Les discriminations à l'encontre des religions non traditionnelles (commentaire de l'affaire Friedman v. Southern Cal. Perm. Medical Group, 2002) par Laure Gall

La discrimination religieuse dans le cadre du travail est condamnée tant en France qu'aux Etats-Unis. Dans l'affaire Friedman, un végétalien éthique s'est vu refuser un emploi car il s'opposait à une vaccination contre les oreillons : le vaccin, cultivé sur des embryons de poulets, n'était pas compatible avec son végétalisme. La Cour d'appel de Californie lui a refusé le bénéfice d'une loi contre les discriminations religieuses. La question de la protection des religions non traditionnelles et des convictions philosophiques est posée.

Dans l'affaire Friedman v. Southern Cal. Permanente Medical Group, un végétalien éthique a subi une discrimination indirecte à l'embauche. M.Friedman avait travaillé plusieurs fois pour une entreprise avant qu'on ne lui offre un poste salarié. L'employeur a posé comme conditions d'embauche que Friedman se vaccine contre les oreillons, vaccin qu'il ne pouvait accepter en raison de son végétalisme. Le vaccin n'était pas nécessaire, Friedman n'étant pas en contact avec le public pour son poste, il s'était par ailleurs proposé de travailler dans d'autres locaux et de se plier à toute autre mesure compatible avec son végétalisme. L'employeur a alors retiré son offre et Friedman a porté plainte pour discrimination religieuse devant la justice Californienne. Il s'appuyait notamment sur une affaire fédérale ayant donné raison à un conducteur de bus végétalien qui avait été remercié après avoir refusé de distribuer aux passagers des bons pour des hamburgers gratuits (Anderson v. Orange County Transit Authority, Calif Super Ct, No. 765255, 6/17/96 1996 DLR 168 et EEOC San Diego No. 345960598, 8/20/96).

La Cour a considéré que les convictions de Friedman ne constituaient pas une religion pouvant bénéficier de la protection de la loi californienne contre les discriminations.

En effet, si les discriminations à l'encontre des religions traditionnelles ne posent pas de problèmes, il en va autrement des religions non traditionnelles et des convictions philosophiques. Tout repose sur l'interprétation que font les Juges du terme « religion ». Cet arrêt invite non seulement à une comparaison des dispositifs de protection contre ce type de discriminations mais également à une réflexion sur ce type de discrimination même. Quelles croyances doivent être protégées? Quelles limites poser? On pourrait s'attendre à ce que la France, pays des lumières, soit plus libérale dans son approche. Mais si elle condamne expressément les discriminations contre les opinions politiques, elle n'offre pas pour autant une protection plus grande que les Etats-Unis aux nouvelles convictions religieuses et philosophiques. Par ailleurs, la lutte contre les sectes en France peut-être dangereuse pour les libertés individuelles. L'affaire Friedman illustre à merveille les enjeux de la discrimination religieuse et souligne les lacunes des dispositifs en place.

Les protections contre les discriminations religieuses au travail en Californie

Aux Etats-Unis, le droit des Etats vient souvent compléter les protections contre les discriminations garanties au niveau fédéral. Au niveau Fédéral, le Titre VII du Civil Rights Act de 1964 proscrit les discriminations dans le cadre du travail en raison de la religion d'un individu. La Commission pour l'Egalité des chances dans le cadre du travail (« Equal Employment Opportunity Commission » (EEOC)) est chargée de l'application de cette loi. En Californie, une loi pour l'égalité de traitement en matière d'emploi et de logement, le Fair Employment and Housing Act (FEHA), interdit les discriminations dans le cadre du travail en raison des convictions religieuses (« religious creed »). De nombreux autres Etats, comme la Californie, ont des lois anti-discrimination qui diffèrent parfois de la loi Fédérale. Ces lois s'ajoutent aux protections offertes par les lois Fédérales, et peuvent parfois s'avérer plus favorables aux victimes de discrimination.

Pour reprendre l’exemple californien, les entreprises de seulement cinq employés relèvent du FEHA, sans minimum pour le harcèlement sexuel, alors que la loi fédérale ne s'applique qu'aux entreprises de plus de quinze employés. Les dommages intérêts peuvent également être plus importants au niveau des Etats, le Titre VII posant des limites, alors que nombre de lois d'Etats n'en posent pas. Des différences existent tant au niveau du contenu des dispositions, que de l'interprétation qu'en font les juges. Par exemple, le FEHA, qui interdit expressément le harcèlement sexuel, est plus spécifique que le Titre VII qui ne condamne que la discrimination sexuelle (interprétée par les juges comme incluant le harcèlement sexuel). Dans l'affaire McGinnis (State Department of Health Services v. Superior Court, 31 Cal.4th 1026 2003), la Cour a rappelé que les deux lois n'étaient pas identiques et a refusé à l'employeur un moyen de défense disponible dans les affaires relevant du Titre VII. Ces lois restent cependant relativement similaires. Une commission pour l'égalité en matière d'emploi et de logement, la Fair Employment and Housing Commission (FEHC), est chargée de l'application de cette loi. La FEHC est l'équivalent de l'EEOC pour le FEHA. La FEHC est une autorité administrative quasi-judiciaire. Outre une mission d'information, elle enregistre les plaintes pour discrimination et filtre les recours en accordant des autorisations d'ester en justice. Les plaignants doivent épuiser leurs recours administratifs devant la Commission, ou obtenir d'elle une autorisation (« right-to-sue notice»), avant de pouvoir porter l'affaire devant les tribunaux. En l'espèce, M.Friedman avait obtenu l'autorisation de présenter son affaire devant la justice californienne. Ces « commissions », présentes au niveau fédéral ainsi que dans plusieurs Etats (par exemple la « Texas Commission on Human Rights » chargée de mettre en oeuvre le Human Rights Act texan) ne vont pas sans rappeler la Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l'Egalité (HALDE) française, Autorité administrative indépendante qui possède entre autres des pouvoirs d'investigation. La directive 2000/43/EC dans son article 13, préconisait la désignation d'organismes de promotion de l'égalité de traitement ayant pour mission de fournir aux victimes une aide indépendante pour engager une procédure pour discrimination. Si la Halde semble avoir des pouvoirs moins étendus que la FEHC ou l'EEOC, il reste intéressant de voir qu'en matière de lutte contre les discriminations, les AAI ou « Commissions » soient légion. Ces organismes participent à l’intelligibilité du droit à travers leur mission d'information et contribuent ainsi à son effectivité. Ils sont le symbole de l’importance accordée à la lutte contre les discriminations.

La protection offerte par le droit californien

Dans l’affaire Friedman, l’action a été engagée sur la base de la FEHA et non sur le fondement du Titre VII du civil right Act, qui aurait pu aboutir à un autre résultat. En l'espèce, il s'agissait d'un cas de discrimination indirecte, M.Friedman n'avait pas obtenu le poste non parce que son employeur ne souhaitait pas embaucher de végétalien éthique mais parce qu'il n'a pu satisfaire à une condition incompatible avec sa « religion ». De la même manière, un juif orthodoxe licencié parce qu'il refuserait de travailler un samedi serait victime de discrimination indirecte. La FEHA, tout comme le Titre VII, condamne les discriminations indirectes. En vertu de ce texte, il incombe à l'employeur, lorsqu'il est conscient des croyances religieuses d'un employé ou d'un candidat, de lui proposer un aménagement raisonnable. Cependant, si des aménagements doivent être mis en place par l'employeur, on n'exige pas de lui l'impossible. La notion d' « undue hardship » vient tempérer la règle. L' « undue hardship » correspond à une charge disproportionnée et permet d'exempter l'employeur de l'obligation d'aménagement. Ainsi la discrimination peut-être tolérée s'il est jugé qu'un aménagement nuirait de manière excessive à la bonne marche de l'entreprise.

Le plaignant, dès lors qu'il a une conviction religieuse sincère (« bona fide religious belief ») dont l'employeur est conscient et qui s'oppose à une exigence professionnelle, bénéficie d'une présomption de discrimination (« prima facie evidence »), et c'est à l'employeur qu'il incombe de prouver qu'il a proposé un aménagement ou que cet aménagement n'était pas raisonnable.

La discrimination indirecte est un concept peu développé en France. Il y est fait mention depuis la loi du 16 novembre 2001 à l'article L 122-45 du Code du travail. On peut par ailleurs noter que la directive 2000/78/CE portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail fait référence dans son article 5 au concept, connu aux Etats-Unis, de refus d’aménagement raisonnable. L'obligation d'aménagement raisonnable offre une protection importante mais peut-être perçue comme exigeante pour les employeurs. En France, le salarié doit présenter les éléments de fait laissant supposer une discrimination et il revient alors à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Dans le cas de M.Friedman, un aménagement raisonnable aurait pu être proposé dans la mesure où le vaccin n'avait pas d'utilité objective. On peut par ailleurs noter que M.Friedman avait déjà travaillé pour cette société avant qu'on ne lui propose un contrat de travail et que l’absence de vaccination n'avait pas été un problème. Il apparaît évident que l'employeur n'a pas cherché à proposer un aménagement. Pour l'employeur, le végétalisme éthique ne méritait pas d'aménagement, fut-il extrêmement aisé à mettre en place. Il y a donc d'un côté une personne avec des convictions fortes qui régissent son mode de vie et sa vision du monde et, de l'autre, une personne qui méprise ces convictions (en ce qu'elles ne lui semblent pas justifier d'aménagement) et lui refuse un emploi en posant une condition que son végétalisme éthique lui interdit de remplir. Il semble bien s'agir d'un cas de discrimination méritant protection. Cependant, le bénéfice de cette protection dépend entièrement de la définition de la « religion ».

L'enjeu de la définition de « religion » dans le cadre des lois anti-discrimination

L'importance de cet enjeu est illustré par la création de religions que l'on pourrait considérer comme destinées à faire bénéficier leurs membres de la protection des dispositions anti-discriminations. Ainsi un membre de l'Eglise des Modifications Corporelles (Church of Bodily modifications) est à l'origine de l'affaire Cloutier v. Costco du premier décembre 2004 (390 F.3d 126 1st Cir.Mass. 2004). En l'espèce, le besoin pour la société employeuse de promouvoir une image propre et professionnelle a primé sur la conviction religieuse d'un employé qui exigeait que ses piercings au visage restent visibles. Dans cette affaire, la Cour a considéré qu'une « undue hardship » était causée puisque l'aménagement imposait un coût significatif à l'employeur ("more than a de minimis cost"). En l'espèce la Cour ne s'est pas prononcée sur la sincérité de la « religion » en question mais s'est contentée de considérer que si religion il y avait, un aménagement n'aurait pas été raisonnable. L'on peut également se référer à l'affaire United States v. Meyers (95 F.3d 1475 10th Cir.Wyo. 1996) où, afin d 'échapper aux charges de possession de produits stupéfiants pesant sur lui, un accusé a invoqué le premier Amendement de la Constitution Américaine, consacrant la liberté de religion, en se disant être le fondateur et le Révérend de l'Eglise de la Marijuana, et en invoquant la conviction sincère que sa religion lui ordonnait « d'utiliser, de posséder, de faire pousser et de distribuer de la marijuana pour le bien de l'humanité et de la planète terre ». Ce type d'affaire incite peut-être à aller vers une définition plus restrictive de la religion.

La définition de « religion »

Au niveau Fédéral, le Titre VII du Civil Rights Act de 1964 proscrit les discriminations dans le cadre du travail en raison de la race, la couleur, la religion, le sexe ou l'origine d'un individu. Il n'est rien dit concernant les convictions philosophiques. Il est seulement indiqué que le terme « religion » recouvre, selon le titre VII, tous les aspects des rites et pratiques religieuses, ainsi que les croyances (« The term ``religion'' includes all aspects of religious observance and practice, as well as belief »). L'EEOC embrasse également les convictions morales ou éthiques, lorsqu'elles sont sincères et ont la force des convictions religieuses traditionnelles. La Cour, dans l'arrêt Friedman, considère que cette définition est plus large que celle qui doit être retenue dans le cadre de la FEHA. Le terme « religion » est défini dans la FEHA ainsi que, plus en détail, dans le California Code of regulations à l'article 7293.1. Selon le Code, la "croyance religieuse"(religious creed) inclut toutes les religions traditionnelles mais aussi les convictions, les pratiques et les rituels sincères d'un individu et qui occupent dans sa vie une place d'une importance semblable à celle des religions traditionnellement reconnues. La Cour dans l'affaire Friedman est la première à se pencher sur la question de savoir ce qu'est une croyance protégée dans le cadre de la FEHA. Cependant d'autres affaires se sont attachées à définir ce qu'était une conviction religieuse. Des décisions de la Cour Suprême ont ainsi fait évoluer la notion de religion pour inclure des religions telles que le bouddhisme, et même intégrer la notion d'objection de conscience. Même si elles relèvent de la justice fédérale, les décisions de la Cour Suprême ont un rayonnement et une autorité particulière. Dans Torcaso v. Watkins (367 U.S. 488 1961) la Cour Suprême a reconnu que les religions n'impliquaient pas nécessairement la croyance en un être suprême (« supreme being »), et ainsi reconnu des religions comme le bouddhisme. Par la suite, dans United States v. Seeger (380 U.S. 163 1965) elle a accordé à l'objection de conscience la force d'une religion, avant d'aller plus loin avec l'arrêt Welsh (Welsh v. US, 398 U.S. 333 1970) Dans l'arrêt Seeger, la Cour avait déclaré qu'en utilisant l'expression « être suprême » (Supreme Being) plutôt que le terme « dieu », le Congrès avait voulu inclure toutes les religions dans la définition et exclure les opinions essentiellement politiques, sociologiques, ou philosophiques. Adoptant une interprétation libérale d' « être suprême », la Cour avait élaboré un test afin de déterminer si les convictions religieuses d'une personne étaient à même de l'exempter d'obligation militaire, comme le prévoyait une disposition. Il consistait à savoir si une conviction donnée sincère et significative occupait dans la vie de la personne une place d'importance équivalente à celle que remplissent les croyances orthodoxes en Dieu d'une personne qui bénéficie clairement de l'exemption. La Cour Suprême a déclaré que ce test du « parallel belief » (conviction équivalente) était facile à utiliser et qu'il était essentiellement objectif. Dans l’affaire Seeger la Cour s'est seulement attachée à déterminer si cette croyance était sincère. Elle a en effet considéré que, dans un domaine si intensément personnel, l'affirmation que la croyance du demandeur est une partie essentielle de sa religion doit être accueillie avec bienveillance. Selon la Cour, les juges doivent donc s'en tenir à évaluer la sincérité des convictions et décider si, pour le demandeur, elles sont religieuses. Dans l'arrêt Welsh la Cour est allée un peu plus loin en accordant l'exemption d'obligation militaire pour conviction religieuse alors même que Welsh n'avait pas invoqué de religion. La Cour a par la suite restreint un tant soit peut son interprétation dans Wisconsin v. Yoder (406 U.S. 205 1972), en étudiant si le fait pour des Amish de refuser d'envoyer leurs enfants à l'école relevait de convictions religieuses ou d'une simple préférence laïque ou philosophique.

Le test du « parallel belief » de Seeger aurait très bien convenu à l'affaire Friedman, mais la Cour a adopté une approche plus restrictive.

La Cour s'est inspirée de l'opinion du Juge Adams dans l'affaire Malnak v. Yogi (592 F.2d 197 C.A.N.J. 1979) où il propose un test en trois point, qu'il appliquera par la suite dans l'affaire Africa v. Com. of Pa. (520 F.Supp. 967 D.C. Pa. 1981). Ces deux affaires sont des décisions de Cour d'Appel, juridictions fédérales inférieures à la Cour Suprême. Or le test du Juge Adams favoriserait les religions traditionnelles judéo-chrétiennes, certaines religions reconnues, comme le Bahâ'isme n'y satisferaient pas.

L'affaire Smith v. Fair Employment and Housing Commission (12 Cal.4th 1143 1996) a par ailleurs été citée par la Cour qui note que, selon cette décision, une conviction religieuse n'est pas une philosophie ou un mode de vie. Cette affaire concernait cependant la dérogation à des lois pour cause de religion, situation différente du cas de M.Friedman, et pour laquelle une interprétation stricte de « religion » était justifiée. Le test du Juge Adams que consacre la Cour, se penche d'abord sur la nature des idées en question: le contenu de la religion présumée est examiné afin de déterminer s'il s'agit d'une religion. Dans un domaine aussi subjectif, il y a évidemment un risque de partialité même si l'objectif n'est pas de porter un jugement sur les convictions en question. Le second critère concerne l'approche globale, la nature « ultime » des idées, qui doivent avoir un spectre large et ne pas consister en un seul enseignement isolé. Le troisième critère apprécie quant à lui la présence de signes formels, externes, pouvant être assimilés à ceux des religions acceptées (messes, existence d'un clergé, jours saints, etc...). Ce critère n'est pas déterminant mais constitue néanmoins un indice fort, étant donné que selon le juge Adams les cérémonies occupent une part importante dans une religion. La Cour a estimé que les convictions de Friedman, aussi sincères soient-elles, n'étaient pas religieuses selon ce test. La Cour refuse donc une protection à une personne qui préfère perdre une opportunité professionnelle plutôt que de ne pas respecter ses convictions. Pourtant selon cette définition, des convictions « religieuses » telles que la croyance en la suprématie de la race blanche de l'affaire Peterson v. Wilmur Communications, Inc. (205 F.Supp.2d 10142002) bénéficieraient de la protection de la FEHA. Cette affaire fédérale relevant du Titre VII a reconnu une religion basée sur la Suprématie de la race blanche en utilisant un test différent de celui adopté par la Cour dans l'arrêt Friedman. La « religion » de Peterson ressemblant aux religions classiques (présence d'un clergé, cérémonies...) elle aurait vraisemblablement réussi le test du Juge Adams, alors que la religion de Friedman n'y satisfaisait pas. La différence de résultat peut paraître contestable.

L'approche est très différente de celle adoptée dans Seeger et par l'EEOC qui accorde plus d'importance à la sincérité de la conviction, à la place qu'elle occupe dans la vie du plaignant, qu'au contenu même des convictions. Pour l'interprétation de la FEHA, la Cour a préféré une approche objective à l'approche subjective retenue par la Cour Suprême des Etats-Unis.

L'approche française: plus libérale?

On peut tout d'abord noter qu'un certain climat de suspicion règne en France à l'égard de mouvements spirituels minoritaires. La France s'est engagée dans une lutte contre les sectes et s'est dotée en 2001 de la loi About-Picard. Or, dans la recommandation 1412 adoptée le 22 juin 1999, l'assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe estimait « inopportun le recours à une législation majeure pour les sectes au motif que celle-ci risquerait de porter atteinte à la liberté de conscience et de religion garantie par l'article 9 de la Convention européenne des Droits de l'Homme » et invitait notamment les états membres à « utiliser les procédures normales du droit pénal et civil contre les pratiques illégales menées au nom de groupes à caractère religieux, ésotérique ou spirituel » et à « prendre des mesures fermes contre toute action qui constitue une discrimination ou qui marginalise les groupes minoritaires, religieux ou spirituels » Les codes pénal et du travail sanctionnent la discrimination fondée sur l'appartenance ou la non-appartenance à une religion donnée mais également les discriminations fondées sur l'opinion politique. On peut avoir l'impression que la discrimination religieuse en France est principalement vue sous l'angle de la discrimination raciale et culturelle ou du respect de la laïcité et qu'il s'agit moins d'assurer le respect des convictions.

En droit communautaire, l'article 13 du traité d'Amsterdam condamne les discriminations contre « la religion ou les convictions ». La Convention Européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales interdit dans son article 14 les discriminations contre « la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions », et l'article 9 fait référence à la religion et à la conviction. La Cour Européenne des Droits de l'Homme a adopté une interprétation libérale de ce qu'est une conviction religieuse ou philosophique pouvant être protégée. Dans l'arrêt Campbell et Cosans c. Royaume-Uni du 25 février 1982, concernant l'art. 2 du Protocole n°1 à la CEDH (« l’Etat respecte le droit des parents d’assurer une éducation et un enseignement conformément à leurs convictions religieuses et philosophiques ») la CEDH considère que le mot « conviction » s’applique à des vues atteignant un certain degré de force, de sérieux, de cohérence et d’importance («the belief must present a certain degree of cogency, seriousness, cohesion and importance»). La CEDH protège les religions non traditionnelles et accepte comme religion des mouvements spirituels tels que la scientologie (CEDH X et Eglise de Scientologie c. Suède, req. N°7805/77). L'Europe semble offrir des protections intéressantes aux religions nouvelles et aux convictions. Cependant la discrimination religieuse, et surtout lorsqu'il s'agit de discrimination indirecte, paraît moins développée en France qu'aux Etats-Unis. Les Etats-Unis témoignent avec cet arrêt d'un attachement encore important aux religions « institutionnelles», et d'un fonctionnement par analogie avec ces dernières plutôt que d'une approche basée sur la sincérité des croyances d'un individu.

Bibliographie

∑ Vegan Discrimination: an emerging and difficult dilemma, Loyola of Los Angeles Law Review: http://llr.lls.edu/volumes/v36-issue4/documents/soifer.pdf

∑ Veganism and sincerely held « religious » beliefs in the workplace: no protection without definition, 7 U. Pa. J. Lab. & Emp. L. 363

∑ If we don't know what it is, how do we know if it's established? 41 Brandeis L.J. 521

∑ The legal definition of religion: from eating cat food to white supremacy, 20 Touro L. Rev. 751

∑ True believers?: Problems of definition in Title VII religious discrimination jurisprudence, 39 Ind. L. rev. 145

∑ Title VII of the Civil Rights Act of 1964: http://www.eeoc.gov/policy/vii.html

∑ Feha: www.fehc.ca.gov/pdf/FEHA_Outline.pdf

∑ L'interdiction de la discrimination religieuse dans la Directive 2000/78 par Francisco Javier Calvo Gallego: http://www.era.int/web/fr/resources/5_1095_3558_file_fr.5082.pdf

∑ Executive summary – Discrimnation based on religion and belief France, 17 juin 2004: http://ec.europa.eu/employment_social/fundamental_rights/pdf/aneval/reli...