Les paragraphes 19 et 20 de la loi générale allemande sur l'égalité de traitement concernant l'interdiction de traitement inégal dans les relations civiles, par Axelle KELES

L’« Allgemeines Gleichbehandlungsgesetz » est une loi allemande sur l’égalité de traitement. Les paragraphes 19 et 20 de cette loi traitent de la protection contre les traitements inégaux dans les relations civiles. Le législateur ne fait pas directement référence à la notion de « Diskriminierung » mais à celle de « Benachteiligung », c’est à dire « traitement inégal/ inégalité de traitement ». Quel est le contenu de cette interdiction et ses limites ? Qu’en est-il du droit français ?

L’« Allgemeines Gleichbehandlungsgesetz » (AGG) est une loi allemande sur l’égalité de traitement en date du 14 août 2006, entrée en vigueur le 18 août 2006. L’AGG est le résultat de la transposition des quatre directives européennes en matière d’égalité et de discrimination, les directives 2000/43/CE du 29 juin 2000 relative à la mise en œuvre du principe de l'égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d'origine ethnique, 2000/78/CE du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail , 2002/73/CE du 23 septembre 2002 modifiant la directive 76/207/CEE du Conseil relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre homme et femme en ce qui concerne l’accès à l’emploi, à la formation et à la promotion professionnelle, et les conditions de travail, et 2004/113/CE du 13 décembre 2004 mettant en œuvre le principe de l’égalité de traitement entre les femmes et les hommes dans l’accès aux biens et services et la fourniture de biens et services. Avant l’adoption de cette loi « anti-discrimination », il existait des mesures dispersées en droit allemand. Le secteur public était couvert par l’article 3 de la Constitution, tandis que le secteur privé était lacunaire et protégé dans des domaines très limités. Une amélioration était attendue au niveau des relations marchandes privées (selon E. Putman, dans « la loi du 27 mai 2008, nouvelle étape dans la lutte contre les discriminations », Revue juridique Personnes & Famille, 2008/10, la notion de relations marchandes privées recouvre l’accès et la fourniture de biens et services à la disposition du public, y compris en matière de logement), autrement dit dans les relations civiles. Cela exclut le droit du travail. L’AGG fait référence à la notion de « Benachteiligung » qui pourrait se traduire par « traitement inégal/ inégalité de traitement ». Le législateur a préféré cette notion à celle de « Diskriminierung », chaque différence de traitement n’entraînant pas un désavantage discriminatoire. En effet, en droit allemand le principe d’égalité est considéré comme une prohibition de l’arbitraire, qui se définit comme un traitement différent de personnes se trouvant dans une situation comparable sans raison objective suffisante. Par conséquent un traitement différencié ne sera pas arbitraire s’il résulte de la nature des choses ou de motifs légitimes. Le législateur allemand est allé au-delà des exigences européennes interdisant seulement les inégalités de traitement en matière civile en raison de la race, de l’origine ethnique (art 3§1h de la directive 2000/43/CE du 29 juin 2000 relative à la mise en œuvre du principe de l'égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d'origine ethnique) ou du sexe (art 1 et 3§1 de la directive 2004/113/CE du 13 décembre 2004 mettant en œuvre le principe de l’égalité de traitement entre les femmes et les hommes dans l’accès à des biens et services et la fourniture de biens et services), en élargissant l’interdiction aux critères de la religion, de l’âge, du handicap et de l’identité sexuelle. Il a toutefois réduit le champ d’application en créant la notion de « contrat de masse ». Cette limitation des critères par le législateur européen est d’autant plus surprenante que dans la lutte contre les discriminations en matière d’emploi et de travail, tous les critères sont visés (art 1 de la directive 2000/78/CE du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail). Peut-on alors parler de « surtransposition » du législateur allemand, dans la mesure où celui intègre les critères écartés par les textes européens ? Ou bien a-t-il simplement usé de la marge de manœuvre laissée par ceux-ci ? Les paragraphes §§ 19 et 20 AGG traitent de la protection contre les traitements inégaux dans les relations civiles, ce qui englobe la protection sociale, les avantages sociaux, la formation privée et l’accès et la fourniture de biens et de prestations de services ainsi que le droit de la location de local à usage d’habitation. Selon l’« Antidiskriminierungsstelle des Bundes » (ADS), le service fédéral anti-discrimination comparable à la Halde en France, il s’agit d’« Alltagsgeschäft » c'est-à-dire « d’opération de la vie courante ». Le droit français propose une protection plus fragmentée. On retrouve l’interdiction de discrimination en matière civile dans divers textes législatifs : la loi du 27 mai 2008 portant sur diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, les articles 225-2 et suivants et 432-7 du Code pénal en matière de protection sociale, avantages sociaux, formation et d’accès et fourniture de biens et de services, et la loi du 6 juillet 1989 tendant à modifier les rapports locatifs modifiée par la loi du 17 janvier 2002 de modernisation sociale en matière de droit au logement. Le législateur français semble se tenir à la lettre de la directive tandis que son homologue allemand prend interprète les directives, au risque d’une « surtransposition ».

Quel est le contenu de l’interdiction de traitement inégal en droit allemand et ses limites ? Qu’en est-il du droit français ? Nous verrons tout d’abord que la protection contre les traitements inégaux est échelonnée sur plusieurs niveaux (I), ensuite nous verrons les limites de cette protection (II).

I. Une protection échelonnée des relations civiles en fonction du critère de différenciation, de la nature du lien d’obligation, ou du domaine de protection L’interdiction de traitement inégal du § 19 AGG concerne le lien d’obligation, c'est-à-dire un lien crée par un contrat, un acte unilatéral ou encore par la loi entre des personnes privées. Le droit public est entièrement exclu de la protection. L’interdiction est valable au moment de la création, de l’exécution et de la fin du rapport d’obligation. Le § 19 AGG traite du champ d’application matériel de l’AGG en matière civile : la protection sociale privée, les avantages sociaux, la formation privée, l’accès et la fourniture de biens et de prestations de services ainsi que le régime légal du bail (§ 2 al 1 N° 5 à 8 AGG). L’offre, bien que proposée à tous, ne sera pas concrétisée avec certaines personnes en raison de la prise en compte d’un critère prohibé. C’est cela qui entraîne la discrimination. On distingue une interdiction générale de traitement inégal, une interdiction spéciale et un régime spécial du bail à usage d’habitation. La première interdiction dite « générale » concerne les inégalités de traitement fondées sur la race ou l’origine ethnique, la religion, le sexe (qui recouvre les hommes, les femmes et les transsexuels) le handicap, l’âge et l’identité/ l’orientation sexuelle. La notion de « Weltanschauung », conviction/ conception du monde, a été supprimé de la liste des critères juste avant l’adoption de la loi. Le législateur a voulu empêcher que des partisans d’extrême droite puissent dénoncer une inégalité de traitement en raison de leur conviction radicale pour accéder à des biens et des services. Cela risque cependant de poser un problème de compatibilité avec le droit de l’Union européenne, notamment avec la proposition de directive du 2 juillet 2008 relative à la mise en œuvre du principe d’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de religion ou de convictions, de handicap, d'âge ou d'orientation sexuelle (COM(2008) 426 final), applicable dans d’autres domaines que l’emploi. Les domaines visés sont principalement l’accès et la fourniture de biens et de services y compris le logement, la protection sociale, les avantages sociaux et l’éducation. Jusqu’à présent les discriminations en raison des convictions ne sont interdites que dans le cadre de l’emploi, du travail et de la formation professionnelle. Avec l’adoption de la directive, les discriminations en raison des convictions seront expressément interdites (art 3). Le législateur allemand devra donc vraisemblablement étendre la protection générale de traitement inégal au critère de la conviction. L’interdiction des discriminations s’étend à trois domaines : les contrats de masse et contrats comparables et les assurances privées (§ 19 al 1 AGG). Le concept de contrat de masse a nouvellement été crée par le législateur allemand. Il s’agit de contrats-types conclus aux mêmes conditions peu importe l’apparence ou les caractéristiques de l’individu dans le domaine de la consommation ou des prestations de services. C’est souvent le cas des contrats de vente. L’entreprise contracte normalement avec toute personne solvable. Les contrats individuels entre deux personnes privées n’en font pas partie (voir partie II). L’ADS qu’est ce que l’ADS ? donne l’exemple d’une chaîne hôtelière qui refuserait systématiquement de louer des chambres aux personnes handicapées. Les contrats comparables sont ceux où, bien que l’apparence/ caractéristiques de l’individu soient pris en considération, cela reste secondaire pour la conclusion du contrat. C’est le cas des contrats de location de voiture. Les assurances privées comparables aux contrats de masse sont celles où la protection sociale est assurée de manière systématique sans évaluation de l’indicateur de risque/ de la situation de l’individu. C’est souvent le cas des assurances de voyage. La deuxième interdiction dite « spéciale » traite des inégalités de traitement en raison de la race ou de l’origine ethnique (§ 19 Abs 2 AGG), elle s’étend à l’ensemble des liens d’obligations/ matière civile. Elle s’applique également aux contrats entre particuliers et ne se limite plus aux contrats de masse. Le législateur allemand accorde une importance spécifique aux minorités. En effet, le pourcentage d’étrangers susceptibles d’être victime de discrimination est élevé, il s’agit de 9% de la population totale allemande source ?. Selon l’art 3, 1. h) de la directive 2000/43/CE relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d’origine ethnique, la directive s’applique à toutes les personnes, tant pour le secteur public que pour le secteur privé, en ce qui concerne l'accès et la fourniture de biens et services, à la disposition du public, y compris en matière de logement. Le groupe de mots « à la disposition du public » à fait débat en Allemagne. Il était question de savoir si l’interdiction de discrimination en raison de la race ou de l’origine ethnique devait s’appliquer aux affaires entre personnes privées, par exemple la vente d’une voiture par un particulier à un autre particulier sur internet, ou seulement aux personnes exerçant une activité commerciale. Le législateur a opté pour une protection très étendue, en effet l’interdiction de discrimination en raison de la race ou de l’origine ethnique s’applique également entre les personnes privées, exception faite des relations de confiance et de proximité (voir II). Le droit allemand va au-delà des exigences européennes et apporte par conséquent une meilleure protection. Pour finir, la location de local à usage d’habitation bénéficie d’un régime spécial. Le contrat de masse est en général qualifié lorsque le bailleur/ propriétaire possède plus de 50 appartements. Cette limite n’est pas absolue, il s’agit uniquement d’un indicateur qui vient d’où ? citez la source. S’agit-il de la loi ?. La qualification de contrat de masse se fait donc au cas par cas. Par conséquent, les actions contre les « petits propriétaires » ne sont possibles que sur le fondement de l’interdiction spéciale de traitement inégale en raison de la race ou l’origine ethnique. Cette interdiction pose un problème de compatibilité avec le droit européen des droits de l’homme, notamment avec l’art 14 de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH), selon laquelle les droits et libertés reconnus dans la convention doivent être assurés sans discrimination OUI !. L’art 14 CEDH doit donc être combiné avec le respect de la vie privée (art 8 CEDH), la liberté de pensée, de conscience et de religion (art 9 CEDH), la liberté d’expression et d’opinion (art 10 CEDH), la liberté de réunion et d’association (art 11 CEDH) ne peuvent faire l’objet de discrimination. Les personnes discriminées selon les critères autres que la race et l’origine ethnique pourraient par conséquent se fonder sur les libertés énoncées précédemment pour dénoncer une inégalité de traitement opérée par un « petit propriétaire ». Le droit français se montre beaucoup plus généraliste et ne traite pas des détails apparaissant comme essentiels aux yeux du législateur allemand. Les instruments juridiques utilisés pour protéger les relations civiles sont : la loi du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, la loi du 6 juillet 1989 tendant à modifier les rapports locatifs modifié par l’article 158 de la loi du 17 janvier 2002 de modernisation sociale pour le droit au logement et certaines dispositions du code pénal. Le législateur français a opéré une transposition a minima des directives en matière de relations civiles. Comme pour le droit allemand, la protection est échelonnée, en fonction du critère de différenciation et du domaine. La première interdiction concerne la protection sociale, les avantages sociaux, l’éducation, l’accès aux services de santé, l’accès et la fourniture de biens et de service, elle est issue de l’art 2 al 1 et 4 de la loi du 27 mai 2008 sur certaines adaptations au droit communautaire des luttes contre les discriminations. Bien que le champ d’application soit étendu, celui-ci ne s’applique qu’au critère de la race ou de l’origine ethnique, et plus particulièrement « l'appartenance ou la non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race ». Toute personne privée ou publique est soumise à l’interdiction. Comme pour le droit allemand, c’est le critère de l’origine ethnique et de la race qui dispose du champ d’application le plus étendu.

La deuxième interdiction est très réduite dans la mesure où elle ne concerne que les discriminations en matière d’accès et de fourniture de biens et de services. Le seul critère interdit est celui du sexe. En outre les discriminations en raison de la grossesse et de la maternité bénéficient d’une interdiction expresse (art 2 al 3 de la loi du 27 mai 2008). Il est surprenant que le législateur ait opéré une distinction au sein de la même loi avec le droit du travail. Il me semble que c’est simplement la conséquence des choix fait par le droit de l’UE et ses directives : la France ne fait que transposer en s’en tenant aux domaine des textes européens En effet l’interdiction des discriminations en matière d'affiliation et d'engagement dans une organisation syndicale ou professionnelle, y compris d'avantages procurés par elle, d'accès à l'emploi, d'emploi, de formation professionnelle et de travail, y compris de travail indépendant ou non salarié, ainsi que de conditions de travail et de promotion professionnelle touche beaucoup plus de critères que l’interdiction pour les relations civiles. Il s’agit en l’occurrence des critère du sexe, de l'appartenance ou la non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race, de la religion ou des convictions, du handicap, de l'âge ou de l'orientation sexuelle (art 2 al 2 de la loi du 27 mai 2008). Les articles 225-1 et suivants du code pénal complètent la loi du 27 mai 2008, en élargissant l’interdiction de discrimination à tous les critères lorsque la fourniture de biens et de services est refusée.

L’interdiction de discrimination en matière de droit au logement est soumise à l’article 1 de la loi du 6 juillet 1989 tendant à modifier les rapports locatifs modifié par l’article 158 de la loi du 17 janvier 2002 de modernisation sociale. Il est précisé qu’aucune personne ne peut se voir refuser la location d’un logement peu importe le critère, excepté celui de l’âge qui semble avoir été écarté (les critères de l’art 1 de la loi du 6 juillet 1989 sont : l’origine, le patronyme, l’apparence physique, le sexe, la situation de famille, l’état de santé, le handicap, les mœurs, l’orientation sexuelle, les opinions politiques, les activités syndicales ou l’appartenance ou la non-appartenance vraie ou supposée à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée). Cela s'applique aux locations de locaux à usage d'habitation principale ou à usage mixte professionnel et d'habitation principale ainsi qu'aux garages, places de stationnement, jardins et autres locaux, loués accessoirement au local principal par le même bailleur. Cela exclut les résidences secondaires, les locations saisonnières, les locaux à usage exclusivement professionnel, et les logements meublés. Le législateur allemand a choisit un découpage très méticuleux de la protection contre les discriminations. En effet, il est surprenant de faire une distinction entre les contrats de masse et les contrats conclus par deux personnes physiques. Toutefois cela s’explique par la volonté de favoriser la liberté contractuelle. Seuls les critères de l’origine ethnique et de la race dispose d’une protection quasi-absolue. Le droit français se montre plus généraliste. On remarque que les critères applicables aux différents champs d’application sont très limités (les critères du sexe, de l’origine ethnique et de la race sont mis en avant par le législateur, au détriment des autres), contrairement au droit du logement qui dispose d’une protection très étendue. II.Les limites nombreuses au principe d’interdiction de traitement inégal : les justifications possibles du § 20 AGG et la prééminence de la liberté contractuelle

Le principe d’interdiction de traitement inégal peut être limité par des justifications objectives et spéciales ainsi que par le respect de la liberté contractuelle en droit allemand.

Tout d’abord, les justifications par des raisons objectives, « Rechtfertigung durch sachliche Gründe » (§ 20 al 1 N° 1 à 4 AGG), résultent du fait que certaines différences de traitement sont acceptables en droit et parfois même souhaitables. La raison objective découle du fait que l’auteur en opérant une différence de traitement ne s’est pas comporté de manière arbitraire et que les moyens employés pour parvenir à l’objectif légitime qui est le sien sont appropriés et nécessaires. Le contrôle de proportionnalité doit être effectué conformément à l’article 4 al 5 de la directive 2004/113/CE. Le législateur allemand donne en outre quatre exemples les exemples sont dans la loi elle-même ? de justifications objectives que l’on rencontre de manière récurrente dans la pratique. Il s’agit de l’empêchement d’un danger ou la prévention d’un dommage ou d’un but comparable, ainsi l’accès à un parc d’attraction peut être interdit aux personnes handicapées car il peut être considéré comme dangereux ; la protection de la sphère intime et de la sécurité personnelle comme par exemple l’ouverture à des horaires différents d’un Sauna pour les femmes et les hommes ; la liberté de religion et le droit de disposer librement de soi-même des communautés religieuses ; et l’obtention d’avantages particuliers jointe à une absence de volonté égalitariste, notamment lorsqu’il existe une motivation sociale comme par exemple la réduction pour les étudiants ou seniors au cinéma. Pour cette dernière justification, un traitement de faveur à l’égard de certaines catégories de personnes entraîne forcément une inégalité de traitement envers d’autres. Cela pourrait poser un problème de compatibilité avec la jurisprudence de la CJCE, qui refuse d’admettre systématiquement un avantage à une catégorie de personne (CJCE 1995 Kalanke n° de l’affaire ?). « La Cour refuse de faire toujours primer le principe d’égalité des chances sur celui d’égalité de traitement » (Masson A, Droit communautaire : droit institutionnel et droit matériel, Collection Larcier, 2008, p. 229). L’obtention de tels avantages devrait être soumise à un contrôle de proportionnalité. Toutefois l’acceptation de ces justifications n’est pas automatique et nécessite une appréciation au cas par cas vous parlez du droit allemand ou du droit de l’UE ? Ce n’est pas clair. La justification de traitements inégaux en raison de la race ou de l’origine ethnique est impossible. En la matière, seules les discriminations positives sont admises selon le § 5 AGG, mais cela dans un souci de rétablir une inégalité de fait. Là encore se pose le problème de la compatibilité avec le droit de l’Union européenne.

Il existe des justifications particulières en matière d’assurance « besondere Rechtfertigung bei Versicherungen » pour les primes et différences de prestations (§ 20 Abs 2 AGG). Il est possible d’opérer une distinction fondée sur le sexe lorsque ce critère est essentiel pour l’estimation des risques. Toutefois il est précisé qu’en aucun cas la grossesse et la maternité ne doivent entrainer une différence de traitement pour l’obtention de primes et de prestations, cela ne constitue donc pas un critère essentiel. De plus une différence de traitement en raison de la religion, du handicap, de l’âge ou de l’identité sexuelle peut être opérée lorsque cela concerne des principes connus de calculs adéquats des risques.

Le législateur a toujours mis en avant la liberté contractuelle et ne veut pas la sacrifier au bénéfice de la lutte contre les discriminations. Les contrats individuels entre personnes privées ne sont donc pas frappés par l’interdiction de traitement inégal du § 19 AGG, dès lors qu’il ne s’agit pas de contrat de masse. Le législateur a favorisé ici la liberté de l’individu de choisir son cocontractant, au détriment d’une interdiction de discrimination générale applicable à tous et contre tous. Il s’agit d’une limite importante au principe de non-discrimination ! En outre, certains domaines sont exclus dès l’origine de la protection du § 19 AGG, notamment le droit de la famille, c'est-à-dire les liens juridiques existant dans le mariage, le pacs, la parenté ou la filiation et le droit des successions, que ce soit pour la succession légale ou testamentaire (§ 19 Abs 4 AGG). Cela s’explique par la protection de la vie privée et familiale. Il doit être possible de choisir son conjoint ou son successeur sans avoir à répondre des distinctions opérées. Les liens d’obligation impliquant un lien particulier de proximité ou de confiance entre les parties au contrat ou des membres de la même famille sont aussi exclus. Le cercle familial est à interpréter de manière large. Notons que les liens de confiance et de proximité peuvent se créer également en dehors de la sphère privée et familiale. Ainsi les parties à un contrat utilisant un local à usage d’habitation sur le même bien immeuble sont liés par un lien particulier de proximité et ne sont pas soumis à l’interdiction du §19 AGG. Le législateur ne peut pas imposer de mixité sociale dans la sphère privée. Rappelons de plus que l’interdiction de traitement inégal ne s’applique pas aux bailleurs privés ne détenant pas plus de 50 appartements.

En droit français, il semble qu’aucune justification ne soit possible pour les différences de traitement en fonction de la race en matière de protection sociale, d’avantages sociaux, d’accès et de fourniture de biens et de services. Toutefois il est possible de justifier une différence de traitement en raison du sexe lorsque la fourniture de biens et services exclusivement ou essentiellement destinés aux personnes de sexe masculin ou de sexe féminin est justifiée par un but légitime et que les moyens de parvenir à ce but sont nécessaires et appropriés (article 2 n°4 de la loi du 27 mai 2008). Le calcul des primes et d’attribution des prestations d’assurance échappe à l’interdiction et sont soumis au code des assurances. E. Putman dans son article « la loi du 27 mai 2008, nouvelle étape dans la lutte contre les discriminations » (Revue Juridique Personnes & Famille 2008 - n°10 du 10/2008) précise que de manière générale « les différences de traitement objectivement et raisonnablement fondée, c’est-à-dire reposant sur de véritables différences, ne sont pas considérés comme discriminatoires ». De plus les différences de traitement en raison de la grossesse et de la maternité sont prohibées sauf s’il s’agit de mesures favorables (art 2 n°3 de la loi du 27 mai 2008). Il existe toutefois un risque qu’apparaissent de vraies exceptions au principe de non-discrimination en matière civile si l’article 2 de la loi du 27 mai 2008 n’est pas appliqué de manière prudente. L’article 225-3 n°4 du code pénal prévoit une série de justifications possibles pour les discriminations en matière d’accès aux biens et aux services fondée sur le sexe lorsque cela découle de la protection des victimes de violences à caractère sexuel, des considérations liées au respect de la vie privée et de la décence, la promotion de l'égalité des sexes ou des intérêts des hommes ou des femmes, et la liberté d'association ou l'organisation d'activités sportives. En droit du logement, il semble qu’aucune justification ne soit possible, peu importe que ce soit entre particuliers ou à travers un propriétaire de « masse ».

Pour conclure, précisons que le paragraphe § 21 AGG propose une multitude de recours possibles aux victimes de traitement inégal injustifié. Il faut distinguer tout d’abord les recours primaires, c’est-à-dire les recours en suppression du trouble actuel (il s’agit d’une violation objective de l’interdiction de discrimination) ou demande tendant à sanctionner ce trouble (lorsque l’interdiction de traitement inégal a été violée et qu’il existe un risque de récidive). Il existe en outre des recours secondaires, notamment les demandes de dommages et intérêts (il faut un lien de causalité entre la violation de l’interdiction de traitement inégal et la survenance du dommage). Il est possible théoriquement d’agir sur le terrain délictuel sur le fondement de la violation du droit à l’intégrité physique et morale, toutefois le régime de preuve est moins avantageux pour la victime. Enfin, on ne pas contraindre le « discriminant » à contracter avec le « discriminé », sauf cas de récidive (par exemple, le seul épicier d’un village refusant systématiquement de vendre ses produits aux immigrés). Les recours évoqués ne peuvent être exercés que dans un délai de deux mois. En droit français, on distingue le recours au pénal et au civil. Malgré la multitude de recours offerts aux victimes de discrimination, on constate que dans la pratique leur nombre est très réduit source ? Sur quoi se fonde cette remarque ? . Il est souvent plus facile de changer de cocontractant plutôt que d’entamer une procédure coûteuse contre un éventuel cocontractant aux pratiques discriminatoires.

Bibliographie : 1) Sources allemandes

• Ouvrages généraux : AGG-Wegweiser – Erläuterungen und Beispiele zum Allgemeinen Gleichbehandlungsgesetz der Antidiskriminierungsstelle des Bundes vom 18.08.2009 (Rapport explicatif de la AGG de l‘ADS du 18.08.2009) Bauer/ Göpfert/ Krieger, Allgemeines Gleichbehandlungsgesetz – Kommentar, 2007 Schrader/ Schubert, Das neue AGG – Das Gleichbehandlungsrecht in der anwaltlichen Praxis, 2006 Schröder/ Stein, Allgemeines Gleichbehandlungsgesetz – Kommentar, 2008 2) Sources françaises

• Textes officiels

- Convention européenne des droits de l’homme

- Directives Directive 2000/43/CE du 29 juin 2000 relative à la mise en œuvre du principe de l'égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d'origine ethnique, Journal officiel n° L 180 du 19/07/2000 p. 0022 - 0026 Directive 2004/113/CE du 13 décembre 2004 mettant en œuvre le principe de l’égalité de traitement entre les femmes et les hommes dans l’accès aux biens et services et la fourniture de biens et services, Journal officiel n° L 373/37 du 21/12/2004 Proposition de directive du Conseil du 2 juillet 2008 relative à la mise en œuvre du principe de l'égalité de traitement entre les personnes sans distinction de religion ou de convictions, de handicap, d'âge ou d'orientation sexuelle, COM(2008) 426 final - Lois Article 225-1 et suivants du code pénal Loi n°89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986, Version consolidée au 26 novembre 2009 LOI n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, Version consolidée au 29 mai 2008 • Articles/ Ouvrages/ Rapports Bell M, Chopin I, Palmer F, Le développement de la législation contre les discriminations en Europe, une comparaison entre les 25 Etats membres de l’Union européenne, Rapport pour la Commission européenne, 2007 De Schutter O, L’interdiction des discriminations dans le droit européen des droits de l’homme, Rapport pour la Commission européenne, 2005 Latraverse S, Résumé du rapport France 2008 sur les mesures de lutte contre la discrimination, le réseau européen des experts en matière de non-discrimination

Masson A, Droit communautaire : droit institutionnel et droit matériel, Collection Larcier, 2008

Putman E, La loi du 27 mai 2008, nouvelle étape dans la lutte contre les discriminations, Revue Juridique Personnes & Famille 2008 - n°10 du 10/2008 Treib O, Les conflits politiques en Allemagne autour de la transposition de la directive européenne contre le racisme, Critiques internationales, 2006/4, N°33 p.27 à 38 Woehrling J-M, Le droit français de la lutte contre les discriminations à la lumière du droit comparé, Informations sociales 2008/4 – N°148 p.58 à 71