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Christian Bobin, Les ruines du ciel (roman)


Si vous êtes familier de la prose de Christian Bobin, son dernier roman, Les ruines du ciel, peut vous surprendre, non dans son style, mais dans sa forme. Certes, La part manquante (Gallimard, 1989) était une série de nouvelles ; Autoportrait d’un radiateur (Gallimard, 2000) revêtait la forme d’un journal ; et dans nombre de ses romans, le style de Christian Bobin est fragmentaire. Mais jamais encore, à ma connaissance, il n’avait écrit sous une forme aussi spécifique.

Les ruines du ciel est un roman avec un fil directeur, la destruction de Port Royal par Louis XIV, ponctué de diverses digressions, pensées, retours en arrière ou associations d’idées. Aussi nous promenons-nous à travers les siècles avec des portraits de personnalités des XVIIe (Richelieu, Racine, Vermeer, etc.), XVIIIe (Saint-Simon, Jean-Sébastien Bach), XIXe (Emily Dickinson, Thérèse de Lisieux, Mallarmé) et XXe siècles (André Dhôtel, un clochard, Jean Genet, des membres de la famille de l’auteur). Mais c’est aussi une balade géographique dans des lieux très différents (Paris, Poitiers, Le Creusot, Birmingham, etc.) et l’occasion également de découvrir bien des animaux sous un nouveau jour. 

L’écriture, la lecture, la peinture, la musique ; Dieu, la religion, la mort ; les lys blancs, les genêts, les pissenlits, les roses trémières, les lilas ; la famille de l’auteur, son enfance. Autant de thèmes abordés dans une alternance d’alexandrins, de décasyllabes, de sentences, de formules, ou encore de prose poétique. C’est un de ces romans protéiformes que l’on peut ouvrir au hasard des pages pour en lire quelques lignes sans être prisonnier de la linéarité de l’œuvre.

La forme nous invite à picorer ici ou là une idée, une pensée, une réflexion, une interrogation. Certes, isolés du tout, ces fragments ne sont pas pleinement compréhensibles, et n’ont pas forcément de sens – si ce n’est un sens poétique – mais replacées dans l’économie générale de l’ensemble du roman, ces quelques phrases énigmatiques n’ont guère d’importance.

On peut regretter que Christian Bobin ne développe pas certains thèmes, donnant parfois l’impression qu’il écrit davantage pour se faire plaisir, que pour être totalement compris. La plupart du temps, il réussit néanmoins à nous faire partager ses émotions, ses doutes, ses interrogations, et les thèmes qui l’émeuvent deviennent un peu les nôtres.

 

Christian Bobin, Les ruines du ciel,  Paris, Gallimard, 2009, 15,50 euros.