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lun, 12/05/2011 - 20:11 | Ajouter un commentaire


Le Théâtre de verre, 17 rue de la Chapelle, XVIIIe arrondissement. D’anciens entrepôts désaffectés, prêtés par la mairie de Paris, un squat fondé à l’origine par un collectif d’artistes mené par le plasticien Luis Pasina. Peinture, cirque, tango... Cela fait huit ans maintenant que le groupe fait frémir l’art et la culture dans la capitale, soutenu par L’Association Co-Arter. C’est dans ce lieu unique et étonnant que Thomas Blumenfeld et Simon Falguières, les metteurs en scène et comédiens de Bureau, nous ont reçus. Bienvenue dans l’univers du Collectif du K ! 

 

MCEI : D’où vient le nom du Collectif du K ?

Simon Falguières : Il y a plusieurs histoires à l’origine du collectif. La toute première reste la nouvelle de Buzzati, Le K. Lors des premiers comités de recherche du collectif, on se racontait et re-racontait l’histoire en se demandant ce qu’elle nous inspirait. Pour vous raconter l’histoire, c’est celle d’un jeune garçon, Stefano qui rêve de devenir marin, « le plus fort des marins », comme son père. Mais le K, cette bête fantastique qui dévore les humains, selon la légende, a jeté son dévolu sur Stefano. Il le suit dans le sillage du bateau. Le père de Stefano lui interdit de retourner sur la mer mais le jeune garçon n’y résiste pas et, à la mort du père, il fait le tour du monde en bateau. Le K l’attend toujours et le suit encore et encore. A la fin de sa vie, Stefano se décide à rencontrer la bête. Il va pour le tuer quand le K lui déclare qu’il était envoyé par le dieu de la mer afin de lui remettre la perle du bonheur. Très vite, on s’est aperçu que toutes les interprétations étaient possibles. Pour moi, c’est une belle métaphore qui explique que nous devons affronter, comme Stefano, ces choses qui nous suivent, qui nous angoissent En tant que comédiens, cet inconnu prometteur de bonheur, c’est les planches. Mais une fois encore, d’autres membres du collectif ont une toute autre interprétation.

 
 
MCEI : Le Collectif du K a la particularité de travailler avec plusieurs disciplines artistiques : le théâtre, le cinéma, l’écriture…
 
S.F. : Le collectif du K à la base, c’est un groupe d’amis, avec chacun une passion : la vidéo, la photographie, la marionnette… L’intérêt est de faire circuler les projets, mêler les techniques. Cet été, Thomas a joué dans un film, réalisé par Clément Dupeux qui s’occupe du pôle image et qui fait également partie de la Compagnie du K. Mon personnage de Bureau a été créé à partir de l’un de ses films, L’Homme du placard, dans lequel Thomas et moi avons joué. Le réalisateur m’avait demandé de construire un personnage, que lui appelait Franz, qui est grosso modo mon personnage dans la pièce. Pendant longtemps, nous avons maintenu ce lien en jouant Bureau et en passant le film dans la même soirée.
 
MCEI : Comment fonctionne le collectif ?
 
S.F. : À force de vivre ensemble, de discuter ensemble des projets, sans qu’on le veuille, nous trouvons une certaine cohérence. C’est assez drôle d’ailleurs, puisque certaines personnes ont dit qu’elles avaient senti « une patte du collectif » ! Pourtant elle est tout à fait involontaire ! Nous avons toujours refusé de nous imposer une charte esthétique. On ne voulait surtout pas de ça. On voulait créer un ensemble, une dynamique dans les recherches... Ce qui nous faisait surtout peur, au départ, c’est que les différents pôles explosent. Et les comités de recherche nous permettent justement de nous retrouver. Une fois par mois, nous en organisons un pour parler tous ensemble des créations en cours, des réunions à venir, mais aussi des choses purement pratiques… Pour échanger tout simplement ! À chaque fois, nous faisons des exposés, des projections sur des thèmes donnés qui donneront le ton de la prochaine revue…. Le premier était « Origine ». Pour la seconde revue, nous avons interrogé la notion de collectif, d’où son titre « Collectif ? » : qu’est-ce que le collectif, comment le conçoit-on ? En ce moment, nous travaillons autour des « Mondes » avec un « s ».
 
MCEI : Pourriez-vous nous parler de vos inspirations pour Bureau, de ce qui a motivé la création du numéro ?
 
S.F. : Elles sont davantage cinématographiques que théâtrales. Dans le son, il y a quelque chose de Tati par exemple. Le but était de retrouver l’esprit vieille école du music-hall. De tels établissements n’existent malheureusement plus à Paris. Quand on y pense, Chaplin, Keaton, Etaix… ils ont tous commencé au music-hall ! Ça nous a fait rêver ! Cette idée de faire son métier sur les planches, de faire son numéro après une contorsionniste, avant un magicien… Avant le spectacle, on se prépare plutôt comme des acrobates que comme des acteurs qui répéteraient pour jouer un Tchekhov. Si on oublie un stylo, si on échange nos classeurs par exemple, si le classeur violet est sur la table de Thomas et le classeur noir sur la mienne, le quatrième numéro est fichu ! Avec Bureau, on se sent plus proche de la famille des acrobates, des contorsionnistes et des avaleurs de couteau ! En fait, on a travaillé comme deux trapézistes le feraient.
 
 
MCEI : Bureau est un numéro comique. Faire rire un public est un véritable défi…
 
Thomas Blumenfeld : Avant toute chose, on voulait s’amuser, prendre du plaisir sur le plateau, avec une forme simple qui nous permette de jouer partout.
S.F. : Thomas le dit très bien, on voulait prendre du plaisir. Et oui, faire rire, c’est un vrai challenge ! En plus, le burlesque est une véritable école. Je me rappelle la première fois qu’on a joué Bureau à La Suite, nous ne savions absolument pas si ça allait faire rire les gens. C’était la toute première fois sur scène et ça a été un bonheur extraordinaire ! Quand le public se met à rire, on peut jouer avec lui. Et puis, ce n’est jamais pareil, les publics sont tous différents, les gens ne rient jamais au même endroit… Avec des enfants, par exemple, je peux refaire dix fois le gag de la veste, vous pouvez être certains qu’ils riront les dix fois !
T.B. : On a déjà eu droit à des silences sur des gags qui font rire d’habitude !
 
MCEI : Une part de la création dans le burlesque est accordée à l’improvisation. Comment avez-vous construit le spectacle ?
 
T.B. : Au départ, on ne voulait pas se fixer d’univers précis.
S.F. : Ce que j’aime avec ce spectacle, c’est que rien n’était, malgré tout, strictement défini, même si l’on savait qu’on voulait travailler autour du burlesque.
T.B. : Avant chaque représentation, nous ne sommes jamais venus en nous disant « Ah, j’ai pensé à un gag ou a un truc que l’on pourrait ajouter ! ». Le numéro s’est vraiment étoffé au fil des représentations. Les choses sont venues d’elles-mêmes. Par exemple, le gag de la lampe qui s’enlève est né d’un accident ! Quand ça se produit, c’est magique ! Si cela avait été préparé minutieusement, ça n’aurait pas fonctionné aussi bien. Venir sur le plateau avec une idée, c’est le meilleur moyen de se rater justement. En fait, si ça nous fait rire c’est que c’est bon signe !
 
MCEI : Quels sont vos projets après le Festival Nanterre sur Scène ?
 
S.F. : Il y en a plusieurs : le collectif monte beaucoup de projets. Nous comptons rejouer tous les deux. Sûrement dans un spectacle qui sera construit autour de poèmes écrits et mis en scène par un autre comédien du collectif du K. Bureau continuera à tourner… dans des comités d’entreprise pourquoi pas ! La nef des fous dans laquelle Thomas joue, et que je mets en scène, sera encore représentée. Un autre spectacle, Le songe du réverbère se monte pour le mois février. Thomas, de son côté, crée des marionnettes et joue dans un film… D’autres soirées du K sont prévues également !
 
MCEI : Quant à l’expérience du burlesque, souhaitez-vous la poursuivre ?
 
S.F. : Le songe du réverbère, notre prochain spectacle, est entièrement muet, mais pas forcément comique. On y retrouve des clowns ou en tout cas des personnages burlesques. On compte faire un clin d'œil à Bureau d’ailleurs, mais pour l’instant, nous en sommes encore au processus de création. Mais oui, nous souhaitons poursuivre l’aventure du burlesque. Il y quelque chose d’intemporel dans ce genre. Avec sept comédiens, nous avons créé un numéro burlesque qui s’appelle Le dîner en ville ; il dure quinze minutes et finit en tarte à la crème. Voilà un gag typique du cinéma muet qui n’a pas d’âge…
T.B. : … et qui marchera toujours !
S.F. : Tout comme le gag de la banane ! Un artiste comme Chaplin fait encore rire les enfants à l’heure actuelle, le muet en général d’ailleurs. Un ami m’a conseillé de présenter Bureau à l’International Visual Theater. C’est quelque chose qui pourrait être très intéressant, jouer à l’étranger aussi. D’autant plus qu’avec Bureau, nous touchons des personnes qui ont des statuts sociaux complètement différents : un employé d’entreprise, un féru de culture… Le burlesque, c’est universel !
 
 
 
Propos recueillis par Samia El Hadj et Marie Ferreboeuf.
 
Bureau, mardi 6 décembre à 18h au Théâtre Bernard-Marie Koltès, dans le cadre du Festival de Nanterre sur scène. De et par Thomas Blumenfeld et Simon Falguières  et Juliette Didtsch du Collectif du K.
 
 


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