Andrée Putman, “ambassadrice du style" : une exposition rétrospective qu’offre la Mairie de Paris à cette designer et architecte d'intérieur française, au talent internationalement reconnu.
Mes lieux sont simples, mais pas dépersonnalisés, sereins mais pas froids, séduisants mais pas opulents, doux mais pas nostalgiques, épurés mais pas restrictifs. » C’est en ces termes qu’Andrée Putman résume son style. Un style chic mais non ostentatoire, un style à la fois classique et moderne, un style qui associe la rigueur et l’harmonie. Car Andrée Putman aime la sobriété, le blanc et le noir, les formes simples, les espaces baignés de lumière.
A ses débuts, Andrée Putman est journaliste pour différents magazines d’art. En 1958, elle est nommée directrice artistique du rayon “Maison” des magasins Prisunic. Elle bouscule alors les traditions en proposant une gamme de vaisselle blanche et de meubles en plastique. Un design qu’elle veut accessible à tous. Et comme l’écrit son ami et disciple Jean Nouvel, en préambule du catalogue de l'exposition, « elle met ses exigences modernes et ses goûts d'avant-garde au service des produits les plus populaires dans le démocratique catalogue Prisunic ».
Elle devient par la suite une référence en matière de décoration. À plus de cinquante ans, en 1978, elle crée son agence, Écart, dont l’anagramme est trace. Il s’agit pour elle de rééditer les meubles qu’elle aime, ceux des maîtres de l’entre-deux-guerres (tabouret de Pierre Chareau, chaise en acier de Mallet-Stevens –exposés ici-). Ainsi, après avoir fait jaillir le beau de matières pauvres avec ses objets en plastique, elle introduit le goût pour une certaine austérité. Selon Michèle Champenois, critique d’art et auteur des textes de l’exposition, elle exprime « le désir d’embellir par soustraction ».
Son génie est de faire de la simplicité un luxe. En 1984, elle aménage l’hôtel Morgans à New York. Pour les salles de bains, elle décide d’écarter le marbre et de le remplacer par un damier noir et blanc de carrelages ordinaires. Elle choisit des lavabos en acier qui ressemblent à ceux des sanitaires des usines. C’est un succès immédiat, à l’origine d’un nouveau genre : le “design hotel”.
Andrée Putman devient alors une femme célèbre que l’on sollicite pour toutes sortes de projets et d’objets. Même les hommes politiques s’y mettent : en 1985, Jack Lang, alors ministre de la Culture, lui commande une table de travail. On regrette toutefois son absence dans l’exposition car elle est désormais dévolue au Premier ministre, à l’hôtel Matignon. Par contre, un diaporama, projeté dans une des alcôves de la salle, montre certaines des réalisations de la designer à travers le monde. On découvre ainsi qu’elle a créé de nouvelles atmosphères pour de nombreux musées, hôtels, boutiques, maisons… Parmi eux, le musée d'art contemporain de Bordeaux, l'intérieur du Concorde, l’hôtel Pershing Hall à Paris, la boutique Guerlain des Champs-Élysées, la maison d'Arielle Dombasle et de Bernard-Henry Lévy à Tanger, les salons VIP du Stade de France…
Outre ces vidéos, pas facilement accessibles à cause de la configuration des lieux et des nombreux visiteurs, deux œuvres majeures sont exposées.
La première est le “Voie Lactée”, un piano demi-queue très sophistiqué, qu’Andrée Putman a dessiné en 2008 pour le bicentenaire de la marque Pleyel. A l’instrument traditionnel, elle a ajouté un porte-partition en Corian® (marque déposée de matériau très utilisé en design pour ses possibilités de création et sa résistance) à damier noir et blanc, sa signature. Cette œuvre rappelle que la musique lui tient à cœur. Fille d'une pianiste émérite, elle a obtenu, à dix-neuf ans, le premier prix d'harmonie au Conservatoire national de Paris.
La seconde est la réinterprétation du mythique “Steamer bag” de Louis Vuitton, réalisée en 2006. Andrée Putman a détourné le premier sac souple destiné aux voyageurs transatlantiques et créé en 1901 par le célèbre maroquinier. La toile en damier laisse progressivement place à une toile monogramme. Par la création d’un dégradé, on passe de la couleur au noir et blanc, du précieux au pauvre. C’est tout l’art du contraste qui caractérise l’œuvre d’Andrée Putman.
Andrée Putman, dont la presse fait le portrait suivant : “Une silhouette. Longue et fine. Droite comme «I». Le cou est élancé, la mèche cache un œil bleu vif, le sourire ironique plisse la bouche. Son port de tête altier est le point culminant de sa stature. Du haut de son mètre soixante-quatorze, elle déroule une élégance sans faille. Ses tailleurs-pantalons sombres sont toujours impeccables.” (Le Figaro, 18/11/2010). Un portrait qui, a priori, pourrait faire peur au public novice mais que cette exposition rétrospective adoucit, en faisant découvrir aux visiteurs une artiste à la fois rigoureuse et fantaisiste, et en touchant aussi bien les privilégiés que les quidams. Une exposition qui fait aimer cette architecte d'intérieur au parcours loin des convenances et à la notoriété née en dehors de l’hexagone.

Andrée Putman, ambassadrice du style
Exposition à l'Hôtel de Ville de Paris, 5, rue Lobau, IVe - Tous les jours, sauf dimanche et jours fériés, de 10 heures à 19 heures. Jusqu'au 26 février 2011 - Entrée libre - www.paris.fr


Catalogue de l'exposition – sous la direction de Catherine Bonifassi et préfacé par Jean Nouvel – Skira/Flammarion - 24,90 €
Direction artistique : Isabelle Cohen – Commissariat : Olivia Putman et Sébastien Grandin – Scénographie : Renaud Pierard – Textes : Michèle Champenois

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