L'absence d'harmonisation du droit sur les offres publiques d'acquisition par la directive 2004/25 au travers des exemples français et anglais.

 

L'absence d'harmonisation du droit sur les offres publiques d'acquisition par la directive 2004/25 au travers des exemples français et anglais.

 

Sept ans après l'adoption de la Directive sur les Offres Publiques d'Acquisition, l'harmonisation au sein de l'Union Européenne (UE) est particulièrement décevante. Le caractère facultatif des Articles 9 et 11 – neutralité de l'assemblée de directeur et non-application des restrictions aux transferts de titre – a certes permis l'adoption de la directive mais a empêché une réelle harmonisation parmi les Etats Membres, compliquant encore plus les législations en vigueur.



Selon le rapport de la Commission européenne sur l'Application de la Directive 2004/25 sur les Offres Publiques d'Acquisition (le rapport), les résultats obtenus par la transposition de la Directive sur les Offres Publiques d'Acquisition (OPA) sont considérés comme « satisfaisants » pour ce qui est du respect des objectifs de celle-ci, bien que certaines règles doivent encore être améliorées afin de promouvoir les prises de contrôle dites hostiles d'une société sur une autre.

La Directive sur les OPA avait pour but d'harmoniser les législations des différents Etats Membres pour permettre à ces offres publiques d'acquisition d'être plus régulières et plus efficaces. Cependant, chaque Etat Membre avait et conserve une approche différente de ce procédé, afin de protéger leurs économies. Cette étude illustre ainsi les difficultés liées à l'harmonisation du droit au sein de l'Union Européenne même en présence, d'une directive européenne.

 

En France, l'attitude du gouvernement est bien souvent hostile aux offres publiques d'acquisition. Celui-ci n'hésite en effet pas à user de pressions politiques pour éviter que les sociétés nationales ne soient reprises par des sociétés étrangères, comme ce fut le cas lors de la tentative de Pepsi de prendre contrôle de Danone via des OPA (cf. Discours de Monsieur Boorlo, en 2005).

Le Royaume-Uni adoptent une approche diamétralement opposée, autorisant aisément ce type de pratique (Wooldridge, 2007). La différence entre ces deux systèmes juridiques explique notamment pourquoi il a fallu 16 ans à cette directive pour être négociée (L. Horn, 2012).

Elle permet également d'expliquer les nombreuses critiques faites à l'égard du manque d'harmonisation général de l'Union Européenne (UE) qui doit sans cesse trouver l'équilibre entre les objectifs à atteindre et le nécessaire consensus des Etats Membres à adopter des dispositions permettant de les atteindre. La Directive OPA montre que cela s'avère parfois rendre l'harmonisation impossible, quand bien même les Etats Membres ont leur mot à dire sur le contenu de la législation adoptée.

 

C'est la loi N°2006-296 du 31 mars 2006 qui transpose la directive en droit français, modifiant le Code de Commerce (C.Com.) ainsi que le Code Monétaire et Financier (C. Mon. & Fin.) et le Companies Act 2006, Part 28, pour le droit anglais, modifiant notamment le Takeover Code (Code spécialisé sur les offres publiques d'acquisition).

 

Adoptée le 21 avril 2004, la directive laissait aux Etats Membres jusqu'au 20 mai 2006 (Article 26 de la Directive) pour la transposer. Pourtant, sept ans plus tard, une réelle harmonisation des différents systèmes juridiques n'a pas été obtenue, du moins pas telle qu'elle était souhaitée par le biais de la directive, comme le montrent les exemples français et anglais.

 

Cette absence d'harmonisation est notamment due aux difficultés rencontrées lors de la négociation de la directive qui ont mené au caractère facultatif des articles 9 et 11 de celle-ci (via l'article 12). On remarque en effet que lorsqu'il s'agit de la protection des actionnaires, notamment minoritaires, la France et l'Angleterre ont des systèmes beaucoup plus proches. Le fait de donner un caractère facultatif à des dispositions pourtant essentielles d'une directive pourrait donc freiner l'effort d'harmonisation nécessaire au bon fonctionnement du marché commun.

 

→ La nature facultative des dispositions les plus importantes et l'article 12.

 

Bien que le fait que la Directive sur les OPA soit une directive d'harmonisation minimale empêche l'UE de réaliser parfaitement ses objectifs, l'article 12 de la directive semble compliquer encore plus le processus d'harmonisation, notamment dans son premier paragraphe :

« Les États membres peuvent se réserver le droit de ne pas imposer aux sociétés mentionnées à l’article 1er, paragraphe 1, dont le siège social se trouve sur leur territoire, d’appliquer l’article 9, paragraphes 2 et 3, et/ou l’article 11. »

L'article 9 pose le principe de neutralité des dirigeants lors d'offres publiques d'acquisition, et l'article 11, communément appelé la « breakthrough rule », permet de rendre inapplicable toutes les restrictions aux transferts de titres.

Bien qu'ils aient été perçu comme le coeur de la directive (C. Goowill et al., 2006), ces deux articles ont été rabaissés au statut d'options pour éviter de bloquer plus longuement l'adoption de la directive. Les intérêts économiques d'une réelle harmonisation ont donc été placé au second plan et ce, au profit d'un compromis politique et des intérêts des Etats. C'est par ailleurs un problème récurrent parmi les directives ; adoptée par le Parlement mais aussi par les gouvernements eux-mêmes, via le Conseil des Ministres, les directives sont sensées rassembler les intérêts de l'Union en elle-même mais aussi des Etats Membres. L'exemple de la Directive OPA permet donc de mieux comprendre les difficultés qu'à l'Union Européenne à poursuivre les objectifs fixés par ses membres, notamment à cause des obstacles qu'ils créent en mettant leurs propres intérêts au dessus des intérêts de l'UE.

 

→ Article 9 : « The neutrality rule » (le principe de neutralité des dirigeants)

 

L'article 9 dispose que l'assemblée de directeurs ne doit pas agir de manière à faire avorter une OPA à moins qu'ils ne disposent de l'autorisation expresse des actionnaires de la société. Toute « décision », pour reprendre les termes de l'article, est incluse sous cette disposition, quand bien même elle serait dans l'intérêt de la société – comme une recherche d'offres plus intéressantes, par exemple.

Puisque l'article 12 paragraphe 1 laisse l'opportunité aux Etats Membres de choisir d'appliquer ou non l'article 9, cela mène à des systèmes juridiques bien différents dans l'UE.

 

La France a transposé l'article 9 pour des raisons d'image principalement (Rapport sur la transposition de la Directive sur les Offres Publiques d'Acquisition, 2005). Cependant, cette transposition en l'Article L.233-32 I C.com ne prive pas totalement les directeurs de la possibilité d'agir à l'encontre de ces offres : ils peuvent en effet agir sans l'autorisation des actionnaires s'ils se contentent de faire une recherche d'offre alternative. Ainsi, il semblerait que la France a feint une volonté d'harmoniser les règles sur les OPA tout en y mettant le plus d'obstacles que possible, tout en respectant les dispositions de la directive.

Une telle possibilité n'est pas accordée dans la directive, et la grande majorité des auteurs admettent que ce n'était pas prévu comme tel dans le texte ni l'esprit de cette législation (Sjafjell, 2005). C'est probablement la raison pour laquelle la transposition française de la directive est considérée comme simplement « en demi-teinte » (Portier, 2007) en ce qu'elle n'applique que partiellement ce qui aurait dû lui être imposé par la directive. Cet article témoigne de la réticence de la France à adopter une législation favorable aux OPA.

 

Comme le précise la circulaire « Guidance on changes to the rules on company takeovers » (Guide sur l'application des modifications aux règles concernant les offres publiques d'acquisition, Department of Trade and Industry (Ministère du Commerce et de l'Industrie), 2007.), le gouvernement anglais a aussi choisi de transposer cet article.

La Rule 21 du Takeover Code précise cependant que l'autorisation des actionnaires peut être obtenue avant l'offre, si la société a de bonnes raisons de penser qu'une offre va avoir lieu sous peu. Encore une fois, cette transposition de l'article 9 n'est pas entièrement conforme à la directive. En effet dans le deuxième paragraphe du dit article, il est précisé que cette autorisation doit être obtenue après que les informations sur l'offre soient en possession de la société.

Ainsi, ces deux transpositions sont bel et bien la preuve de la mauvaise foi qui guide parfois les Etats Membres, et de leur réticence à adopter des règles allant à l'encontre de leurs propres intérêts mettant de côté les besoins d'un système simplifié dans l'UE. Les Etats Membres sont donc au coeur des problèmes d'harmonisation auxquels cette organisation internationale est confrontée.

 

Il est donc vrai que le caractère facultatif de l'article 9 contrevient à une réelle harmonisation des droits des Etats Membres. Cependant, il serait infondé de considérer que c'est le seul obstacle à cette dernière. Bien qu'auteurs de la directive via les nombreuses négociations de 1988 à 2003, les Etats Membres ne respectent pas le texte de la directive, ni même son esprit (Sjafjell, 2005).

 

→ L'article 11 : la « breakthrough rule »

 

Selon l'article 11 de la directive, toute restriction sur le transfert de titres ou autres droits est privée d'application pendant la période d'offre. Ainsi, l'offreur a la possibilité d'acheter n'importe quel titre ou action dès lors qu'il le fait à un prix équitable (Article 5 et 16 de la directive). Bien que la doctrine se soit attendue à une certaine popularité de cette disposition (Goowill, 2006), la grande majorité des Etats Membres, y compris la France et l'Angleterre, n'ont pas choisi de transposer cet article.

Selon la Section 966 du Companies Act 2006, il est cependant possible pour les sociétés de choisir d'appliquer cet article (« to opt-in ») sous certaines conditions. Il est même possible pour cette société de modifier son choix par une déclaration spéciale.

Sur ce point, la France a adopté la même attitude en ne transposant l'article 11 de la Directive que via la possibilité de l'article 12 i.e les sociétés sont libres d'appliquer ou non cet article selon que la société qui fait une OPA sur elles les applique ou non.

 

Il est cependant possible de créer des seuils de caducité automatique dès lors que les offreurs ont obtenu une partie du contrôle de la société, ce qui permet de donner effet à la règle de l'article 11, bien que de manière limitée (ARTL233-34 et s. C.com.).

 

Pourtant, il semblerait que la breakthrough rule puisse également être considérée comme l'un des plus grands échecs de la directive, en ce qu'à l'intérieur d'un même Etat-membre, cet article ne sera jamais appliqué de manière similaire si l'on en suit ces deux exemples (Moulin, 2006). Ainsi, obtenir une réelle harmonisation apparaît alors compromis. La multiplication des régimes au sein de l'Union Européenne et les choix laissés aux sociétés elles-mêmes apparaissent comme créant un régime encore plus complexe qu'avant l'harmonisation, empêchant la réalisation de son objectif principal.

 

A noter que cet article envisage aussi la compensation des actionnaires dont les droits sont altérés de par cette règle. Dans la mesure où il s'agit d'ores et déjà d'un régime complexe, nous avons choisi de ne pas le traiter car cela mériterait une analyse plus en profondeur de la directive.

 

→ La règle de réciprocité

 

Le dernier obstacle à une bonne harmonisation de l'article 12 vient du deuxième paragraphe. Cet article autorise les sociétés qui se voient proposer une offre d'acquisition de choisir d'appliquer les Articles 9 et/ou 11 si la société auteure de l'OPA les applique – dans l'hypothèse où l'Etat Membre dans lesquelles elles sont enregistrées ne les oblige pas à appliquer les dits articles.

Il est précisé dans ce même paragraphe que si l'Etat Membre où la société est enregistrée l'accepte, la réciproque de cette règle peut être appliquée. En d'autres termes, si la société auteure de l'offre ne les applique pas, elle peut refuser leur application.

 

Cet article est notamment problématique vis à vis des auteurs des offres d'acquisition qui se retrouvent face à une grande insécurité juridique. Ils doivent désormais vérifier quels articles ont été transposés, et si l'article 12 en fait partie, le choix que les sociétés ont fait ou feront.

L'article français transposant cette partie de la directive manque d'ailleurs de clarté. Les auteurs français, notamment Maréchal et Pietrancosta (2005), semblent s'accorder sur le fait que cette réciprocité ne s'applique pas à la breakthrough rule dès lors qu'elle est appliquée par choix des sociétés. Pourtant, certains auteurs ont émis la possibilité que cette règle de réciprocité ne soit absolument pas limitée et donc que les sociétés puissent appliquer la breakthrough rule selon leur bon gré.

L'article L233-33 du C.com. permet donc de limiter l'application de l'article 9 dont le respect de l'esprit de la directive était déjà limité. Cet article laisse par la même occasion une grande liberté aux sociétés. Le libre choix accordé aux sociétés peut donc être considéré surprenant puisqu'il va à l'encontre même de la directive.

Si le but premier de celle-ci était de faciliter les acquisitions hostiles de société, il apparaît difficile d'y parvenir lorsque le choix revient au final aux sociétés elles-mêmes.

Pour le Royaume-Uni, la règle de réciprocité n'a tout simplement pas été transposée. Si le Companies Act 2006 laisse le choix aux sociétés d'appliquer ou non l'article 11, cette possibilité est complètement indépendante de l'article 12. En effet, les seules conditions posées par la Section 96 sont la présence de la société sur un marché régulé, l'absence de restriction allant à l'encontre de l'application de la breakthrough rule dans leurs statuts et que les actions ne soient pas entre les mains d'un minister (équivalent d'un ministre ou secrétaire d'Etat) quand bien même indirectement.

 

Ainsi, même si les directives sont l'instrument d'harmonisation privilégié de l'UE en ce qu'il laisse un certain pouvoir aux Etats Membres et qu'il est alors plus facile de faire accepter la dite législation, il semblerait que cela nuise également à une possible harmonisation. Il doit cependant être noté que la liberté laissée via cette directive semble atteindre un tout autre niveau par les choix accordés aux sociétés qu'elle est sensée réguler.

 

Ceci est une parfaite illustration de la volonté de certains Etats à empêcher les sociétés dites nationales de prendre des mesures défensives à l'encontre des prises de contrôle hostiles. La France limite, de par l'application de la règle de réciprocité, les mesures qui étaient censées faciliter le succès des offres publiques d'acquisition. L'Angleterre, quant à elle, laisse une autre forme de liberté aux sociétés (cf supra) tout en refusant d'appliquer une certaine réciprocité. Les raisons d'un tel choix sont obscures : s'agit-il de ne pas vouloir augmenter les moyens de défenses des sociétés contre les OPA ou de ne pas alourdir les procédures administratives et de compliquer le système législatif en offrant un droit de rétractation aux sociétés selon leurs précédents choix ?

 

→ La protection des actionnaires minoritaires

 

A la lecture de la directive, il existe une contrepartie à ce régime favorable aux offres d'acquisition : la protection des actionnaires minoritaires (cf titre de l'article 5).

 

Dans l'article 5 de la directive, lorsque la société auteure de l'offre obtient un certain pourcentage des actions de la société – pourcentage déterminé par les Etats Membres -, elle a alors l'obligation de proposer d'acheter les titres des actionnaires minoritaires à un prix raisonnable.

Cependant, il est précisé dès l'article 5 paragraphe 2 que l'offre n'a aucune obligation légale d'être équitable dès lors qu'elle a été faite librement à tous les actionnaires. De plus, cette règle ne s'applique que lorsque la part de contrôle en question n'a pas encore été acquise. Ainsi, cette protection des actionnaires apparaît très limité et être présente uniquement afin de répondre aux inquiétudes des Etats Membres.

 

Cependant, il convient d'ajouter à l'analyse de cet article, celle de l'article 16 qui permet aux actionnaires d'exiger que l'offreur achète leurs titres à un prix équitable après que certains titres aient déjà été acquis. Il s'agit de la procédure de « rachat obligatoire ». Cet article vise particulièrement les actionnaires minoritaires qui disposent de manière générale de moins de pouvoirs pour faire pression sur l'acheteur. En effet, leurs titres apportent moins de voix aux décisions de l'assemblée générale et sont donc moins intéressants pour la tentative d'acquisition de la société.

 

Ces deux articles permettent ainsi aux actionnaires minoritaires de s'assurer qu'ils ne seront pas laissés de coté lorsque la société sera acquise par une autre – même si le rapport Winter n'indiquait rien dans ce sens en ce qui concerne l'article 5, et l'offre obligatoire. Cependant, cet effet ne peut être nié puisque les actionnaires en question deviennent alors systématiquement partie de l'offre dès que l'auteur de l'offre a acquis ou va acquérir un certain degré de contrôle sur la société dont ils sont actionnaires.

 

La marge d'appréciation laissée aux Etats Membres dans l'article 16 est très limitée : le seuil doit se trouver entre 90 et 95% pour que les actionnaires puissent utiliser ce droit. Ainsi, même si cet article protège les actionnaires minoritaires, son utilisation est fortement restreinte.

 

Au vu du peu de marge d'appréciation dans ce domaine, l'harmonisation ne pouvait être qu'un succès. Cependant, il est important de noter que le Royaume-Uni avait une règle équivalente avant même que la directive ne soit transposée (Part 13A of the Companies Act 1985, selon la circulaire anglaise sur l'application de la directive), tout comme de nombreux autres Etats. Dans cette même circulaire, il est précisé que des amendements de moindre impact sont nécessaires. Ainsi, c'est le Chapitre 3 de la 28eme Partie du Companies Act 2006 qui traite de ce « rachat obligatoire ».

L'option de rachat obligatoire existait également depuis un moment en droit français (Moulin, 2006). Ainsi, il n'est absolument pas surprenant que cet article ait donc été transposé en ce qu'il ne représente aucun bouleversement du droit national dans le système juridique français.

 

L'article 5 laisse cependant plus de liberté aux Etats Membres, au risque de mettre en péril l'harmonisation des règles européennes sur les OPA. Cependant, puisque les Etats Membres sont généralement très protecteurs des actionnaires minoritaires, les différents taux choisis pour autoriser la mise en place des offres obligatoires par ces derniers restent dans la même tranche.

Au Royaume-Uni, l'acquisition de 30% des droits de vote suffit à l'application de l'article 5 (Wooldridge, 2007). Le principe d'offre obligatoire existait d'ailleurs en Angleterre depuis 1968 (Sjafjell, 2005).

C'est l'article L433-3 du Code Monétaire et Financier (C. Mon. & Fin.) qui transpose la disposition sur l'offre obligatoire. La France a choisi un seuil similaire à celui de l'Angleterre, avec trois dixième du capital ou des droits de vote.

Ainsi, même s'il s'agit d'Etats ayant pourtant des approches généralement opposées, la France et l'Angleterre, respectivement protectionniste et libérale, s'entendent sur l'importance de protéger les associés minoritaires, et de porter des limites aux droits des futurs acquéreurs.

 

Sur ce point, l'harmonisation apparaît donc être un succès. Cependant, il semble difficile d'attribuer ce mérite à la directive en ce sens que les Etats Membres avaient déjà des règles similaires sur le sujet. L'ajout de cette règle a donc peut être pour but de rendre moins aisé la possibilité des Etats Membres de changer leurs droits et donc de rendre plus difficile d'adopter une approche libérale à ce niveau (Sjafjell, 2005). De plus, il est possible que ces règles cherchent à apaiser les inquiétudes des Etats Membres vis à vis des pouvoirs des actionnaires minoritaires. Cela n'a cependant pas semblé convaincre les Etats Membres de procéder à une réelle harmonisation comme l'a montré le paragraphe précédent. Ces derniers semblant avoir sélectionné les avantages qu'ils désiraient et laissé les inconvénients de côté.

 

En conclusion, on peut donc retenir que même s'il existe certains domaines où l'harmonisation est un succès, notamment dès lors qu'il s'agit de la protection des actionnaires minoritaires, la directive n'a eu aucun rôle ou presque à jouer puisque la France et l'Angleterre, notamment, avaient déjà des règles qui étaient proches.

De plus, les articles considérés comme le « coeur de la directive » (Goowill et al., 2006) ont été rendus facultatifs, ce dont les Etats Membres n'ont pas hésité à profiter. Même si l'article 12 visait avant tout autre chose : à favoriser l'adoption de la directive – il a conduit au développement d'un régime juridique encore plus disparate, tant du fait de la diversité des interprétations du texte par les Etats que du fait de leur choix d'appliquer ou non la règle de réciprocité.

Ainsi, cette directive nous amène à nous demander si cet instrument est le moyen le plus approprié de développer l'harmonisation du droit des sociétés au sein de l'Union Européenne. En effet, dans ce domaine, les enjeux économiques sont tels les Etats Membres semblent moins disposés à faire de réels compromis vis à vis de leur politique actuelle en la matière. La volonté d'harmoniser la directive dans l'Union Européenne a donc eu un effet à rebours, contribuant à multiplier les régimes différents parfois même au sein des Etats Membres. Plusieurs solutions sont envisageables alors : un règlement, une directive avec moins d'option ou peut même le renoncement de l'Union Européenne à harmoniser certaines domaines. En effet, comme le prouve cette directive et les longues négociations qui l'ont précédées, certaines différences entre les Etats sont encore irréconciliables. Il faudrait donc se concentrer avant tout sur la création d'un véritable lien entre les membres ainsi que d'une réelle identité européenne.

 

 

Bibliographie

 

Législation

Directive 2004/25 sur les Offres Publiques d'Acquisition


 

Droit français :

Loi N°2006-387 du 31 mars 2006 transposant la Directive OPA

Code Monétaire et Financier

Code de Commerce


 

Droit anglais :

Companies Act 2006

Takeover Code

"Guidance on changes to the rules on company takeovers", Department of Trade and Industry, 2007.


 

Livre

L. Horn, Regulating Corporate Governance in the EU : Towards a marketization of Corporate Control, Palgrave Macmillan, 2012, Chapter 5, p106-108.


 

Journaux

C. Goowill, A. Kay, S. Linstead & co, “A map of Europe after the Takeover Directive” International Financial Law Review N°26, July 2006.

B. Sjafjell, “The Golden mean or a dead end ? : The takeover Directive in a Shareholder v Stakeholder perspective.”, CECL Conference “European Company Law in Accelerated Progress”, 2005.

F. Wooldridge, “Some important provisions, and implementation of the Takeovers Directive”, Company Lawyer, 2007.

JM. Moulin, “La loi N°2006-387 du 31 mars 2006 transposant la Directive OPA du 21 avril 2004”, La semaine Juridique Entreprise & Affaires (Vol 17), 2006.

P. Portier, “Anti-takeovers measures in France : what the takeover directive has changed.”, European Lawyer, 2006.


 

Autres

Rapport de la Commission européenne sur l'Application de la Directive 2004/25 sur les Offres Publiques d'Acquisition, 2012.

Discours de l'ancien Ministre du travail et de la cohésion sociale, JL Borloo sur Europe 1, 20 juillet 2005.