

En mars 2003, la France décide d’intégrer dans son Code Pénal la définition de la TEH (art 225-4-1), laquelle se base sur l’art 3 du Protocole. Dans les faits, la France aborde la traite essentiellement sous l’angle de la lutte contre l’exploitation de la prostitution. Le problème étant qu’aujourd’hui le migrant offrant des services sexuels sur le territoire français est systématiquement assimilé à une victime de la traite (le consentement de l’individu n’étant pas pris en compte dans la majorité des hypothèses, à l’heure de caractériser la traite). Autrement dit, la logique adoptée par le gouvernement amène à faire un amalgame entre les travailleurs du sexe migrants et les victimes de la TEH, ce qui est une méprise puisque la traite ne se réduit pas à l’exploitation sexuelle mais bien à tous les types de travaux forcés (dans l’agriculture, dans le textile, le travail domestique, à travers des menaces, un abus de position…). La voie empruntée par la France est donc réductrice au regard de la définition globale donnée par les différents textes internationaux relatif à la traite. L’autre point noir de la législation française en cette matière, réside dans le fait que la loi de Sécurité Intérieure de 2003 conditionne l’obtention d’une autorisation provisoire de séjour à la dénonciation du proxénète. Autrement dit, le droit de la victime de la traite est conditionné à « l’échange d’un service de délation à la police », selon les propres mots de M. Thierry Schaffhausen (travailleur du sexe et membre du STRAAS, qui est le syndicat du travail sexuel). La France semble donc avoir opté pour un système qui tend à réprimer plutôt qu’à secourir, alors même que la Convention et dans une moindre mesure le Protocole, encouragent les États à développer les droits des victimes. Le gouvernement, en instaurant un tel système, réduit considérablement la portée des textes, aussi bien en ce qui concerne la définition de la traite que sur le plan de la protection des victimes. Ce constat est en partie contrebalancé par l’existence de nombreuses associations telles que le Secours Catholique et son Collectif « Ensemble contre la traite des êtres humains » qui visent à « mettre en valeur l’importance de l’engagement solidaire bénévole dans la lutte contre la traite des êtres humains et pour faire respecter les droits des victimes ».

 

En comparant les dispositifs de lutte contre la TEH développés par l’Espagne et la France, on observe que les deux systèmes actuels diffèrent sur certains points, notamment sur le degré de protection des victimes et vis-à-vis de l’approche de la définition de TEH, malgré le fait que ces deux États soient tous deux membres de l’OSCE et Parties au  Protocole de Palerme et de la Convention sur la lutte contre la TEH. Ce constat s’explique par le fait que l’objectif des divers mécanismes et conventions qui forment aujourd’hui le dispositif de lutte contre la TEH consiste à harmoniser et non à unifier. Il en ressort que l'État joue aujourd’hui un rôle clé et déterminant dans la mise en place du système de lutte contre cette pratique puisqu’il est le seul à pouvoir déterminer la politique menée sur le plan interne en cette matière.

 

Par conséquent, nous avons pu constater tout au long de cet article qu’en dépit d’une prise de conscience tardive, les différents ordres juridiques ont su rapidement mettre en place un certain nombre de mécanismes permettant à la fois la répression et la protection des victimes sur le plan universel, européen et interne. Malgré leur diversité d’approche, les différentes normes ont permis de façonner un système de lutte contre la traite complet et efficace. Il reste que l’effectivité des normes demeurant subordonnée à la bonne volonté des Parties eu égard à l'absence totale de sanction dans le cas de non-respect desdites normes. Il existe donc un risque de disparité de la législation des États en cette matière. Malgré cela, le droit évolue et des initiatives intéressantes voient le jour tel que celle adoptée par le gouvernement italien de permettre aux victimes de la traite de choisir de témoigner ou non contre ceux qui les exploitent. Quel que soit leur choix, elles auront le droit d’obtenir un permis de séjour de six mois, renouvelable pour un an, afin de faciliter la recherche d’un emploi légal.

 

Bibliographie

 

·       http://www.unodc.org/documents/human-trafficking/V0789376_French-E-Book.pdf

·       http://www.humanrights.ch/fr/Instruments/ONU-Traites/Autres/Traite-des-etres-humains/index.html

·       http://www.monografias.com/trabajos30/guia-naciones-unidas-trafico-personas/guia-naciones-unidas-trafico-personas.shtml

·       http://www.coe.int/t/dghl/monitoring/trafficking/Docs/Gen_Report/GRETA_2011_11_GenRpt_fr.pdf

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·       http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/IMG/pdf/FR-lutte_contre_la_traite-VF.pdf

·       http://www.justice.gouv.fr/actualite-du-ministere-10030/les-editions-11230/la-lutte-contre-la-traite-des-etres-humains-16229.html

·       http://europa.eu/legislation_summaries/justice_freedom_security/fight_against_organised_crime/l33084_fr.htm

·       http://www.humanrights.ch/fr/Instruments/ONU-Traites/Autres/Traite-des-etres-humains/index.html

·       http://www.contrelatraite.org/

 

  • Trata de personas y explotación sexual de García Arán, Mercedes Editorial Comares, S.L.