Baal se fait femme

mar, 01/04/2011 - 16:08

Baal de François OrsoniDans sa première pièce de 1918 Bertolt Brecht personnifie la déchéance humaine avec Baal, un ventripotent amoral. Son nom, il le bêle et l’éructe. Baal est un poète démembré, un animal ivre d’humanité qui ne cherche qu’à ripailler de la vie. La société décrite par Brecht, étonnamment proche de la nôtre, redoute ces individus inadaptés et incapables, où les autres personnages ne font que graviter autour de Baal sans jamais l’atteindre. Celui-ci sera poète, forain, bûcheron ; autant de tentatives décadentes visant à inculper la société d’avoir produit ce débauché, contrastant d’autant plus avec la Nature, le Ciel, la Mer et les Nuages qui demeurent immuables, inébranlables et impassibles.
Pour cette satire de la société, François Orsoni a choisi  la masculine Clothilde Hesme (connue au cinéma surtout avec Les Amants réguliers, 2004 et Chansons d’amours, 2007) pour interpréter cet énergumène donnant énergie et passion durant plus de deux heures. Grâce à une multiplicité de personnages, joués par de remarquables comédiens, la scène se ponctue de concerts de rock, de scènes d’amour tournoyantes, de monologues, de bagarres : tel le bloc de glace posé au milieu de la table, la vie s’écoule, goutte à goutte, parfois brutalisée par les chocs, mais qui finalement, fond jusqu’à l’épuisement, jusqu’à l’autodestruction. 
Le Théâtre de la Bastille nous offre une pièce travaillée, énergique, longue. Le public averti y trouvera matière à penser et à critiquer. Le public novice y verra une émotion forte, tiraillée, théâtrale.
 


Jules Le Fèvre

 

Pour aller plus loin : courte analyse par Hugues le Tanneur

Théâtre de la Bastille