La Maison Rouge, ou fondation Antoine de Galbert, accueille, à deux pas de la Bastille, la première exposition, au titre évocateur, de l’allemande Zoé Ka. Diplômée des Beaux-Arts de Berlin, cette jeune artiste de vingt-neuf ans dont le travail tourne autour du mécanisme des peurs et des thématiques de la solitude et de l’enfermement, présente, du 15 janvier au 2 avril 2011, Claustrophobia, une exposition anxiogène qui joue sur le désordre des sens pour confronter le visiteur à ses peurs les plus profondes et viscérales.

 
Le concept ? Un parcours constitué d’une enfilade de pièces, neuf au total, dont il faut trouver pour chacune la porte de sortie. Mais pas question de demander de l’aide pour sortir de ce labyrinthe : on y entre seul, selon la volonté de l’artiste, et aucun visiteur n’est autorisé à passer la première porte tant que le précédent n’a pas franchi la dernière. C’est donc seul face à soi-même qu’on découvre les différentes ambiances créées par la suite de salles qui composent cet étrange parcours.
Il est difficile de décrire les différents moments de cette exposition, qui fait appel à tous les sens et les désordonnent pour mieux perdre son public, car cela nuirait à la découverte de l’œuvre… On peut toutefois prévenir le visiteur curieux et téméraire que l’expérience s’articule autour des contrastes. Eclairages sombres et tamisés ou au contraire lumières crues et aveuglantes, hauteurs de plafond plus ou moins basses qui obligent par moment à se tenir voûté et à avancer le dos courbé, matières froides de l’aluminium ou chaleur du bois, peintures murales noires ou d’une blancheur éclatante, salles nues et dépouillées qui rappellent le vide de l’existence ou miroirs géants qui obligent à se confronter à sa propre image, murs flambant neufs ou sales et décrépis, températures changeantes, espaces vastes et ouverts ou étroits et exigus… Une succession d’ambiances qui obligent chacun à faire face à ses craintes et angoisses personnelles en projetant sur l’exposition son propre vécu et ses traumatismes individuels. La sonorisation des salles est elle aussi minutieusement travaillée. Bourdonnements, sifflements stridents qui vrillent les tympans, résonnance extrême qui décuple le bruit de chaque pas, ou au contraire silence reposant… ou stressant ! La dernière pièce, apothéose de l’angoisse, est plongée dans le noir le plus total et le silence le plus complet. C’est donc en tâtonnant qu’il faut trouver la dernière poignée, clé de la délivrance, qui ouvre la porte de sortie et nous ramène en un lieu connu et rassurant. Retour au hall d’entrée de La Maison Rouge. Des banquettes sont installées pour permettre de reposer ses jambes flageolantes après ce trop plein d’émotions, ou pour accueillir les visiteurs qui observent, amusés, les réactions de ceux qui sortent tout juste de ce labyrinthe « claustrophobique » et oppressant.
 
Cauchemar pour certains et jeu pour d’autres, Claustrophobia sera vécue selon la sensibilité de chacun, l’humeur du jour, et le degré d’appréhension préalable. Car c’est entièrement dans l’imaginaire du visiteur que se construit le phénomène d’angoisse. Construction amplifiée par le « processus d’admission » à la visite : il faut d’abord signer une décharge qui stipule que la personne qui s’apprête à vivre l’expérience n’est ni cardiaque, ni claustrophobe (ou pas trop !), et qu’en cas de problèmes, l’organisateur de l’exposition ne saurait être tenu pour responsable… Rassurant !
En réalité, l’un des hôtes d’accueil de La Maison Rouge nous avoue que la salle plongée dans le noir dispose d’une petite caméra infrarouge, et que le personnel du musée a été formé pour savoir comment réagir en cas de malaises ou de paniques de visiteurs. Peu de risques donc, mais ce cérémonial d’avant-visite, de même que les visages fermés et inamicaux des hôtes et hôtesses qui soumettent le public à ce petit questionnaire, participent au caractère anxiogène de l’exposition, tel que recherché et revendiqué par l’artiste.
 
Claustrophobia sera vécue pour certains de manière ludique, comme un parcours labyrinthique dont le but sera d’atteindre la sortie en un minimum de temps, pour d’autres cela sera plus éprouvant et suscitera quelques palpitations… Et d’autres encore y trouveront matière à réflexion, à travers une plongée solitaire en eux-mêmes. Mais il est certain que cette exposition originale et participative ne laissera personne indifférent !
                                                                   
Joanne Berthier

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