Répondre au commentaire


Kontroll, l’univers étrange du métro budapestois

31001397 - Posted on 02 mars 2012

 

kontroll-film-hongrois.jpg 

 

 

          Sorti en 2003 et réalisé par le cinéaste hongro-américain Nimród Antal, Kontroll est un film aux multiples facettes ; mêlant comique, fantastique et quête initiatique tout en immergeant le spectateur dans les profondeurs à l’atmosphère si particulière du métro de Budapest, marquée par la figure atypique des contrôleurs. L’originalité de ce voyage lui a d’ailleurs valu une nomination dans la sélection « nouveau regard Â» au festival de Cannes.

 

C’est un œuvre singulière que nous présente Nimrod Antal. Plongés dans les profondeurs moites du métro de Budapest, dans les interminables corridors exhalant une lourde atmosphère synthétique, nous sommes partis pour une incursion dans un milieu étouffant, avec pour seul éclairage la teinte artificielle des néons blafards, omniprésents. Comme emmurés dans les entrailles irréelles de la terre, les contrôleurs endurent la dure expérience d’un milieu hostile, forcés de tourner indéfiniment à travers les longues rames sombres, confrontés à la détestation des passagers.

Pour Bulcsu, il n’y a pas d’échappatoire, le monde du métro l’a englouti et les monumentaux escalators aux marches roulant froidement vers un extérieur jamais entrevu représentent son horizon le plus lointain. Peu à peu, son quotidien prend la tournure d’une quête initiatique ; l’atmosphère  du métro se gorge progressivement de teintes fantastiques, au point d’assujettir son imaginaire, de le hanter de ses couloirs obscurs et perdus. On assiste durant ce film à l’évolution de son visage, à sa peau jaunissante, moite, s’imprégnant de cet air vicié dans lequel il baigne constamment. Son environnement déteint sur lui, dans une sorte de lutte entre intégration et expulsion.

Avec ce film, on fait l’expérience d’un curieux mélange de genres. Souvent drôle, parfois tragique, l’histoire se disperse sur plusieurs plans. Des contrôleurs à bout de nerf, l’auteur peint la fresque sociale d’une catégorie professionnelle aux prises avec un environnement inhumain qui les éprouve, ciblés par des regards qui les méprisent et les rejettent. Cela tout en gardant une légèreté de ton, en nous exposant des rencontres incongrues et des scènes absurdes garnies de personnages truculents. Parallèlement, les éléments fantastiques se distillent au goutte à goutte à travers l’apparition de personnages allégoriques : celle d’une jeune fille déguisée en ourson, guide de Bulcsu dans sa quête initiatique, d’un être sombre, sans identité, maléfique, que l’on n'aperçoit que furtivement assouvir ses pulsions meurtrières en poussant des passants sur les rails, en exploitant en fait la logique d’un milieu comme instrument de mise à mort.

Avec un regard curieux des associations de formes et de couleur, Nimród Antal nous révèle toute la poésie de l’univers du métro.  On reste fasciné tout au long du film par les jeux de lumière hypnotiques des néons, leurs miroitements ondulants sur les parois luisantes des longs corridors. De même, l’attention portée aux détails, la texture finement ouvragée des images nous immergent subrepticement dans un monde parallèle à travers des forêts de symboles, au point où parfois les différents niveaux de lecture s’entrechoquent. Néanmoins, cette richesse nous porte plus qu’elle ne nous bloque et construit une Å“uvre assez complète, dont l’ouverture laisse l’imagination s’exprimer librement.

Ainsi, d’une réalisation originale, d’un sujet inattendu, Kontroll vibre à la fréquence de sa propre réalité et nous expose un enchantement du réel contemporain dans un lieu, considéré seulement comme utilitaire, que l’on traverse habituellement l’esprit absent. Se révèle alors tout le talent de Nimród Antal, qui, en animant les zones d’ombre de notre quotidien, élabore sa propre mythologie.

 

 Gabriel Vogel L1 humanités

Répondre

CAPTCHA
This question is for testing whether you are a human visitor and to prevent automated spam submissions.
15 + 0 =
Solve this simple math problem and enter the result. E.g. for 1+3, enter 4.