Notions et Grandes questions du droit des discriminations, par Violette van Gaver

Egalité, discrimination et égalité de traitement Les liens étroits existant entre les notions d’égalité, de différenciation et de discrimination rendent leurs définitions individuelles délicates. Comme l’affirme Lenaerts, « le principe d’égalité a un contenu unique à travers toutes ses applications; malgré des apparences multiples dues aux diverses fonctions assumées par ce principe». Le principe d’égalité a pour corollaire logique celui de non-discrimination, comme le confirme le Conseil constitutionnel qui assimile parfois égalité et non-discrimination (décision du 18 janvier 1985). Malgré son caractère fondamental, le principe d’égalité n’est pas un principe absolu insusceptible de connaître le moindre tempérament. En effet, il ne s’oppose catégoriquement à une différence de traitement que lorsque celle-ci repose sur des critères illégitimes prohibés par les textes et se révèle donc discriminatoire; lorsque tel n’est pas le cas, la différence de traitement se comprend comme l’expression directe de l’égalité voire comme son instrument privilégié (actions positives). Comme le souligne Jean-Marie Woehrling, « une discrimination réside dans une méconnaissance non justifiable du principe d’égalité et, par suite, l’action contre les discriminations ne peut se distinguer significativement de la mise en œuvre du principe d’égalité ».

Le principe d’égalité est présent dans de nombreux textes nationaux comme la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 qui énonce dans son article 1er que «Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune » et dans son article 6 que « la loi doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse » et que « tous les citoyens sont égaux à ses yeux ».

De même le Préambule de la Constitution de 1946 dans son alinéa 1er dispose que « tout être humain, sans distinction de race, de religion ni de croyance, possède des droits inaliénables et sacrés » et dans son alinéa 5 que « nul ne peut être lésé dans son travail ou son emploi, en raison de ses origines, de ses opinions ou de ses croyances » Enfin, l’article 1er la Constitution de 1958 dispose que « la France assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion (...) La loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu'aux responsabilités professionnelles et sociales. »

Le principe d’égalité est appréhendé de manière différente selon les pays de l’Union européenne, cependant force est de constater qu’une harmonisation a lieu au niveau des législations des différents pays européens en matière de discrimination. En effet, tenus de transposer et de mettre en œuvre les directives européennes, ces derniers proposent des solutions juridiques semblables les unes aux autres.

Dans la Constitution colombienne de 1991, le principe d’égalité se trouve à l’article 13. Ce dernier dispose que « Toutes les personnes naissent libres et égales devant la loi, elles reçoivent la même protection et le même traitement des autorités et jouissent des mêmes droits, libertés et chances sans aucune discrimination fondée sur le sexe, la race, l’origine nationale ou familiale, la langue, la religion, l’opinion politique ou philosophique. L’Etat prévoit les conditions pour que l’égalité soit réelle et effective et adopte des mesures dans l’intérêt de certains groupes discriminés ou marginalisés. L’Etat protège notamment les personnes qui dû à leurs condition physique, économique, physique ou mentale se trouvent dans une situation de faiblesse manifeste et sanctionne les abus et mauvais traitements commis contre ces derniers. » Ainsi on retrouve dans cet article le principe d’égalité au sens formel mais également, au second paragraphe, un souci de rendre effectif ce principe d’égalité: l’égalité concrète.

 Le Petit Robert définit la discrimination comme « l’action de distinguer l’un de l’autre », voire « le fait de séparer un groupe social des autres en le traitant plus mal ».

Un usage impropre est souvent fait du terme « discrimination ». En effet, celui-ci est régulièrement utilisé pour désigner toute différence de traitement juridique entre individus. Or si une discrimination consiste bien en une différence de traitement, cette dernière ne devient discrimination que si elle est fondée sur un critère prohibé par une norme car considéré comme illégitime. Les critères considérés comme illégitimes sont variés. Les plus importants d’entre eux sont le sexe, l’origine, la race, la religion, les croyances, l’opinion politique, l’orientation sexuelle…

L’article 225-1 Code pénal définit la discrimination comme « toute distinction opérée entre les personnes physiques à raison de leur origine, de leur sexe, de leur situation de famille, de leur grossesse, de leur apparence physique, de leur patronyme, de leur état de santé, de leur handicap, de leurs caractéristiques génétiques, de leurs mœurs, de leur orientation sexuelle, de leur âge, de leurs opinions politiques, de leurs activités syndicales, de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée».

L’article L. 122-45 du Code du Travail prohibe également toute discrimination fondée sur la race, la religion, le sexe, l’opinion politique, l’ascendance nationale ou l’origine sociale, qui a pour effet de détruire ou d’altérer l’égalité des chances ou de traitement en matière d’emploi ou de profession.

 L’égalité de traitement est un instrument du principe d’égalité. Pour que les individus soient effectivement égaux, la loi doit les traiter de manière égale. Ce principe connaît cependant des exceptions, en effet une différence de traitement peut être légitime lorsqu’elle aboutit à une égalité concrète entre les individus. En effet, comme l’a affirmé la Cour de justice des Communautés européennes, si «  le principe d’égalité veut que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente (…) » cela n’empêche pas que « (…) des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale » (par exemple dans l’arrêt Société Sermide du 13 décembre 1984).

Discrimination indirecte, égalité abstraite et concrète.

La discrimination indirecte vise un acte ou une mesure en apparence neutre car n’opérant aucune différenciation ouvertement mais ayant pour effet de créer une différence de traitement sans justification objective et raisonnable pour un groupe identifié, par opposition à la discrimination directe visant une mesure qui repose expressément sur un motif de distinction prohibé. La discrimination indirecte est appréciée indépendamment de son intentionnalité et repose sur le seul constat que l’effet d’une mesure sur un groupe est le même que si son auteur avait cherché à discriminer une catégorie d’individus. D’après la Directive 2000/43/CE du Conseil du 29 juin 2000 relative à la mise en œuvre du principe de l'égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d'origine ethnique, « Une discrimination indirecte se produit lorsqu'une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre est susceptible d'entraîner un désavantage particulier pour des personnes d'une race ou d'une origine ethnique donnée par rapport à d'autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un objectif légitime et que les moyens de réaliser cet objectif ne soient appropriés et nécessaires».

Le principe d’égalité peut être conçu de manière formelle (en théorie, les individus sont traités de manière égale quelles que soient les inégalités de fait existant entre eux), mais aussi de manière concrète (les individus sont appréhendés en fonction des situations diverses dans lesquelles ils se trouvent)

L’égalité abstraite ou formelle garantit aux individus le droit d’être traités de manière identique sans considération de sexe, religion, langues… Elle permet de combattre les discriminations directes c'est-à-dire les distinctions de traitement injustifiées opérées explicitement par la loi.

L’égalité concrète ou réelle vise à réaliser l’égalité dans les faits. Elle a pour objectif la prise en compte des différences ou inégalités de fait entre les individus. Elle s’oppose notamment aux discriminations indirectes.

Egalité des chances/égalité des résultats

Egalité des chances et égalité des résultats sont deux variantes du principe d’égalité. La première joue en amont en tentant de mettre tous les individus dans une situation semblable, leur donnant ainsi la même possibilité de réussite quelques soient leurs situations initiales. John Rawls prend comme fondement de sa Théorie de la justice le principe d’égalité des chances: « en supposant qu'il y a une répartition des atouts naturels, ceux qui sont au même niveau de talent et de capacité et qui ont le même désir de les utiliser devraient avoir les mêmes perspectives de succès, ceci sans tenir compte de leur position initiale dans le système social.» Cette vision de l’égalité des chances se rapproche de la notion d'équité: si les individus sont égaux, alors seul rentre en compte l'effort individuel dans la distinction entre les individus. L'égalité des chances favoriserait alors le développement d'inégalités légitimes car justifiées par les efforts personnels de l'individu.

L’égalité des résultats quant à elle joue en aval, comme un contrôle a posteriori de l’effectivité du principe d’égalité.

L’égalité des résultats se distingue de l’égalité des chances, synonyme de mérite, en ce sens qu’elle ne demande de la part de l’individu aucune motivation individuelle. D’après Wendelin Reich Référence ?, l’idée d’égalité des résultats est fortement associée à l’État providence traditionnel et s’efforce de réaliser l’égalité sociale par la compensation contrairement à l’égalité des chances où la valeur n’est produite que dans la mesure où les individus poursuivent activement les chances qui leur sont offertes.

Egalité/liberté

D’après B. Badie « Individus et groupes aspirent autant à la distinction qu’à l’universalité » citez la référence !.

Bien que cohabitant dans la devise de la République Française, Egalité et Liberté peuvent paraitre contradictoires. Le principe de liberté sous-entend la recherche de son intérêt personnel favorisant ainsi les inégalités entre les plus forts et les plus faibles, de son côté le principe d’égalité tente de faire disparaitre cette loi du plus fort a travers des mesures visant à l uniformité. De même l égalité appréhendée comme synonyme de contraintes tendrait à faire disparaitre la liberté d entreprendre.

Cependant, afin d’apprécier leur complémentarité, il convient de préciser les termes employés: on parle de liberté civile et d’égalité de droit, par opposition à la liberté naturelle et à l’égalité de biens qui aboutiraient respectivement à l’anarchie et au communisme. L’égalité de droit associée à la liberté civile sont deux éléments réciproquement indispensables pour assurer l’effectivité de l’autre. L’égalité s’entend également comme le droit à l’exercice des libertés fondamentales par tous. Par ailleurs, sans liberté l’exercice des droits fondamentaux, dont le principe d’égalité n’est pas possible.

Action positive

 « Pour assurer la pleine égalité dans la pratique, le principe de l'égalité de traitement n'empêche pas un État membre de maintenir ou d'adopter des mesures spécifiques destinées à prévenir ou à compenser des désavantages liés à la race ou à l'origine ethnique. » ( article 5 de la Directive 2000/43/CE du Conseil du 29 juin 2000 relative à la mise en œuvre du principe de l'égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d'origine ethnique).

Selon Rosalía Camacho référence ?« étant donné l’existence de discriminations envers certains groupes de la population en raison du sexe, race, origine, langue, religion ou condition physique, entre autres, les discriminations positives se fondent sur trois éléments: la justice compensatrice , la justice distributive et l’utilité sociale. »

L’objectif de la discrimination positive est étroitement lié à celui de l’égalité concrète. Elle traduit une égalité résolument agissante et interventionniste, au service d’une politique de réduction plus ou moins forte des inégalités. Les actions positives consistent à instituer, en faveur de certaines catégories (personnes, zones géographiques, entreprises…), toutes sortes d’avantages (sociaux, fiscaux…) destinés à supprimer ou atténuer certaines inégalités.

La discrimination positive est née aux Etats-Unis à partir de la fin des années 60. Ces mesures mises en œuvre par les agences fédérales visaient à accorder un traitement préférentiel à des groupes minoritaires. Ses domaines d’application sont au nombre de trois: le travail, la passation de marchés publics et l’admission dans des établissements d’enseignement supérieur.

L’idée même de discrimination positive soulève des questions de conformité avec le principe d’égalité. Le Conseil Constitutionnel a toutefois estimé que « le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit » (Décision n° 96-375 DC, 9 avril 1996).

Les notions d’action positive et de discrimination positive, bien que très proches, se distinguent sur un point fondamental: si la discrimination positive constitue un traitement particulier dans le but de favoriser certaines catégories discriminées sur le fondement d’un critère de discrimination prohibé, l’action positive quant a elle est constituée des lors qu’est établi un traitement particulier visant a favoriser une catégorie d’individus peu importe que celle-ci soit discriminée sur le fondement d un critère de discrimination prohibé.

Aménagement raisonnable

En présence d’une norme ou mesure indirectement discriminatoire, l’obligation d’invalider dans son ensemble celle-ci semble nécessaire. Cependant, dans certains cas, la mesure peut avoir un but légitime malgré son caractère défavorisant. L’aménagement raisonnable consiste en un ajustement de la norme, par opposition à une invalidation totale, au moyen d’une exception pour éviter le préjudice causé aux personnes du groupe visé par la discrimination.

En matière d’emploi par exemple, l’aménagement raisonnable consiste en une obligation pour l’employeur d’adapter une norme générale conçue pour la majorité afin de répondre aux besoins spécifiques de certaines personnes afin qu’elles ne soient pas victimes de discrimination en raison des caractéristiques qui les différencient de la majorité, sans toutefois que cette obligation n’engendre une charge disproportionnée à son égard. Ainsi, on exigera de l’employeur un effort d’aménagement réel et suffisant, sans toutefois lui en imposer une obligation absolue. Il s’agit donc d’une obligation de moyens et non de résultat.

Il existe autant de sortes d’aménagement qu’il y a de causes à celui-ci. En effet, cette obligation d’aménagement peut s’appliquer au bénéfice de personnes handicapées, malades ou en période de maternité, de travailleurs exerçant une religion ou appartenant à une minorité ethnique, etc.

Dans le cas des travailleurs handicapés par exemple, ces derniers peuvent être perçus comme un affaiblissement dans la rentabilité de l’entreprise, que ce soit en raison du rendement éventuellement plus faible au travail ou du coût que nécessitera l’aménagement du poste de travail. Cet aménagement peut se traduire de différentes manières pour répondre aux besoins du travailleur handicapé: aménagements matériels (adaptation des locaux pour permettre l’accès à des personnes souffrant d’un handicap moteur ou l’adaptation des équipements aux technologies nécessaires aux personnes souffrant d’un handicap visuel ou auditif), adaptation du rythme de travail (horaires plus flexibles) ou encore des mesures favorisant la formation professionnelle de la personne souffrant d’un handicap.

A cet effet, la directive 2000/78/CE du 27 novembre 2000 portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail soutient que la mise en place de mesures destinées à tenir compte des besoins des personnes handicapées au travail remplit un rôle majeur dans la lutte contre la discrimination fondée sur un handicap et qu’il existe une obligation de prévoir des aménagements raisonnables pour les personnes handicapées. Ainsi, l’article 5 de la directive affirme qu’ « afin de garantir le respect du principe de l’égalité de traitement à l’égard des personnes handicapées, des aménagements raisonnables sont prévus ». Elle précise que l’employeur doit prendre les mesures appropriées pour permettre concrètement à une personne handicapée d’accéder à un emploi ou pour qu’une formation lui soit dispensée. La limite à l’aménagement raisonnable est le critère de raisonnabilité, c'est-à-dire que ces mesures ne peuvent imposer à l’employeur une charge disproportionnée.

L'article 9 de la loi nº 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées introduit donc dans le code du travail une disposition relative à cette « notion d'aménagement raisonnable » applicable tant au secteur privé qu'au secteur public.

La législation colombienne prévoit également des mesures d’insertion des personnes handicapées au travail. La Loi 82 de 1988 qui prévoit l’approbation de la Convention 159 de l’OIT prévoit en ses articles 3 et 4, que l’Etat colombien doit établir des politiques pour l’intégration professionnelle des personnes souffrant d’un handicap et les aménagements nécessaires afin d’assurer l’égalité des chances. De même la Loi 361 de 1996 établit des mécanismes d’intégration sociale des personnes limitées.

Discrimination multiple

La discrimination multiple est une discrimination fondée sur plusieurs motifs différents de discrimination comme par exemple la discrimination d’un homme homosexuel d’origine étrangère; dans ce cas le motif de discrimination est double : orientation sexuelle et origine.

La notion de discrimination multiple a été reconnue expressément lors de la Conférence des Nations Unies contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance de Durban (Afrique du Sud) en 2001. La Déclaration de Durban fait explicitement référence à plusieurs occasions aux discriminations multiples. De même, un rapport de 2007 intitulé« Lutter contre la discrimination multiple – pratiques, stratégies et législation » détaille les résultats d’une étude réalisée par l’Institut danois des droits de l'homme (DIHR) pour le compte de la direction générale de l’emploi, des affaires sociales et de l’égalité des chances de la Commission européenne. L’étude montre que les femmes des minorités ethniques constituent la catégorie la plus touchée par le phénomène de la discrimination multiple.

2) questions

Sur les domaines dans lesquels s'impose la lutte contre les discriminations : Dans quels domaines, selon vous, l'exigence de non-discrimination s'impose-t-elle ou doit-elle s'imposer en priorité ?

L’exigence de non-discrimination s’impose dans des domaines très variés parmi lesquels il convient de citer l’emploi, la formation, l’éducation, la protection sociale, les avantages sociaux, l’accès au logement, l’appartenance et la participation à des organisations de travailleurs et d’employeurs, l’accès aux biens et services.

Toutefois, l’emploi demeure le domaine clé des discriminations. Ainsi un grand nombre de dispositions contre les discriminations concernent l’embauche, les licenciements, les salaires (« à travail égal salaire égal » pour l’égalité de traitement entre hommes et femmes au niveau des salaires), comme par exemple la directive 2000/78 relative à l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail.

En résumé, les politiques de discriminations sont nécessaires là où des catégories de personnes souffrent d’une différence de traitement non justifiée comme les minorités ethniques, les homosexuels, les femmes dans les différents domaines mentionnés.

Sur les sources du droit en matière de lutte contre les discriminations et pour l'égalité : Quelles sont les sources de l'exigence juridique de non-discrimination ou d'égalité dans les pays de l'Union européenne ? La multiplicité des sources est-elle souhaitable ? Est-elle source de difficulté ?

Il existe diverses sources du droit en matière de lutte contre les discriminations et pour l’égalité dans l’Union européenne. Tout d’abord il convient de citer la Convention européenne des droits de l’homme qui énonce dans son article 14 que « la jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l’origine nationale ou sociale, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation » et le protocole n°12 qui a permis une extension du domaine de la protection. De même, la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne à l’article 20 dispose que « toutes les personnes sont égales en droit » et à l’article 21 est « interdite toute discrimination fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, les origines ethniques ou sociales, les caractéristiques génétiques, la langue, la religion ou les convictions, les opinions politiques ou toute autre opinion, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance, un handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle », et que dans le domaine d’application des traités et sans préjudice de leurs dispositions particulières, « toute discrimination exercée en raison de la nationalité est interdite ».

Le Traité d’Amsterdam de 1997, dans son article 12, interdit les discriminations fondées sur la nationalité. L’article l'article 141 souligne le principe de non-discrimination entre les hommes et les femmes en ce qui concerne l'égalité de rémunération. L’article 13 octroie au Conseil la possibilité de prendre les mesures nécessaires en vue de combattre toute discrimination fondée sur le sexe, la race ou l’origine ethnique, la religion ou les convictions, un handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle.

Enfin les directives 2000/43 et 2000/78 prévoient l’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d’origine ethnique et en matière d’emploi et de travail.

Il convient de souligner l’importance de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes et de la Cour européenne des droits de l’homme qui, à travers à une interprétation extensive de ces différents textes comme par exemple dans un arrêt Bilka Kaufhaus v. Weber von Hartz de 1984 dans lequel la CJCE a décidé que l’article 119 du Traité de Rome, qui interdisait l’inégalité de rémunération pour un travail égal, portait sur la discrimination non seulement directe, mais aussi indirecte en matière de rémunération.

De même à plusieurs reprises, la CJCE a estimé que « le principe d’égalité veut que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale », validant ainsi les différences de traitements découlant des actions positives.

Le droit international présente également de nombreux textes en matière de lutte contre les discriminations comme par exemple la Convention sur l’élimination des discriminations raciales adoptée le 21 décembre 1965, celle relative à l’élimination et à la répression du crime d’apartheid de 1976 ou encore la Déclaration sur l’élimination de toutes les formes d’intolérance et de discrimination fondées sur la religion ou la conviction, adoptée le 25 novembre 1981. Précisez le cadre dans lequel ces conventions ont été adoptées

La non-discrimination et la promotion de l’égalité sont des principes fondamentaux dans le travail de l’Organisation internationale du Travail droit international aussi ! comme le montrent notamment la Convention n°111 concernant la discrimination en matière d'emploi et de profession de 1958 ou encore la Convention n° 100 sur l’égalité de rémunération de 1951. De même, la Déclaration de 1998 relative aux principes et droits fondamentaux au travail prévoit que «l’ensemble des Membres, même s’ils n’ont pas ratifié les conventions en question, ont l’obligation, du seul fait de leur appartenance à l’Organisation, de respecter, promouvoir et réaliser, de bonne foi et conformément à la Constitution, les principes concernant les droits fondamentaux qui sont l’objet desdites conventions », et notamment « d) l’élimination de la discrimination en matière d’emploi et de profession.».

L’article 13 de la Constitution colombienne de 1991 énonce le principe général d’égalité et de non-discrimination: « toutes les personnes naissent libres et égales devant la loi, elles reçoivent la même protection et traitement de la part des autorités et jouissent des mêmes droits, libertés et opportunités sans aucune discrimination pour des raisons de sexe, race, origine nationale ou familiale, langue, religion, opinion politique ou philosophique ».

La Cour constitutionnelle colombienne a élaboré une jurisprudence complexe sur le principe d’égalité et de non discrimination. Ainsi, la Cour reconnait « 1) comme principe général l’égalité devant la loi, l’égalité de protection et l’égalité de traitement devant les autorités ; 2) l’interdiction de toute sorte de discrimination ; 3) le devoir de l’Etat d’adapter les conditions pour parvenir à une égalité réelle et effective ; 4) la possibilité d’accorder des avantages et des prérogatives en faveur de groupes diminués ou marginalisés ; 5) une protection spéciale au bénéfice des personnes qui en raison de leur condition économique, physique ou mentale se trouvent dans une situation de faiblesse manifeste ; 6) la sanction des abus et mauvais traitements commis contre des personnes en situation de faiblesse manifeste».

Ces principes proviennent de nombreux arrêts comme par exemple l’arrêt C-401/03 du 20 mai 2003 sur l’intégration dans la législation colombienne de la Convention interaméricaine pour l’élimination de toutes les formes de discriminations contre les personnes handicapées.

Les droits nationaux des différents états de l’Union européenne ont développé une importante législation et jurisprudence sur ce thème, notamment à travers l’application des directives communautaires. Cependant force est de constater que le niveau de protection reste très hétérogène selon les pays de l’Union européenne, le Royaume-Uni et les Pays Bas sont très en avance dans le domaine de la lutte contre les discriminations comparés par exemple aux pays de l’Est récemment entrés dans l’Union européenne. De plus, l’application des directives n’est pas systématique et les moyens pour les mettre en œuvre diffèrent selon les pays. La multiplicité des sources (nationales, européennes et internationales) peut rendre difficile la compréhension de la Loi pour les personnes victimes de discriminations et l’effectivité du système mis en place au niveau européen peut alors facilement être remis en cause.

Sur l'effet horizontal et l'effet vertical du principe d'égalité ou des règles de non-discrimination L'exigence de non-discrimination s'impose-t-elle aux personnes privées comme aux Etats ? Peut-on imaginer une distinction entre les obligations des personnes privées et publiques dans ce domaine ? Pourquoi ?

L’exigence de non-discriminations s’impose aux Etats et aux personnes privées mais dans des conditions très différentes. Les Etats sont tenus de respecter les obligations qui découlent des accords internationaux qu’ils ont ratifiés comme par exemple la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, la Charte des Nations Unies ou encore la Déclaration universelle des droits de l’homme, qui prévoient une exigence de non-discrimination. En cas de violation de cette obligation, les Etats pourront être sanctionnés. Les personnes privées sont également tenues de respecter l’obligation de non-discrimination tout dépend de la source mais le niveau d’exigence est nettement plus faible idem. En effet, le respect du principe d’égalité et des règles de non-discrimination de la part des personnes privées dépend de la mise en œuvre dans la législation nationale des normes de non-discrimination adoptées au niveau international par l’Etat en question quid de l’effet direct horizontal ?, comme par exemple la mise en œuvre des directives européennes à travers l’adoption, au niveau national, de lois et la mise en place de mesures et de sanctions en cas de manquement, afin de garantir de manière effective le principe d’égalité.

BILIOGRAPHIE

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