La plus grande peur de l'homme est, paraît-il, d'être enterré vivant. Hypothèse validée face au film de Rodrigo Cortés, Buried. Paul Conroy, camionneur envoyé en Irak par son employeur, s'éveille enfermé dans un cercueil. Il a quatre-vingt-dix minutes, un zippo et un téléphone portable pour sortir de là vivant.

Le scénario pour le moins conceptuel de ce huis-clos en a fait un des évènements cinématographiques les plus attendus de l'année : comment tenir en haleine le spectateur avec un seul acteur entre quatre planches pendant une heure et demie? Pari réussi pour Rodrigo Cortés qui présente lui-même son film comme "une expérience physique, (...) sensorielle, (...) une expérience éprouvante." Cette tension, le réalisateur l'installe dès la première séquence. Après un générique initial dans la tradition des thrillers américains (la musique de Victor Reyes évoquant plutôt des scènes d'action), plus rien. Le noir total, le silence, une attente angoissante, puis quelques légers bruits, enfin une respiration rauque. Lorsque Paul Conroy allume le briquet qui éclaire autant pour nous que pour lui son minuscule espace, nous nous éveillons avec lui, pour mieux plonger dans son cauchemar. Afin de ne jamais perdre cette identification profonde, aucun temps mort n'est ménagé, tant par le scénario que par les prises de Rodrigo Cortés. Celui-ci multiplie les points de vue, accentuant l'effet claustrophobique de son décor. Et ce ne sont ni les bruits qu'on entend de l'extérieur, ni les voix de ceux que Paul parvient à joindre qui nous rassurent. L'au-delà du cercueil semble divisé en deux mondes: celui des bombardements, et celui, peut-être encore plus monstrueux, de l'hypocrisie et du cynisme administratifs. Mais quand on est six pieds sous terre, tout est préférable à cet enfer.

On notera tout de même une fausse note dans ce scénario cauchemardesque: le refus d'assumer le manichéisme inhérent au contexte choisi. Paul Conroy est sans conteste le gentil de l'histoire, mais quand vient le moment de désigner le méchant, l'irakien qui lui fait subir cette torture, on sent une certaine gêne. Un des interlocuteurs américains du prisonnier va jusqu'à justifier cette prise en otage : "Et vous, dans sa situation, ne feriez-vous pas tout ce que vous pouvez ?" Ni Paul, ni le spectateur ne sont prêts à accepter cette nuance maladroite qui ne semble là que pour dédouaner le réalisateur de toute responsabilité quant à un jugement moral du conflit ou une moralité du film.

Pour autant, Buried vaut le détour. Quitte, dans la nuit qui suit sa projection, à garder les yeux ouverts et la lampe allumée...


Marine Badetz

Buried, de Rodrigo Cortés, avec Ryan Reynolds. Durée : 95 minutes. Sorti en France le 03 novembre 2010.