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Anne Cliony, Fascinante : une biographie inspirée mais inutile

La première biographie sur Anne Cliony sort ce jeudi en librairie. Pourtant présenté comme "une exploration dense et fouillée", l'ouvrage de Nina Ryagard se contente d'effleurer le mythe et ne révèle rien d'inédit.

Il suffit d'aimer un minimum Anne Cliony ou le cinéma français en général pour avoir l'envie naturelle d'alimenter un peu plus cet amour avec la lecture de la première biographie consacrée à l'icône. C'est ainsi avec un réel appétit que j'ai ouvert le livre de Nina Ryagard après m'être arrêtée quelques instants sur sa couverture. Sauf que Noël n'est pas encore arrivé et que mon cadeau n'est pas à la hauteur de mes attentes.

Professeur d'études cinématographiques à l'Université Michel de Montaigne à Bordeaux, où elle a également suivi ses études, Nina Ryagard publie en 2007 un recueil de nouvelles intitulé Préparez vos buffets avant de se faire une petite réputation dans la presse deux ans plus tard avec A bout d'esbroufe, un roman qui lui vaut le prix Womina. Avec Nina Cliony, Fascinante, elle s'essaye pour la première fois à l'exercice périlleux de la biographie.

 

Le problème avec cette étude, car problème il y a, c'est qu'on reste désespérément sur notre faim. Ryagard avait cependant toutes les clés en main pour nous livrer une magnifique enquête sur la comédienne, "sorte de Gérard Depardieu au féminin du cinéma français", périphrase flatteuse, entendons-nous bien. Avec deux cent dix long-métrages, quarante-cinq ans de carrière, trois maris, autant de divorces, et deux cent quinze unes de magazines et journaux, ce n'est pas la matière qui manque. Comment s'y prendre, donc, pour dépeindre la vie et l'œuvre de l'icône en quelque trois cents pages ?

 

"Publier ses mémoires c'est, qu'on en soit conscient ou non, dire son envie de postérité, et j'y trouve une tonalité bien trop morbide pour m'affairer à un tel exercice". C'est par là que commence Ryagard. Par un avis bien tranché de la comédienne, lancé à un journaliste il y a deux ans, alors qu'elle avait soixante et un ans, âge où la question commence à se poser pour une star de son rang. Un départ peu original mais néanmoins habile, à première vue en tout cas, en tant qu'il force instantanément l'interrogation. Aux yeux de Cliony, se faire raconter par quelqu'un d'autre que soi n'aurait donc rien de morbide ? Une question à laquelle Ryagard ne prend, contre toute attente, pas la peine de répondre. Il faut dès lors simplement accepter que l'actrice, pour on ne sait quelle raison, a autorisé l'écriture et la publication de cette biographie, sans aller chercher plus loin.

 

S'en suivent de longs chapitres qui reprennent chronologiquement la vie de la comédienne, de son enfance solitaire à La Roche-Sur-Yon jusqu'à son retour sur les planches à l'automne dernier, en passant par son arrivée à Paris à dix-sept ans, sa rencontre avec Truffaut, sa consécration à l'âge de vingt et un ans avec son premier César pour Sa nuit chez Claude, ses autres rencontres, ses autres Césars. A chaque chapitre son fragment de vie, son lot de photos, de films, de citations, d'analyses partielles de films, d'anecdotes. Mais nulle part un entretien entre l'auteur et la comédienne. Le tout ressemble fort à compilation, où l'on n'apprend rien de nouveau.

 

"On a souvent reproché à Anne son caractère volcanique sur les plateaux. Un rien l'exaspère. Sur le tournage des Ombrelles de Boucher, j'ai dû affronter l'orage plusieurs fois. Mais au final, elle donnait toujours ce qu'il fallait. La justesse de jeu incroyable qu'elle offrait à la caméra me bouleversait à chaque fois avec la même intensité." Ryagard cite Godard, lequel fait écho à une cinquantaine d'autres citations qui ponctuent le recueil. Sous la plume de l'auteur revivent ainsi les louanges de cinéastes et nombreux partenaires de jeu de la comédienne, qui construit son mythe depuis plus de quarante ans. Le point de vue adopté relève ainsi davantage de l'anecdotique que de l'analytique, de l'hagiographique plutôt que du sociologique. Si bien que Anne Cliony, Fascinante se lit comme une déclaration d'amour passionnée et non comme une biographie. Moteur essentiel pour l'entreprise d'un tel travail, la fascination de Ryagard pour Cliony apparaît au final comme un frein à la confection d'une étude aboutie et objective. Espérons qu'un de ces jours, l'actrice se décidera finalement à publier ses propres confessions.

 

Nina Ryagard, Anne Cliony, Fascinante, Nouveau Monde, Paris, 2012, 312 pages, 24 euros.

Coline Dussaud.

 

 

 
 

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