Etiquette "CJCE"

Les spécificités techniques des réseaux numériques ont profondément modifié la pratique du délit de contrefaçon : diffusion à très large échelle d’une œuvre contrefaisante, augmentation du nombre des contrefacteurs, difficulté d’identification de ces derniers. Dans ce monde en perpétuel mouvement, comment lutter contre la contrefaçon sur les réseaux numériques ? Une première réponse avait été donnée, au niveau européen (directive 2000/31/CE), par la possibilité de mettre en jeu la responsabilité des prestataires techniques. Onze ans après sa mise en place, comment cette réglementation s’est-elle transposée et concrétisé au niveau national ? Une récente décision du Tribunal de Rome (n°81287/09 du14 avril 2010) invite à revenir sur les systèmes italiens, français et européens de mise en jeu de la responsabilité des prestataires techniques pour des contenus contrevenant au droit d’auteur.   

Le 21 septembre 2005, le Tribunal de première instance de l’Union européenne (TPI) a rendu une décision très controversée dans les affaires jointes Kadi et Yusuf, consacrant la primauté des décisions du Conseil de sécurité des Nations Unies sur l’ordre juridique communautaire. Cette décision a été annulée le 3 septembre 2008 par la Cour de Justice des Communautés européennes (CJCE). Elle s’est très nettement prononcée sur sa compétence à contrôler les règlements communautaires qui transposent en droit européen les résolutions du Conseil de sécurité. La Cour retient ainsi dans son raisonnement que certains principes constitutionnels européens sont inviolables et qu’en aucun cas des résolutions du Conseil ne peuvent y attenter. Elle adopte par ailleurs une position bien plus nette que ne l’avait fait la Cour européenne des Droits de l’Homme (CEDH) dans l’affaire Behrami et Saramati (2005). Enfin, la décision Kadi aura eu également comme effet de faire reculer le Conseil de sécurité dans sa mise en œuvre des sanctions ciblées

L’arrêt de la CJCE dit « Schultz-Hoff », datant du 20 janvier 2009, est relatif aux congés payés non pris du fait d’une maladie. La difficulté consiste à déterminer si ceux-ci peuvent et doivent être reportés jusqu’à la reprise du travail, ou indemnisés en cas de rupture du contrat de travail. En interprétant l’art. 7 de la directive 2003/88/CE, la Cour répond par l’affirmative et s’oppose ainsi au principe « congé pas pris, congé perdu » appliqué jusqu’alors en Allemagne comme en France.

Alors que les décisions rendues par le TPI en 2005 dans les affaires Kadi et Yusuf suscitaient une importante controverse, la CJCE y a mis un terme en statuant le 3 septembre 2008 sur les différents pourvois introduits contre ces décisions. Elle a annulé les arrêts du TPI et consacré l’indépendance de l’ordre juridique communautaire en se déclarant compétente pour contrôler les actes communautaires adoptés en application des résolutions du Conseil de Sécurité des Nations Unies dans le cadre du Chapitre VII de la Charte. La Cour s’est notamment appuyé sur l’existence de principes constitutionnels inhérents à l’ordre juridique communautaire, que même les normes de droit international ne peuvent violer. La Cour refuse d’établir entre le droit international et communautaire une hiérarchie favorable au premier. Elle adopte une position plus claire que celle retenue par la CEDH. Cette jurisprudence illustre bien l’exception communautaire en matière de protection des droits fondamentaux. CJCE 3 septembre 2008, aff. C-402/05 P, Kadi.

La directive communautaire, prévue par l’article 189 du traité de Rome est une norme originale, respectueuse de l’autonomie des Etats. Seuls ses objectifs ont un caractère obligatoire. Pourtant la Cour de Justice des Communautés européennes a été amenée à reconnaître l’effet direct de certaines directives. Cette jurisprudence est accueillie de manière contrastée par les différents Etats. L’étude de la reconnaissance de l’effet direct des directives en Allemagne et en France témoigne de manière plus générale de l’accueil fait par les deux pays au droit communautaire.

Cet arrêt de la CJCE retient notre attention, car en l’espèce, la Cour se doit de répondre à une question relative aux effets des règles de l’OMC. La question de l’effet direct –ou de son absence- des règles de l’OMC lui a été directement posée, ayant été fait valoir par la requérante que les mesures communautaires concernées en l’espèce étaient expressément soumises à l’appréciation de la Cour.

Cet arrêt est intéressant à plusieurs égards. Il aborde aux niveaux communautaire et national la question des conséquences de la contestation de la légalité d’une décision du Conseil, au motif qu'elle serait contraire tant aux principes généraux du droit communautaire qu'aux règles de l'OMC. Les institutions communautaires sont-elles liées par les règles de l’OMC ? La CJCE est-elle donc tenue d’en assurer le respect, tant par ces institutions que par les Etats-membres ? Quelles sont les conséquences pour le rôle d’interprétation du juge communautaire de ces règles ?