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juin
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La lamentation du prépuce, un livre de Shalom Auslander

          A la lecture du titre, on se dit que ce n’est pas le livre de l’année. Effectivement, mais c’est un livre désopilant, intéressant et agréable à lire. La lamentation du prépuce est une autobiographie marquante d’un juif américain qui a eu toutes les peines du monde à se construire et dont la future naissance du premier enfant est vécue comme un danger constant. Pour cette occasion, et parce qu’il veut savoir si lui-même est bien juif avant de circoncire son enfant, il revient sur sa jeunesse, son adolescence et la rencontre de sa femme Orli.
          Shalom Auslander a été élevé dans une famille juive très orthodoxe au sein d’une communauté entièrement tournée vers Dieu, respectant toutes les règles religieuses dans la crainte de Sa vengeance. Cette crainte est inculquée aux enfants : il faut absolument respecter les préceptes de la judaïté car sinon l’on mourra dans d’atroces souffrances. A cause de cela, dès son plus jeune âge, Shalom s’est mis à penser que Dieu s’occupait de lui personnellement, qu’Il voyait et jugeait chacun de ses actes…jusqu’à ce qu’il développe une paranoïa aiguë envers Lui.
          Tout commence à la mort violence et inattendue du père de l’un de ses camarades de classe. Cette mort est considérée par la communauté comme la vengeance de Dieu parce que le père aurait péché. Mais le mort était bon avec ses proches, et respectueux de la religion. Le rabbin qui s’occupe de leur éducation laisse alors planer un doute sur l’enfant du défunt devant toute leur classe : si ce n’est pas le père, c’est donc son fils, étant donné que le père est aussi responsable des péchés de ses enfants jusqu’à ce qu’ils aient atteint l’âge de seize ans… Il n’en fallait pas plus pour que l’imagination du jeune Shalom se mette en branle : il déteste son père, un homme rustre et violent qui se saoule au vin (casher) et fait de chaque shabbat un désastre familial, si bien qu’il aimerait le voir disparaître. 
          S’ensuit alors une série de péchés racontée de façon hilarante, comme par exemple la première fois où il transgresse le shabbat, la première fois où il mange du porc, ou encore sa rencontre avec les magazines et cassettes pornographiques. Malheureusement pour Shalom, il ne se passe rien, son père n’est pas foudroyé par Dieu, mais c’est trop tard : Shalom a pris goût à cette nouvelle vie qui s’offre à lui. Il n’arrête pas pour autant de croire en Dieu, ce qui donne un mélange détonnant de péchés et d’actes de repentance.
          Comme il l’écrit, il n’est pas persuadé que Dieu le surveille, il le sait. A l’annonce de la grossesse de sa femme, il pleure avec celle-ci, mais pas pour les mêmes raisons. Elle, de bonheur ; lui, car il sait que Dieu va profiter de cet événement pour enfin se venger de ses actes d’insoumission. C’est une lutte psychologique qui s’engage entre les deux, une lutte qui fait franchement rire aux larmes.
Le réel intérêt de ce livre est là : la relation à Dieu que Shalom Auslander développe. Il lui parle, l’insulte, lui propose paris et contrats, le provoque par ses écrits, puis les efface de peur qu’Il tue ses proches. Il faut le lire pour y croire tant les situations dans lesquelles il se retrouve sont loufoques, produit d’un mélange de piété et de profane.
          Shalom Auslander détourne, dans son tout premier livre, la religion juive et nous livre une autobiographie atrocement drôle à partir de ce thème qui, originellement, l’est nettement moins. Une écriture fluide, une façon originale de voir Dieu : La lamentation du prépuce est un livre à lire, que l’on soit croyant ou non.
 


La lamentation du Prépuce, de Shalom Auslander, édition 10/18 domaine étranger, 2009, 306 pages


Pierre Gomel


 

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