Tu es beau Arlo. Les paysages que tu traverses sont beaux, les effets de matières sont beaux eux aussi. Le spectateur pourrait aller jusqu'à se demander si les paysages ne sont pas en prise de vue réelle. Et c'est fort dommage, parce qu'en dehors de cette prouesse technique, il n'y a pas grand chose. On ne vibre pas, le rapport avec le spectateur apparaît comme trop formaté et laisse entrevoir une trame qui se déroule linéairement, sans surprise. Nous pourrions même parler de LA trame, celle utilisée des millions de fois, et pas seulement au cinéma. Mais nous accepterions de fermer les yeux sur la redondance du propos, si nous étions emmenés au-delà. La comparaison avec Vice-Versa ne pourra être évitée dans les prochaines semaines et Le Voyage d'Arlo en souffrira indéniablement.

Pourtant les premières minutes du film sont prometteuses, avec une idée de base simple mais efficace : et si l'astéroïde qui a mis fin au règne des dinosaures, il y a 65 millions d'années, ne faisait que frôler la Terre ? Les réalisateurs (ils ont souvent changé sur ce projet) ont imaginé une préhistoire alternative dans laquelle nous retrouvons des apatosaures fermiers, des ptérodactyles fanatiques, des tyrannosaures en éleveurs de bétails. À l'opposé, l'homme en est toujours à ses premiers balbutiements. Spot, un jeune garçon affublé de ce nom lors d'une joute verbale avec un tricératops collectionneur d'êtres vivants, doublé par Eric Cantona, est le fier représentant de son espèce. Plus habile et instinctif qu'Arlo, il l'aidera à avancer pour dépasser ses peurs. Ce renversement des rapports apporte quelque chose de nouveau. Cependant le film est très vite rattrapé par l'envie d'être rentable avec un univers peuplé de dinosaures empreint d'une imagerie mythique et de conquête, celle du Far West.

Une fois passée la petite étincelle provoquée par cette idée d'une préhistoire alternative, voilà que l'histoire « à la Disney » vient enfoncer des portes ouvertes , encore et toujours. Arlo est le plus petit de sa famille, le plus chétif et le plus craintif. Il se retrouve perdu loin de chez lui. À la manière de Simba, dans le Roi Lion, il a vu son père mourir sous ses yeux, non pas emporté par une marée de buffles mais bien par un raz-de-marée. Se dessine alors clairement la volonté de faire mûrir ce jeune dinosaure à travers la découverte de l'autre, l'apprivoisement de Spot et l'acceptation de soi. Ces thèmes ont pourtant déjà été maîtrisé par Pixar : Là-haut, Wall-E, Toy Story ou encore les indestructibles. Ils savent apporter ce quelque chose en plus qui donnent une âme à ces sujets. Il y a des moments dans le film où l'on touche du bout des doigts ce petit « truc » en plus ! Et l'instant d'après tout retombe, la potentielle subtilité des personnages se retrouve balayer par la lourdeur du propos.

Tout se déroule comme si toutes les aspérités possibles du film étaient gommées, malgré des thèmes comme l'exclusion ou le deuil. On ne veut pas perturber le spectateur, Il y a de courts moments où l'on pourrait basculer dans une matière plus complexe, comme la scène avec les ptérodactyles qui dévorent une petite créature avec des grands yeux de manga ou lorsque Spot aperçoit d'autres êtres humains au loin et qu'Arlo l'empêche de les rejoindre.

La question de la rentabilité, évoquée plus haut, se pose de manière légitime à cette période de l'année : Arlo sort le 25 novembre avec indiqué « Au cinéma Noël 2015 ». Pourtant le 25 novembre ce n'est pas la même chose que le 25 décembre. Noël n'est que dans un mois et déjà la communication autour de ce film cherche à vous faire acheter des produits dérivés. Il suffit d'aller sur AlloCiné pour s'en rendre compte : avant chaque bande-annonce vous trouverez deux publicités pour vous donner envie d'acheter des figurines tout droit sorties du film. Il n'a pas encore trouvé sa place dans les salles de cinéma que déjà on essaye de vous faire croire qu'il est un incontournable, un futur classique. Et tous les incontournables, c'est bien connu, engrangent des chiffres d'affaires colossaux grâce à leurs produits dérivés. Ces supers gadgets essayeraient-ils de nous faire oublier, discrètement, la fadeur d'Arlo?

Le Voyage d'Arlo oscille entre instants de grâce, plus rapides qu'une comète, et lourdeur de la trame. Espérons qu'il ne sonne pas le glas de la magie Pixar.

 

 Écrit par Alice Sammut et Gaëlle Vizy

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