Pour la première fois de son histoire, le Musée du Quai Branly présente un ensemble d'oeuvres remarquables, encore inconnues du public. L'exposition Esthétiques de d'Amour met à l'honneur l'art des populations Nivkhes, Aïnours, Nanaï, Orokes et Hezhe : un voyage esthétique et spirituel en Sibérie extrême-orientale. 

Aux confins de la Russie, le fleuve Amour serpente sur plus de mille quatre cents kilomètres avant de se jeter dans les eaux froides de la mer d'Okhost. De part et d'autre de ses rives, jusqu'au milieu du XXème siècle, vivent des populations rurales, dont la création artistique est un véritable hommage à la nature qui les entoure. Les oeuvres présentées ont été collectées à la fin du XIXème : un moment charnière, alors que l'industrialisation en marche menaçe la survivances des dernières traditions populaires. Ce sont principalement des vêtements, des objets utilitaires ou cérémoniels.

Les populations de l'Amour partagaient la pratique de la pêche au salmonidés. Dès le début de l'exposition, on découvre avec étonnement et admiration leurs vêtements en peau de poisson. Impossible de rester insensible devant la grâce et la délicatesse avec laquelle ces manteaux cérémoniels, ces pantalons de fêtes et ces bottes de pêche ont été cousus. Tous sont ornés de subtils entrelacs stylisés, brodés dans des tons ocres, rouge ou bleus. 

Un peu plus loin, on retrouve ces mêmes motifs, entre figuration et abstraction, qui recouvrent les boîtes à couture, les ustensiles de chasse, et les pochettes à rabas en peau de rennes. Chacune de ces créations témoignent d'un lien fort et ancestral avec la nature, qui prodigue à la fois moyen de subsistance et matière première.

Comme l'exprime très clairement le titre de l'exposition, les conservateurs ont souhaité proposer au visiteur une découverte avant tout esthétique et visuelle. Pari réussi avec une scénographie contemporaine qui sublime les objets présentés. Le parcours est plongé dans une semi-obscurité intimiste, et la douce lumière des vitrines attire naturellement l'oeil du spectateur. Pas de surenchère : les scénographes ont su ménager des respirations pour la présentation de chaque oeuvre, ce qui nous permet d'apprécier pleinement leur beauté plastique. La dernière partie, moins fournie que les précédentes, est consacrée à leur influence dans le milieu de la mode.

Bien que réussi, ce parti-pris reste quelque peu frustrant. Le choix d'une approche esthétique nous cantonne à un regard européanocentré, qui met de côté la dimension avant tout spirituelle de ces créations. Pourtant, devant la force plastique d'une statuette d'ours sculptée en taille directe dans un tronc d'arbre, avec une économie de moyen époustouflante, nous en avons bel et bien l'intuition. Vivant au rythme de la nature, ces populations animistes partagaient le culte de l'ours, un animal au centre des rituels chamaniques. On aimerait d'avantage être à même de comprendre ces spiritualités inconnues, afin de ne pas apprécier les oeuvres sous l'unique angle du goût pour l'exotisme. 

 

Ana Koriagina, Juliette Pacalet et Gaëlle Vizy

 

Esthétiques de l'Amour, exposition du 3 novembre 2015 au 17 janvier 2016 au Musée du Quai Branly

Répondre

CAPTCHA
This question is for testing whether you are a human visitor and to prevent automated spam submissions.
4 + 14 =
Solve this simple math problem and enter the result. E.g. for 1+3, enter 4.