Sur la Convention de l'ONU relative aux droits des personnes handicapées, par Nolwenn Bertho

L'Assemblée Générale des Nations Unies a adopté le 13 décembre 2006 la Convention Internationale relative aux droits des personnes handicapées, dont l'objectif est de promouvoir et de protéger les droits et la dignité des personnes handicapées (préambule, point Y). Dans les mêmes conditions, le protocole facultatif, complémentaire, tendant à faire contrôler l'application effective de la Convention par les Etats a été adopté. Cet article se propose de mesurer l'incidence de la Convention en France et en Allemagne.

Cette Convention est un instrument universel visant à concrétiser les droits fondamentaux des personnes handicapées et une égalité des chances. Il s'agit du premier instrument international juridiquement contraignant qui protège efficacement les droits des personnes handicapées. Certes, les traités actuels sur les Droits de l'Homme garantissent déjà les droits des personnes handicapées, mais ceux-ci sont rarement effectifs. A travers cette Convention, les droits fondamentaux sont réaffirmés : l'égalité devant la loi (art. 5), le respect de la personne et de son intégrité physique (art. 3), l'accès à l'éducation (art. 24), au travail (art. 27) ... mais d'autres droits sont concrétisés : l'accès à la justice (art. 13), aux infrastructures (art. 9), … qui apportent de nouveaux éléments de protection plus spécifiques aux personnes handicapées. Le protocole facultatif permet aux particuliers de faire contrôler le respect effectif de la Convention par les Etats, à l'aide d'un système de pétition. Pour pouvoir faire application du protocole, les Etats doivent au préalable être partie à la Convention. Ce texte impose leur impose de modifier leur législation nationale, et de prendre les mesures nécessaires pour mettre en oeuvre les nouvelles dispositions. Les pays adhérant à la Convention s'engagent à garantir et à promouvoir le plein exercice des droits des personnes handicapées « sans discrimination d'aucune sorte fondée sur le handicap » (art. 4). Un comité de suivi international des droits des personnes handicapées a été mis en place. Il est composé d'experts indépendants surveillant l'application de la Convention par les Etats parties (art. 34).

La Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées a été adoptée par l'Assemblée Générale des Nations Unies le 13 décembre 2006 par la Résolution A/RES/61/106, et est entrée en vigueur le 3 mai 2008. Elle a été signée par la France et l'Allemagne le 30 mars 2007. Quant au protocole, il a été signé par la France le 23 septembre 2008 et par l'Allemagne le 30 mars 2007. La signature n'engage pas un Etat à respecter la Convention ; néanmoins, dès la signature, il ne doit pas aller à l'encontre des droits qu'elle énonce. A la date du 10 février 2009, 137 Etats ont signé la Convention et seulement 48 l'ont ratifiée (http://www.un.org/disabilities), faisant de la Convention le premier texte international contraignant relatif aux droits des personnes handicapées. La France et l'Allemagne l'ont signée mais ne l'ont pas ratifiée. Elle a été négociée durant 11 sessions du Comité ad-hoc de l'Assemblée Générale de 2002 à 2006, faisant d'elle le traité relatif aux Droits de l'Homme le plus rapidement négocié. Elle constitue une opportunité formidable pour les personnes handicapées de faire valoir leurs droits encore trop longtemps négligés, 10% de la population mondiale est affecté d'un handicap, soit environ 650 millions de personnes dans le monde (http://www.un.org/disabilities). Malgré l'application des Droits de l'Homme reconnus par la majorité des pays, les personnes handicapées restent en marge de la société dans le monde entier. La Convention offre un potentiel considérable pour promouvoir et protéger leurs droits. Elle impose une obligation légale aux Etats de promouvoir et de protéger les droits des personnes handicapées sans créer de nouveaux droits. L'originalité de la Convention réside dans sa nature en ce qu'elle est à la fois un instrument de développement et un instrument des Droits de l'Homme. Ceci est démontré dès le préambule de la Convention par la décision d'élaborer : « une convention globale et intégrée (…) qui contribuera à remédier au profond désavantage social que connaissent les personnes handicapées et favorisera leur participation, sur la base de l'égalité des chances, à tous les domaines de la vie (…) économique et sociale (…) ». Elle mêle les domaines du développement social, des droits de l'homme et de la non-discrimination. La Convention constitue un instrument de développement par ses dispositions permettant d'éradiquer la pauvreté de manière efficace, et ce en mettant en oeuvre plusieurs processus qui incluent les personnes handicapées dans le cadre socio-économique. Il s'agit par exemple de leur « participation et leur intégration pleines et effectives à la société » (article 3 de la Convention), de la sensibilisation de la société à la condition des personnes handicapées, notamment en « encouragent tous les médias à montrer les personnes handicapées sous un jour conforme à l’objet de la présente Convention », en « encouragent à tous les niveaux du système éducatif une attitude de respect pour les droits des personnes handicapées » (article 8 de la Convention). Leur inclusion dans la société se traduit aussi par « des services et équipements sociaux destinés à la population générale mis à la disposition des personnes handicapées, sur la base de l’égalité avec les autres, et adaptés à leurs besoins » (article 19 de la Convention). La pauvreté, la discrimination et le handicap constituent « un cercle vicieux ». La Convention comme instrument de développement vise à reconnaître les personnes handicapées comme « porteuses de droits, à l'instar des autres membres de la société incluses dans le processus de développement » (IDDC, « Le développement inclusif et la Convention », basé sur le document « Inclusive Development and the Comprehensive and Integral International Convention on the Protection and Promotion of the Rights and Dignity of Persons with Disabilities, Mark Raijmakers, Janvier 2005).

La Convention internationale définit le terme « handicap » comme une notion « évolutive » (préambule) en fonction du contexte et de l'environnement, car « l'opinion publique et la société ne sont pas statiques » (Handbook for Palemantarians on the Covention on the Rights of persons with disabilities and its Optional Protocol, United Nations, Genève, n°14-2007, p.25). Les personnes handicapées sont celles « qui présentent des incapacités physiques, mentales, intellectuelles ou sensorielles durables, dont l’interaction avec diverses barrières peut faire obstacle à leur pleine et effective participation à la société sur la base de l’égalité avec les autres » (art. 1). La définition des personnes handicapées est basée sur une approche systématique, c'est à dire la conséquence d'interaction entre plusieurs facteurs personnels (incapacité ou déficience) et des facteurs environnementaux constituant des barrières que la société a le devoir de supprimer. Les facteurs personnels tels que l'âge, le sexe … caractérisent de manière intrinsèque une personne alors que l'appréhension de facteurs environnementaux constituant des obstacles à la personne tels que l'accès aux bâtiments, l'organisation des services de formation professionnelle, la disponibilité de l'emploi sur le marché du travail …. permet de constater l'écart extrinsèque entre les potentialités d'une personne et ses performances réelles. Le moyen le plus efficace afin de faire tomber ces barrières est inscrit à l'article 2 : il s'agit du principe de « non-discrimination ». Le grand principe novateur de la Convention réside dans l'accessibilité pour les personnes handicapées concernant la justice (art. 13), l'autonomie de vie et l'inclusion dans la société (art. 19), les services d'information et de communication (art. 21) … La Commissaire aux Droits de l'Homme de l'ONU Louise Arbour (2006) explique que « le système actuel des droits de l’homme était censé protéger et promouvoir les droits des personnes handicapées mais les normes et mécanismes en place n’ont pas réussi à fournir une protection adéquate dans le cas particulier des personnes handicapées. Il est manifestement temps que l’ONU remédie à cette lacune. »

En étudiant la Convention et son contenu, nous verrons son champ d'application personnel puis matériel. Elle n'a encore été ratifiée ni par la France ni par l'Allemagne mais on peut dès lors anticiper les conséquences qu'elle pourrait entraîner sur l'évolution des droits français et allemands.

Champ d'application de la Convention. Le champ d'application personnel de la Convention se limite aux Etats destinataires de la Convention, c'est à dire ceux qui l'ont signée et ratifiée. La Convention s'adresse non seulement aux Etats mais aussi aux « organisations d'intégration régionales » (art. 42), qui sont des organisations auxquelles les Etats souverains ont transféré des compétences, comme par exemple le Conseil de l'Europe et l'Union européenne. La définition du handicap, notion qui divise les pays depuis le premier cycle de négociations, n'apparaissait pas explicitement avant la Convention. Au sens de la Convention, une personne handicapée est celle qui présente « des incapacités physiques, mentales, intellectuelles ou sensorielles durables dont l’interaction avec diverses barrières peut faire obstacle à leur pleine et effective participation à la société sur la base de l’égalité avec les autres » (art.1, al.2). « La clé de voûte de la définition réside dans la notion d'incapacité, approche qui ne risque pas de clore le débat sur la définition du handicap, ne serait-ce qu'au regard de sa mesure française qui tient dans un taux d'invalidité » (A. Boujeka, La convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées, Revue de droit sanitaire et sociale, 2007., p.799). La Convention ne vise à protéger que les personnes atteintes d'un handicap « durable », et non celles atteintes d'un handicap temporaire ou potentiellement réversible. La notion de « handicap » est cependant « évolutive » (préambule, point e) et la Convention rappelle la réelle « diversité » des personnes handicapées (préambule, point i). La Convention constitue la référence commune aux Etats parties pour définir le handicap, les personnes handicapées et leurs droits fondamentaux.

La notion de handicap en droit français diffère de celle donnée en droit allemand. En France, le handicap est défini par la loi 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Ainsi constitue un handicap « toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap ou d’un trouble de santé invalidant. » Spécifiquement en matière d'emploi, est considérée comme travailleur handicapé au sens de l'article L.5213-1 du C. trav. « toute personne dont les possibilités d'obtenir ou de conserver un emploi sont effectivement réduites par suite de l'altération d'une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielle, mentale ou psychique. » En Allemagne, l'AGG (Allgemeines Gleichbehandlungsgesetz) refuse de donner une définition du « handicap ». Il faut ainsi se référer aux définitions données à l'article 2 I 1 SGB IX et à l'article 3 de la loi sur l'égalité de traitement des personnes handicapées (BGG). Cette notion est partiellement définie dans le livre IX du code social de 2001 (SGB IX) relative à la réhabilitation et la participation des personnes handicapées. Au sens du droit allemand, « les personnes sont handicapées, - Si leurs fonctions physiques, leur capacité mentale ou leur santé psychologique différent avec de grandes probabilités pour une période de plus de six mois de celles des personnes de leurs âges respectifs (« typischer Zustand »), et sont affectées dans leur participation active à la vie sociale. - Les personnes sont sévèrement handicapées, si elles ont un degré de handicap supérieur à 50% et résident ou ont leur résidence habituelle en Allemagne ou y travaillent. - Les personnes sévèrement handicapées sont sur un même pied d'égalité que les personnes ayant un degré supérieur à 30% et inférieur à 50% et si elles ne sont pas en mesure de prendre ou de garder un emploi en raison de leur handicap (personnes handicapées ayant le même statut). La particularité du droit allemand réside en l'exigence de sévérité du handicap. Cependant il protège efficacement toutes les personnes handicapées au moyen de l'article 3 III 2 GG, selon lequel : « Nul ne doit être discriminé en raison de son handicap » (« Niemand darf wegen seiner Behinderung benachteiligt werden »). La loi fondamentale interdit explicitement les discriminations à l'encontre des personnes handicapées. L'interdiction des discriminations en droit français résulte de l'article 1 de la Constitution du 27 octobre 1946, qui assure aux citoyens une égalité devant la loi « sans distinction d'origine, de race ou de religion », sans interdire les discriminations en raison d'un handicap. Le droit commun français précise le principe de non-discrimination envers les personnes handicapées. En droit pénal par exemple, en vertu de l'article 225-1 C. pen., « constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes physiques (alinéa 1), également entre les personnes morales (alinéa 2) à raison (…) du handicap (...) ». En droit du travail, en vertu de l'article L.1133-4 C. du trav., « les mesures prises en faveur des personnes handicapées et visant à favoriser l'égalité de traitement, prévues à l'article L.5213-6 C. trav., ne constituent pas une discrimination ». En droit communautaire la notion n'a pas été définie, mais la CJCE dans son arrêt de principe du 11 juillet 2006 (CJCE Gr. ch. 11 juill. 2006, S. Chacon Navas c/ Eurest Collectividades SA, aff. C-13/05) a apporté un élément nouveau à la définition du handicap. Ainsi selon elle, la maladie n'est pas considérée comme un handicap et ne constitue donc pas un motif de licenciement à caractère discriminatoire fondé sur le handicap inscrit aux art. 2 §1 et 3 §1, c) de la directive 2000/78/CE (JOCE 2.12.2000, L. 303/16) portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail. Par ailleurs, le juge communautaire s'est prononcé sur le terme de handicap au point 43 et le définit comme la « limitation résultant notamment d'atteinte physique, mentale ou psychique et entravant la participation de la personne concernée à la vie professionnelle ». Selon M. Boujeka, « cette approche fonctionnelle n'est pas sans rappeler celle adoptée en droit français par la Loi 2005-102 du 11 février 2005. » ( A. Boujeka, « Le principe communautaire de non-discrimination et la définition du handicap », Recueil Dalloz, 2006, p.2801).

Le champ d'application matériel de la Convention comprend 50 articles pouvant se diviser en trois grandes catégories : les principes généraux, les droits et libertés fondamentales réaffirmés par la Convention, et les droits spécifiques apportés par la Convention. Les principes généraux définis à l'article 3 de la Convention, reprennent des droits préexistants reconnus par la plupart des instruments internationaux ou régionaux de protection des Droits de l'Homme : le principe de non-discrimination et la liberté intrinsèque. A ceux-ci s'ajoutent des droits plus récents comme « l'autonomie individuelle, y compris la liberté de faire ses propres choix ». En droit communautaire, le principe d'autonomie des personnes handicapées a été évoqué dans le Plan d'action 2006-2007 (Plan d'action UE, COM (2005) 604 final du 28 juin 2005). Il prend appui sur la notion de citoyenneté des personnes handicapées telle que reflétée par la Charte des Nations Unies, selon laquelle les personnes handicapées doivent bénéficier des mêmes droits et de la même maîtrise de leur vie quotidienne que les autres. Elle doivent disposer d'un environnement où elles pourront évoluer de manière autonome. La particularité de la Convention est de tenir compte des discriminations multiples concernant certaines personnes plus vulnérables : les femmes (art. 6) et les enfants (art. 7). Concernant les enfants, la législation française par la loi du 11 février 2005 favorise l'intégration des enfants handicapés dans l'enseignement ordinaire. Ils peuvent suivre une scolarité ordinaire si l'école la plus proche de leur domicile est apte à les accueillir. Le refus d'une école a accueillir un élève à mobilité réduite est considérée comme discriminatoire car l'établissement doit s'adapter à l'élève par des mesures raisonnables (Délibération de la HALDE n°2006-24 du 6 février 2006). Pour l'essentiel la Convention reprend les droits et libertés fondamentales issus des principaux instruments de protection des Droits de l'Homme (préambule, point j). Les principes fondamentaux d'égalité, de non-discrimination, de participation et d'accessibilité prennent un aspect particulier par l'application de la Convention. La dignité de la personne (art. 15) représente le point majeur de la Convention et est particulièrement affirmée. Les personnes handicapées disposent d'un droit de ne pas être soumises à la violence, et de ne pas être exploitées ou maltraitées (art. 16). La reconnaissance juridique (art. 12) et la reconnaissance du principe d'égalité (art. 22) font des personnes handicapées des sujets de droit à part entière. La Convention confère également aux personnes handicapées le droit de liberté et de vivre en sécurité, la liberté d'expression et d'opinion. La liberté s'exerce notamment grâce à l'accessibilité aux nouvelles technologies de l'information et de communication (art. 21). Cette liberté s'illustre dans la participation à la vie politique et à la vie publique (art. 29). En matière de participation à la vie active, la loi française pour l'égalité des droits et des chances, a anticipé sur la Convention en incluant dans ses dispositions la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Concernant les enfants, le droit à l'éducation a une place importante dans les 3 secteurs de l'enseignement. Il doit être exercé « sans discrimination et sur la base de l'égalité des chances » afin d'assurer « l'insertion scolaire à tous les niveaux »(art. 24). La Convention précise (art. 24-4), que « des mesures appropriées pour employer des enseignants, y compris des enseignants handicapés » qualifiés dans les modes et formes de communication pour les handicapés doivent être prises. « Ce qui n'a rien d'évident concernant certaines pratiques en cours y compris en France», comme l'observe M.Boujeka (« La convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées », Revue de droit sanitaire et sociale, 2007., p.799). Le droit au travail sur la base de l'égalité avec les autres personnes (art. 27) est également l'un des objectifs fondamentaux de la Convention. En droit allemand (art. 19a SGB IV), « nul ne doit être discriminé en raison de sa race, son origine ethnique, de son sexe, de sa religion ou de ses opinions, d'un handicap, de l'âge ou de son identité sexuelle, à l'accès à toutes les formes et tous les niveaux d'orientation professionnelle, de formation professionnelle, de reconversion concernant les pratiques professionnelles. » Cette disposition était cependant superflue : selon l'article 33c SGB I, « nul ne peut être discriminé en raison de sa race, de son origine ethnique ou de son handicap pour les bénéfices de ses droits sociaux. »

La Convention tient compte des problèmes spécifiques liés au handicap en affirmant des droits spécifiques pour les personnes handicapées concernant l'accessibilité aux infrastructures (art. 9), à la justice, à l'intégration et à la participation à la vie sociale. L'autonomie et l'inclusion dans la société représentent des droits fondamentaux particulièrement importants pour les personnes handicapées. L'autonomie de la personne handicapée est un objectif qui était déjà au coeur de la législation française (Loi du 11 février 2005), bien que le débat préalable à cette loi n'ait fait référence à aucun texte des Nations Unies ni aux travaux du Conseil de l'Europe en la matière. L'autonomie des personnes s'exerce en premier lieu par l'exercice d'une activité professionnelle. « Toutes les personnes handicapées qui le peuvent ont vocation à travailler (fut-ce de façon réduite) et ce, en « milieu ordinaire » (F. Kessler, « L'autonomie des personnes handicapées dans la loi du 11 février 2005 », Revue de droit sanitaire et social, p.382). Des droits spécifiques tels que le bénéfice d'aménagements raisonnables (art. 2, al. 4) leur sont conférés, devant leur permettre d'accéder à l'égalité des chances. Le juge communautaire a précisé les conditions de licenciement d'un travailleur handicapé dans le contexte communautaire de non-discrimination, en tenant compte des aménagements raisonnables dus par l'employeur. Il doit prendre des mesures « en fonction des besoins dans une situation concrète, pour permettre à la personne handicapée d'accéder à un emploi, de l'exercer ou d'y progresser, sauf si ces mesures imposent à l'employeur une charge disproportionnée. » (CJCE, Gr. ch. 11 juill. 2006, S. Chacon Navas c/ Eurest Collectividades SA, aff. C-13/05, point 50). Les législations françaises et allemandes diffèrent sur ce point. La notion d' « aménagement raisonnable » inscrite à l'article 81 IV SGB IX s'applique uniquement aux personnes atteintes d'un lourd handicap (« schwerbehinderte Menschen »), alors que le droit français reste plus général et s'applique aux travailleurs handicapés reconnus comme tels (art. 5212 ; 5213-6 C. du trav.). L'article 81 II SGB IX concernant l'interdiction des discriminations envers les personnes atteintes d'un « lourd handicap » ainsi que l'obligation d'aménagements raisonnables en faveur de ces personnes (alinéa 4) était applicable en l'état avant la date du 18 août 2006, date de l'entrée en vigueur de la loi anti-discrimination (AGG, BGBl. I S. 1897). Alors même que la jurisprudence de la CJCE par l'application de la directive 2000/78/CE du 27 novembre 2000 a créé un cadre général pour la réalisation du principe d'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail. L'article 81 II SGB IX était applicable dans le droit national allemand conformément à la législation communautaire jusqu'à l'entrée en vigueur de l'AGG. Un arrêt de la Cour fédérale du travail en date du 3 avril 2007 (BAG, 3.04.2007, 9 ARZ 823/06) statue en ce sens que l'employeur avait déjà, avant l'entrée en vigueur de l'AGG, l'interdiction de discriminer un employé atteint d'un « simple handicap » (indice inférieur à 50) conformément à l'interprétation de l'article 81 II SGB IX à la lumière du droit communautaire. Le droit allemand avant l'entrée en vigueur de l'AGG n'englobait que les règles applicables à la discrimination des personnes atteintes d'un lourd handicap alors même que la directive européenne ne se limitait pas au « lourd handicap ». La jurisprudence de la CJCE a étendu les effets de la directive 2000/78/CE. La Cour a en effet décidé, « qu'il incombe à une juridiction nationale d'assurer le plein effet d'un principe général de non-discrimination du droit communautaire en laissant inappliquée toute disposition contraire de la loi nationale, et ce alors même que le délai de transposition de ladite directive n'est pas encore expiré » (CJCE, 22 novembre 2005, Werner Mangold c/ Rüdiger Helm, aff. C-144/04, point 79 ; voir aussi : CJCE, 9 mars 1978, Simmenthal, 106/77, Rec. p. 629, point 21). Ainsi, les dispositions allemandes concernant l'obligation d'aménagements raisonnables en faveur des personnes atteintes d'un « lourd handicap » n'étaient pas applicables dans la mesure où elles contredisaient la directive européenne. L'article 81 SGB IX a été modifié dès l'entrée en vigueur de l'AGG (18 août 2006) afin d'opérer à la transposition de la directive 2000/78/CE. Cet article dispose qu' « Il est interdit aux employeurs de discriminer les employés atteints d'un lourd handicap en raison de ce handicap. Il est précisé pour cela que les dispositions de l'AGG sont applicables. » L'AGG, comme la directive 2000/78/CE, ne fait pas référence à une gradation du statut de personne handicapée, ce qui laisse penser que les personnes atteintes d'un « simple handicap » bénéficient aussi de la protection de l'article 81 II et IV SGB IX. La CJCE admet que l'exclusion de la sphère de protection à l'article 81 SGB IX des personnes atteintes d'un « simple handicap » n'est pas conforme au droit communautaire (CJCE, 23 février 2006, Commission contre Allemagne, aff. C-43/05). L'article 3 III 2 GG fait état des personnes handicapées sans toutefois en donner de définition. La problématique de la notion de handicap au sens étroit de personnes atteintes d'un lourd handicap est particulièrement délicate. Dans la deuxième partie du livre IX du Code social concernant l'insertion des personnes handicapées dans l'emploi, le terme de « handicap grave » joue un rôle majeur. Cet article de la loi fondamentale relatif à l'égalité de traitement des personnes handicapées doit s'interpréter de manière pragmatique selon la position dans la société de la personne atteinte d'un handicap (un exemple a été donné par le tribunal constitutionnel concernant l'exclusion à vie de ses fonctions d'une fonctionnaire de police atteinte d'un lourd handicap, BVerfG, 2 BvR 2571/07 du 10.12.2008, point 1 à 17). Enfin, il est fait appel à la participation des personnes handicapées à la vie sociale. Dans ce cadre, l'AGG se base essentiellement sur la participation active et volontaire des personnes handicapées dans la société et à la vie sociale. La loi introduit le concept de budget personnel leur permettant de disposer d'un pécule pour les services dont ils ont besoin, leur apportant une certaine autonomie. Le principe d'autonomie se reflète dans le droit à la mobilité personnelle (art. 20). L'accessibilité aux établissements bâtis en France, résultait d'un foisonnement de textes rendant ce principe difficile d'application, ainsi la loi de 2005 permet de « faire en sorte que les différentes étapes du déplacement soient accessibles et compatibles depuis le lieu de départ, y compris jusqu'au lieu de destination. » (Kessler, « L'autonomie des personnes handicapées dans la loi du 11 février 2005 », Revue de droit sanitaire et sociale, p.382) Le problème en France est que ces règles sont assorties d'exceptions rendant leur application très difficile. La législation allemande interdit la discrimination dans les organismes publics et leur impose de garantir l'accessibilité (bâtiments publics, transports en commun..) (MacColgan Aileen, Niessen Jan, Palmer Fiona, Analyse comparative des mesures nationales de lutte contre les discriminations en dehors des domaines de l'emploi et du travail, VT/2005/062, Décembre 2006, Pays-bas, Belgique).

Les mesures nationales de lutte contre les discriminations en dehors du domaine de l'emploi. Il ressort d'une étude comparative relative aux mesures nationales de lutte contre les discriminations en dehors des domaines de l'emploi et du travail (A. MacColgan, J. Niessen, F. Palmer, Analyse comparative des mesures nationales de lutte contre les discriminations en dehors des domaines de l'emploi et du travail, VT/2005/062, Décembre 2006, Pays-bas, Belgique) que la législation française s'étend à tous les domaines (protection sociale, avantages sociaux, éducation, accès aux soins et aux services, y compris le logement), alors que la législation allemande dispose d'un champ d'application plus restreint qui ne couvre pas la totalité des domaines car les dispositions constitutionnelles et réglementaires sont plus limitées dans leur portée. Concernant la protection des personnes handicapées, le niveau de protection en Allemagne est plus important qu'en France, concernant notamment les aménagements raisonnables. La législation allemande impose des aménagements raisonnables dans un ou plusieurs domaines, alors que la France exige seulement une certaine protection dans quelques domaines tels que l'éducation.

Influence de la Convention sur le droit allemand. Après l'entrée en vigueur de la Convention, chaque Etat l'ayant ratifiée doit mesurer son avancée vers la transposition dans sa législation nationale de la Convention. Le droit allemand est-il prêt pour ce changement ? L'entrée en vigueur du code social (SGB IX) en Allemagne (1er juillet 2007), a permis aux personnes handicapées d'être mieux protégées. La loi relative à l'égalité de traitement des personnes handicapées du 27 avril 2002 (BGBl I 2002, 1467) aspirait à faire tomber les barrières pour l'accessibilité des personnes handicapées aux infrastructures. Le problème de la transposition de la Convention se pose quant à l'application du SGB IX. Les dispositions du SGB IX (Partie 2) relatives au travail et aux services à l'article 68 I SGB IX ne sont applicables qu'aux personnes sévèrement handicapées (art. 2 II SGB IX : degré de 50). Cependant le terme « handicap » défini par la Convention revêt un domaine d'application beaucoup plus large (art.1) qui ne tient pas compte du degré de handicap de la personne. Jusqu'à présent en droit allemand, les personnes « simplement » handicapées n'étaient protégées qu'en vertu de l'interdiction de discrimination aux articles 1 et 7 de l'AGG. Mais cette mesure reste bien insuffisante au sens de la Convention. Les besoins des personnes « simplement » handicapées doivent nécessairement être mieux pris en compte.

Mécanisme du suivi de l'application de la Convention. Le problème de la transposition nationale se pose également quant à la procédure de suivi de l'application du contenu de la Convention (art. 33) que les Etats sont invités à mettre en place. Le problème posé par le mécanisme de suivi de l'application de la Convention consiste en la création d'un point focal au sein de chaque gouvernement et d'un mécanisme national indépendant pour assurer la promotion et le suivi de la Convention. Le Comité de suivi international de la Convention sera mis en place à Genève à l'automne prochain. Il vérifiera si les Etats remplissent effectivement leurs obligations après avoir ratifié la Convention. Afin de mettre en oeuvre les dispositions de la Convention, les Etats devront rendre d'ici deux ans des rapports et bilans détaillés de leurs avancées en faveur des personnes handicapées. La Convention est un instrument juridique contraignant qui fixe ainsi des règles concrètes aux termes desquelles les Etats garantiraient aux personnes handicapées une réelle égalité de jouissance des droits de l'Homme. La protection fournie par les instruments internationaux relatifs aux droits des personnes handicapées ne leur sont pas adaptés. Il s'agit pour la Convention d'amener les personnes handicapées à une pleine participation dans tous les aspects de la vie. Comme l'affirment Gerard Quinn et Theresa Degener, cette Convention est « nécessaire » et vise « à renforcer les instruments existants en la matière.» (Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen – Vers un instrument juridiquement contraignant des Nations unies destiné à promouvoir et protéger les droits et la dignité des personnes handicapées, COM (2003) 16 final). L'Allemagne a mis en place des organismes relatifs à la protection des personnes handicapées et traitant des problèmes de discriminations. La Haute Autorité fédérale de lutte contre les discriminations (« Antidiskriminierungsstelle des Bundes ») et le Commissaire pour l'intégration des personnes handicapées (« Behindertenbeauftragter ») comptent parmi les plus importants. « Dans la sphère française, le handicap croule sous une législation en grande inflation et sous des organismes les plus divers s'interrogeant sur la nécessité de mettre en place une agence de régulation» (A. Boujeka, « La convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées », Revue de droit sanitaire et sociale, 2007, p.799). Quelle sera son application en Allemagne? La réponse a été donnée le 21 mars 2007 par le gouvernement allemand : « Cette question sera vue pendant la procédure de ratification. »

Abréviations

AGG : Allgemeine Gleichbehandlungsgesetz (loi générale sur l'égalité de traitement) BAG : Bundesarbeitsgericht BGG : Behindertengleichstellungsgesetz (loi sur l'égalité de traitement des personnes handicapées) CJCE : Cour de Justice des Communautés Européenne Convention : Convention Internationale relatives aux droits des personnes handicapées, adoptée par l'Assemblée Générale des Nations Unies le 13 décembre 2006. DUDH : Déclaration universelle des Droits de l'Homme GG : Grundgesetz (loi fondamentale allemande) HALDE : Haute autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l'Egalité OMS : Organisation Mondiale de la Santé SGB : Sozialgesetzbuch (code social allemande) TCE : Traité de la Communauté européenne UE : Union Européenne

Bibliographie :

Ouvrages

United Nations publication, The United Nations and persons with disabilities : The first 50 Years, United Nations, New-York, 2000. (Publication des Nations Unies)

United Nations, Handbook for Palemantarians on the Covention on the Rights of persons with disabilities and its Optional Protocol, Genève, n°14-2007.

Revues/Articles

Boujeka Augustin, « Le principe communautaire de non-discrimination et la définition du handicap », Recueil Dalloz 2006, p. 2801.

Boujeka Augustin, « La Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées et son protocole facultatif », Revue Dalloz de droit sanitaire et sociale, 2007, p.799.

Boujeka Augustin, « La définition du handicap dans le droit communautaire (à propos de CJCE 11 juill. 2006, grande chambre, Sonia Chacón Navas c/ Eurest Colectividades SA, aff. 13/045) », Revue Dalloz de droit sanitaire et sociale, 2007, p.75.

Cramer Horst H., « Die Neuerungen im Schwerbehindertenrecht des SGB IX - Gesetz zur Förderung der Ausbildung und Beschäftigung schwerbehinderter Menschen », NZA 2004 Heft 13.

Der Spiegel, « Obamas berster Mann », Nr.2/5.1.09, Gesetze : « Die unverdünnte Hölle », p.26-32.

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Husmann Manfred, « Auswirkungen des Anti-diskriminierungsrechts auf das Sozialrecht », NZA-Beil. 2008-Heft 2.

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Sites

Convention Internationale relative aux droits des personns handicapées : http://www.un.org/french/disabilities/convention/convention.shtml

www.handicap-international.fr

http://www.un.org/disabilities

Décisions/Délibération :

Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen – Vers un instrument juridiquement conraignant des Nations unies destiné à promouvoir et protéger les droits et la dignité des personnes handicapées, COM (2003) 16 final.

Cour de Justice des Communautés Européennes, Grande chambre 11 juill. 2006, S. Chacon Navas c/ Eurest Collectividades SA, aff. C-13/05.

Cour de Justice des Communautés Européennes, 22 novembre 2005, Werner Mangold c/ Rüdiger Helm, aff. C-144/04.

Cour de Justice des Communautés Européennes, 9 mars 1978, Simmenthal, 106/77, Rec. p. 629.

Cour de Justice des Communautés Européennes, 23 février 2006, Commission contre Allemagne, aff. C-43/05.

Décision du Conseil sur la conclusion par la Communauté européenne, de la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées, Bruxelles, le 29.08.2008, COM (2008) 530 final.

Délibération de la HALDE n°2006-24 du 6 février 2006.

Plan d'action de l'Union européenne pour la protection des personnes handicapées, COM (2005) 604 final du 28 juin 2005.

Plan d'action de l'Union européenne pour la protection des personnes handicapées, COM (2007) 738 final.

Rapport :

Hagmann Joachim, « Das Verbot der Benachteiligung Behinderter gemä_ Art.3 Abs.3 S.2 GG und seine Auswirkungen auf das Zivilrecht », Shaker Verlag Aachen 1999.

Etude :

MacColgan Aileen, Niessen Jan, Palmer Fiona, « Analyse comparative des mesures nationales de lutte contre les discriminations en dehors des domaines de l'emploi et du travail », VT/2005/062, Décembre 2006, Pays-bas, Belgique.