Le trust et la fiducie face à l'ouverture d'une procédure collective, analyse comparée des droits français et italien

Résumé : Par la décision n°10105/14 du 9 mai 2014 la première chambre civile de la Cour de cassation italienne a jugé inexistant un trust dit « liquidateur » c'est-à-dire constitué postérieurement à la déclaration d'insolvabilité du constituant et visant à se substituer aux règles impératives de la procédure collective. La finalité des juges est double, empêcher une utilisation détournée du trust et protéger les créanciers par un retour aux règles de la procédure collective. En droit français, c’est la seconde facette de la fiducie, visant à confier la gestion d’un bien à un fiduciaire indépendant dans un but déterminé, appelé fiducie-gestion qui est susceptible d’être utilisée pour contourner les règles de la procédure collective.

 

« The guardian angel of the anglo-saxon » est l’expression utilisée par David J. Hayton auteur de The Law of Trusts1 pour qualifier l'importance de la notion de trust dans les systèmes de common law. L'use, ancêtre du trust, a été créé par des juristes anglais au XIVe siècle lors des croisades en Terre Sainte pour éviter que les héritiers des chevaliers propriétaires de fiefs ne soient spoliés par les gardiens à qui les chevaliers confiaient leur fief. Interdit en 1583, parce qu'utilisé à des fins de contournement de l'imposition, l'use est remplacé par un procédé similaire, le trust, qui prévoit qu'un settlor cède ses droits à des trustees au bénéfice d'un beneficiary. La décision de la première chambre civile de la Cour de cassation n°10105/14 du 9 mai 20142 concernant le trust « liquidateur » remet en cause, comme pour l'use plusieurs siècles auparavant, la validité d'un procédé soupçonné de vouloir contourner les règles impératives de l'ordre juridique, en l'occurence les règles de la procédure collective.

En effet le trust, institution typique du droit anglo-saxon, suscite la méfiance des systèmes juridiques de civil law. Ainsi, la Convention de la Haye du 1er juillet 1985 relative à la loi applicable au trust et à sa reconnaissance3, a été ratifiée en Italie par la loi n°364/89 du 16 octobre 19894 mais n'a pas été ratifiée par la France, pourtant signataire de la Convention. Le législateur français a en effet préféré consacrer par une loi n°2007/211 du 19 février 20075, la fiducie, « lointaine cousine continentale » du trust anglo-saxon selon l'expression utilisée par Arthur Bertin dans son article « Les utilisations méconnues de la fiducie »6. La fiducie est en réalité un instrument à deux facettes, d'une part, la fiducie-sûreté utilisée par les créanciers précisément comme une sûreté, pour tenter d'être parmi les premiers payés lors de la clôture de la procédure collective, et d'autre part la fiducie-gestion qui a vocation a concurrencer le trust puisqu’il s'agit de confier la gestion d’un bien à un fiduciaire indépendant dans un but déterminé. La Convention de la Haye définit le trust comme un arrangement patrimonial à des fins multiples établi par « acte entre vifs ou à cause de mort, à l'initiative d'une personne nommée constituant, dont l'objet est de placer certains biens, dans l'intérêt d'un bénéficiaire ou dans un but déterminé, sous le contrôle d'un intermédiaire, nommé trustee, qui est investit du pouvoir et du devoir, à charge d'en rendre compte, de gérer ou de disposer conformément à son investiture et à la loi, des biens à lui confiés, lesquels figurent à son nom sur les titres mais constituent une masse distincte qui ne fait pas partie de son patrimoine » (Vocabulaire juridique Le Cornu)7. La différence majeure entre le trust tel que consacré en droit italien et la fiducie instaurée en droit français tient à leur nature juridique respective, le trust étant une relation juridique tandis que la fiducie est un contrat. Cependant le trust comme la fiducie-gestion ont pour conséquence de créer un patrimoine d'affectation, distinct du patrimoine du débiteur et à ce titre ces deux outils juridiques ont théoriquement un rôle important à jouer en matière de procédure collective, qui comme son nom l'indique a pour conséquence principale d'instaurer une discipline collective de règlement des créances et de limiter les revendications individuelles. Le patrimoine d'affectation, conséquence de l'instauration d'un trust ou d'une fiducie-gestion, pourrait alors permettre aux créanciers qui en sont bénéficiaires d'échapper à cette discipline collective.

Ainsi, la première chambre civile de la Cour de cassation italienne a du se prononcer le 9 mai 2014 (n°10105/14) concernant la reconnaissance d'un trust constitué postérieurement à l'ouverture d'une procédure de liquidation nommé « trust liquidateur ». La Cour Suprême y définit le trust « liquidateur » comme la séparation patrimoniale de tout le patrimoine de l'entreprise constituée pour procéder, sous forme privée, à la liquidation de l'entreprise.

La question qui se pose donc est celle de savoir si l'entreprise se trouvant en état d'insolvabilité avéré peut efficacement avoir recours à un instrument juridique ayant pour conséquence de contourner les règles impératives de la procédure collective.

Nonobstant la consécration du trust et de la fiducie-gestion respectivement dans les ordres juridiques italiens et français, ces instruments plus libéraux se trouvent grandement diminués face à l'ouverture d'une procédure collective (I) provoquant bien souvent un retour aux règles de la procédure collective (II).

 

I/ Nécessaire application des règles de la procédure collective dès l'aveu des difficultés de l'entreprise

L'aveu des difficultés de l'entreprise, par la déclaration d'insolvabilité en Italie ou l'état de cessation des paiements en France, empêche l'institution d'un trust ou la stipulation d'une fiducie-gestion (A) pour éviter que ces instruments juridiques ne soient utilisés de manière détournée (B).

A/ L'aveu des difficultés de l'entreprise obstacle à la constitution d'un trust ou d'une fiducie-gestion

Reconnu applicable en droit italien par la loi n°364/89, le trust a ensuite été utilisé dans différentes matières et notamment au cours de procédures collectives comme c'est le cas en l'espèce. L'associée liquidatrice de la s.r.l placée en liquidation le 6 octobre 2009 a constitué un trust le 22 décembre suivant assumant la qualité de trustee. La validité du trust est cependant remise en cause au regard de la criticité de la période durant laquelle il a été instauré c'est-à-dire postérieurement à l'ouverture de la procédure de liquidation. Il s'agit en effet d'un moment charnière suite auquel une certaine méfiance s'installe envers les opérations effectuées et leur validité peut être remise en cause afin d'atteindre les objectifs de la procédure, notamment protéger les créanciers. Le droit français a même nommé le laps de temps entre l'état de cessation des paiements – lorsque l'entreprise ne peut plus faire face au passif exigible avec l'actif disponible – et l'ouverture de la procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, période suspecte. Cette dénomination révèle expressément la méfiance des organes de la procédure face aux opérations effectuées durant cette période.

De l'autre côté des Alpes, l'article 5 de la loi italienne concernant les faillites (n°267/1942)8 dispose que l'état d'insolvabilité est une condition préalable de la déclaration de faillite de la société. L'entrepreneur est dit insolvable chaque fois qu'il se trouve dans un état d'impuissance économique et patrimoniale tel qu'il ne peut faire face à ses propres dettes. En l'espèce, la société a été placée en liquidation le 6 octobre 2009 et se trouvait donc sûrement en situation préalable d'insolvabilité. Néanmoins, la Cour de cassation italienne a plusieurs fois affirmé que l'insolvabilité du débiteur placé en procédure de liquidation doit être appréciée par le juge au regard de la finalité de la procédure collective c'est-à-dire l'égale et intégrale satisfaction des créanciers (Cass., Civ 1ère, 7 mars 2014 n.5402/149, Cass. Civ 1ère, 4 juillet 2013 n.16752/1310 notamment). En l'espèce, la Cour d'appel qui a prononcé l'arrêt attaqué a constaté que le trust a été formé par la société, déjà insolvable, confiant le rôle de trustee au liquidateur même. De plus, les juges du droit italiens, dans l'arrêt pré-cité du 9 mai 2014, précisent que ce n'est pas l'insolvabilité de l'entreprise qui fait obstacle à la constitution d'un trust mais bien la déclaration d'insolvabilité, qui atteste de cet état et déclare la faillite de la société. Enfin, la Cour de cassation italienne, tout comme son équivalent français, juge en droit et non en fait et prend ainsi pour acquise l'insolvabilité de la société pour refuser de reconnaître la validité du trust consenti postérieurement à la déclaration d'insolvabilité du constituant.

Par ailleurs, l'article 15 de la Convention de la Haye du 1er juillet 1985 énonce un certain nombre de matières dans lesquelles il ne peut pas être dérogé – par une manifestation de volonté – à la loi désignée par le conflit de lois du for et en particulier en matière de « protection des créanciers en cas d'insolvabilité » (lettre e). Ainsi, le trust consenti par un constituant insolvable est privé d'effet en droit italien parce que contraire au principe de protection des créanciers prévu par la même Convention qui reconnaît le trust applicable en droit italien. Un tel trust faisant obstacle au déroulement normal de la procédure à cause de la séparation patrimoniale découlant du trust qui empêche la satisfaction des créanciers. Même s'il n'a pas ratifié ladite Convention, le législateur français, qui a instauré la fiducie par une loi n°2007/211 du 19 février 2007, affiche clairement sa volonté de lutter contre la fraude et de ne pas faire de la fiducie un outil d'évasion fiscale. La loi sur la fiducie prévoit ainsi le formalisme du contrat, la manifestation expresse par le fiduciaire de sa qualité de compagnie d'assurance, d'établissement de crédit ou d'entité soumise à la réglementation contraignante du Code monétaire et financier et l'immatriculation du constituant dans l'Union européenne ou dans un État ayant conclu avec la France une convention fiscale contenant une clause d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscale. Le recours à la fiducie a donc été strictement encadré par le législateur au point de diminuer grandement l'intérêt de ce nouveau dispositif.

En l'espèce les juges de la Cour de cassation italienne ont estimé que l'état d'insolvabilité dans lequel était déjà plongée la société, l'ayant conduite à entrer en liquidation privait d'effet le trust consenti par la liquidatrice de la société en cause car le risque était présent que la constitution de ce trust soit vouée à échapper aux règles de la procédure collective. De la même manière, le droit français des procédures collectives prévoit que toute entreprise, personne physique ou société, en cessation des paiements, doit impérativement déclarer cette situation auprès du tribunal dans un délai de quarante-cinq jours, sauf si l'entreprise demande, pendant ce délai, l'ouverture d'une procédure de conciliation. L'état de cessation des paiements ouvre ainsi la période appelée « suspecte » durant laquelle une fiducie-gestion ne peut pas être stipulée.

Les droits français et italiens révèlent donc une dynamique commune tendant à lutter contre une utilisation détournée des procédés juridiques mis à la disposition des acteurs économiques.

 

B/ Prévention d'une utilisation détournée des instruments juridiques mis à la disposition des acteurs économiques

La Convention de la Haye relative à la loi applicable au trust et à sa reconnaissance dispose que les objectifs principaux du trust sont la création d'un patrimoine distinct et le transfert des biens désignés à un trustee chargé des les administrer et de les gérer. En outre, la Cour de cassation italienne précise dans l'arrêt étudié que pour apprécier la licéité du trust il faut en « déterminer la cause selon les circonstances du cas d'espèce », cause qui ne doit pas se limiter à contourner les règles impératives de la procédure collective, en l'espèce de liquidation, ouverte antérieurement à la constitution du trust. Ainsi, la Cour de cassation rappelle qu'il est de jurisprudence constante et de l'avis des juges d'appel que le trust ayant pour finalité de soustraire la liquidation des biens aux organes de la procédure est nul et ne produit aucun effet juridique.

De plus, dans la décision étudiée, les juges du droit détaillent trois cas d'institution d'un trust lors d'une procédure collective. Ils précisent que lorsque le trust substitue dans son intégralité la procédure de liquidation afin de réaliser avec d'autres moyens un résultat équivalent l'institution d'un trust n'offre pas de valeur ajoutée par rapport aux règles de la procédure de liquidation prévue par l'ordre juridique italien et est donc interdit. En revanche, quand il est prévu de façon alternative aux règles de la procédure collective – favorisant l'autonomie des parties – ou bien se substitue à la procédure collective empêchant la dépossession de l'entrepreneur insolvable des biens faisant partie du patrimoine social – prévue d'office lors de l'entrée en procédure de liquidation – la licéité et donc la reconnaissance du trust découlent des circonstances de l'espèce.

En effet, la conséquence inacceptable du trust, que veut empêcher la Cour de cassation est que par ce procédé le patrimoine social soit soustrait aux procédures publiques et aux organes de la procédure remettant la liquidation à la discrétion du trustee. En l'espèce, même si la qualité de trustee a été confiée au liquidateur ce dernier n'aura pas les mêmes prérogatives s'il agit en tant que trustee ou liquidateur puisque dans le second cas il sera lié par les règles impératives de la procédure collective.

De même en droit français, les nullités de la période suspecte – prévues à l'article L.632-1 du Code de commerce11 – ont pour but la protection des créanciers. En particulier, le 9° de cet article, instauré par la loi 2007-211 du 19 février 2007, dispose de la nullité de « tout transfert de biens ou de droits dans un patrimoine fiduciaire [...]». De même, le 10° prévoit la nullité de « tout avenant à un contrat de fiducie affectant des droits ou des biens déjà transférés dans un patrimoine fiduciaire à la garantie des dettes contractées antérieurement à cet avenant ». Ces dispositions concernant la procédure de redressement judiciaire sont applicables à la liquidation judiciaire par renvoi de l'article L.641-14 du même Code. Le législateur français a ainsi voulu empêcher que la fiducie ne soit utilisée pour contourner les règles impératives de la procédure collective, comme la Cour Suprême italienne l'a fait en limitant la reconnaissance du trust en 2014. En effet, en ayant recours à la fiducie ou au trust pour transférer leurs biens les entreprises placées en procédure collective et notamment de liquidation pourraient avoir pour objectif de « sortir » ces biens du patrimoine social, destiné en principe à la satisfaction prioritaire des créanciers.

Par ailleurs, le formalisme strict et contraignant de la fiducie limite son champ d’application. Dans le cas d’espèce italien c’est l’administrateur chargé de la procédure de liquidation qui est devenu constituant du trust. En France, le fiduciaire ne peut pas être un administrateur ni un mandataire judiciaire mais doit être obligatoirement un établissement de crédit, une entreprise d’investissement, une compagnie d’assurance ou depuis la loi n°2008/776 du 4 août 200812 de modernisation de l’économie, un avocat. Or le rôle de la banque, de l’assureur ou de l’avocat n’est pas de se substituer aux actionnaires ou au débiteur et encore moins de gérer l’entreprise. Pour qu'une entreprise en difficulté puisse utiliser efficacement la fiducie-gestion, la qualité devrait pouvoir être attribuée aux administrateurs ou mandataires judiciaires qui jouent déjà un rôle dans la procédure collective or ils sont encore aujourd'hui privés de cette qualité. L’intérêt de l’utilisation de la fiducie-gestion substitutive aux règles de la procédure collective est donc muselé par le strict formalisme de la fiducie.

La séparation patrimoniale instaurée par le trust et par la fiducie font obstacle au déroulement normal de la procédure de faillite qui soumet les créanciers à une discipline collective. En refusant de reconnaître la validité de la constitution d'un trust, postérieure à l'entrée en procédure collective du débiteur ou en limitant par un formalisme strict le recours à la fiducie-gestion, les juges italiens et le législateur français, respectivement, ont eu pour objectif d'empêcher une utilisation détournée du trust et de la fiducie-gestion qui aurait pour seul but d'échapper aux règles de la procédure collective.

 

II/ Le retour aux règles de la procédure collective, effet principal du refus de reconnaissance du trust ou de la fiducie-gestion constitués postérieurement à l'aveu des difficultés de l'entreprise

Le refus de reconnaissance du trust constitué par une entreprise insolvable est sanctionnée par l'inexistence juridique de celui-ci et par le retour aux règles de la procédure collective (A) même si le trust en question destine le patrimoine à la satisfaction des créanciers ou encore prévoit une clause de sauvegarde (B).

A/ La sanction de l'inexistence et le retour aux règles de la procédure collective

La Cour de cassation italienne invitée à se prononcer sur la reconnaissance d'un trust constitué par une entreprise insolvable a jugé que ce dernier devait être considéré comme inexistant. Les juges de droit précisent qu'en l'espèce le trust n'est pas nul mais bel et bien inexistant c'est-à-dire qu'il ne produit aucun effet juridique. Selon la décision rendue le 9 mai 2014 « le juge qui émet la décision qui prononce la faillite doit procéder incidenter tantum à la méconnaissance du trust liquidateur ». Un tel trust ne produira donc aucun effet juridique, pas même celui de créer un patrimoine distinct, la déclaration d'insolvabilité antérieure à la constitution du trust étant un « obstacle à la reconnaissance du trust ».

En effet, la sanction de la nullité suppose que l'acte ait été précédemment reconnu par l'ordre juridique alors qu'en l'espèce le trust est en contradiction avec les règles impératives de la procédure collective qui s'appliquent dès l'ouverture de la procédure de liquidation. L'acte en cause est donc inexistant, parce que non reconnu par l'ordre juridique italien au vu de l'antériorité de l'état d'insolvabilité. De même, en droit français des procédures collectives, toute entreprise en cessation des paiements a quarante-cinq jours pour déclarer cette situation auprès du tribunal, à moins qu'elle ne demande durant ce délai, l'ouverture d'une procédure de conciliation. A la survenue de l’état de cessation des paiements le débiteur est donc lié par les règles de la procédure collective et ne plus opter que pour une procédure de conciliation ou de redressement ou liquidation judiciaire. Une fiducie gestion stipulée durant cette période serait frappée de nullité, en vertu de l'article L.632-1, 9° et 10° du Code de commerce déjà cité. Ainsi, le trust de droit italien est considéré par la Cour de cassation comme inexistant, tandis que selon le législateur français la fiducie stipulée par une entreprise en difficulté sera frappée de nullité.

Dans le cas d'espèce, l'acte instituant le trust étant inexistant, le transfert des biens ou de l’entreprise censé être opéré par le biais de ce trust est remis en cause. A ce propos l'article 4 de la Convention de la Haye pré-citée dispose que « la Convention ne s'applique pas à des questions préliminaires relatives à la validité des testaments ou d'autres actes juridiques par lesquels des biens sont transférés au trustee ». Ainsi, en vertu de l'article 1418 alinéa 2 du Code civil italien, le trust étant inexistant, l'attribution patrimoniale opérée par l'acte de transfert des biens ou de l'entreprise est privée de sa cause et donc nulle. De ce fait, le liquidateur peut à nouveau appréhender les biens concernés par le trust et procéder à la liquidation selon les règles de la procédure collective.

Au contraire en droit français, les règles de la procédure collective semblent favoriser le recours à la fiducie instaurée par la loi du 19 février 2007. En effet, le VI de l'article L.622-13 du Code de commerce exclut que le contrat de fiducie soit remis en cause par le mandataire judiciaire au même titre que les autres contrats en cours. Cet avantage est cependant a relativiser puisqu'en vertu de l'article L.632-1, 9° et 10° du Code de commerce, tout transfert de biens ou de droits dans un patrimoine fiduciaire effectué pendant la période suspecte est frappé de nullité. Une exception permet néanmoins de sauver les transferts intervenus « à titre de garantie d'une dette concomitamment contractée ». Il s'agit en effet de ne frapper de nullité que les actes susceptibles d'aggraver la situation du débiteur placé en procédure collective à l'exclusion de ceux conclus à titre de garantie.

Le trust consentit en contrariété avec les règles de la procédure collective est inexistant et ce en dépit de la prévision d'une clause de sauvegarde ou de la destination du patrimoine à la satisfaction des créanciers.

 

B/ Clause de sauvegarde et destination du patrimoine à la satisfaction des créanciers insuffisants pour sauver la validité du trust

Dans la décision rendue le 9 mai 2014 les juges de la Cour de cassation italienne précisent que le refus de reconnaissance du trust consenti postérieurement à l'état d'insolvabilité de l'entreprise liquidée demeure même si le trust prévoit la destination du patrimoine social à la satisfaction des créanciers. De même, la présence d'une clause de sauvegarde insérée par les parties lors de l'institution du trust ne suffit à sauver l'efficacité du trust. La clause de sauvegarde est une clause de résolution du trust dès lors que le constituant est soumis à une procédure collective. La Cour de cassation retient cependant que cette clause est inopérante, au même titre que l'intégralité du trust, privé d'effet de façon absolue puisque non reconnu par l'ordre juridique.

Au contraire, le droit français prévoit une exception à la nullité du transfert dans un patrimoine fiduciaire effectué pendant la période suspecte, un tel transfert n'est pas frappé de nullité s'il est intervenu « à titre de garantie d'une dette concomitamment contractée ». Cette exception a été ajoutée à l'article L.632-1, 9° du Code de commerce par l'ordonnance n°2008-1345 du 18 décembre 200813 et exclu que soient frappés de nullité un contrat de fiducie visant à garantir un créancier qui accepterait de consentir une dette à un débiteur placé en procédure collective.

A la souplesse, relative, du législateur français visant à sauver à tout prix le débiteur en difficulté, s'oppose l'intransigeance des juges italiens face au trust consentit en période de crise qui est source de questionnements notamment parce que le trust « liquidateur » comme la procédure collective ont pour but de remédier aux effets des difficultés économiques et financières auxquelles la société doit faire face. Le refus de reconnaissance de la Cour de cassation semble particulièrement sévère à l'égard du trust, a fortiori quand lors de sa constitution le patrimoine social est destiné à la satisfaction des créanciers.

En adoptant une telle position de rigidité face au trust les juges italiens semblent lui ôter tout un domaine de compétence, celui de la procédure collective et donc de l'entreprise en difficulté, en « faillite » selon le vocable italien, abandonné en France. En effet, les entreprises pour lesquelles une procédure collective est ouverte sont celles qui montrent des signes de grandes difficultés voir de faillite et sont donc souvent déjà en état d'insolvabilité. La sanction de l'inexistence du trust institué par un constituant insolvable visant à protéger les créanciers en leur garantissant l'accès aux règles et aux organes de la procédure collective a donc pour effet de réduire significativement l'application du trust en matière de procédure collective.

Au contraire, la France qui en ne ratifiant pas la Convention de la Haye de 1985 pouvait sembler réfractaire à la traduction en droit français d'une institution méconnue, typique de la common law, a fini par instaurer par une loi de 2007 la fiducie qui en pratique n'est pas si éloignée du trust. Ayant consacré un procédé propre à son système juridique, le législateur français est plus apte à l'utiliser et favorise le recours à la fiducie en période de procédure collective.

 

 

Bibliographie

 

Ouvrages

▪ Barrière F., La réception du trust au travers de la fiducie, Bibliothèque de droit de l'entreprise, 2004

▪ Bertolotti G., Poteri e responsabilità nella gestione di società in crisi, Giappichelli Editore, 2017, pp.119-132

▪ Cornu G., Association Henri Capitant, Vocabulaire juridique, 11e Ed., PUF, 2000

▪ Esquiva-Hesse S. et Bent-Mohamed K., Fiducie-gestion : impacts des réformes et perspectives potentielles en matière de restructuration, Journal des sociétés n°66, juin 2009, pp.47-54

▪ Hayton D.J., The Law of Trusts, 3e Ed, Sweet & Maxwell, 1998

▪ Pérochon F., Entreprises en difficulté, 10e Ed., LGDJ lextenso éditions, 2016

 

Articles

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http://www.bruno-bedaride-notaire.fr/fr/article/etudes-droit/presentation-juridique-fiscale-et-comptable-de-la-fiducie/actualites.html

▪ Arthur Bertin, Les utilisations méconnues de la fiducie, Editions Francis Lefèbvre [en ligne], publié le 21 mars 2017

https://www.efl.fr/pratique/avis-experts/affaires/details.html?ref=ui-e9e501bf-f4ef-46d2-a683-9092df9f3b91

▪ Cresti A., Avocat, Dichiarazione di fallimento e società in liquidazione : rassegna di massime giurisprudenziali, Legale Pratico [en ligne], publié le 18/09/15

http://legalepratico.blogspot.fr/2015/09/dichiarazione-di-fallimento-e-societa.html

▪ Dimundo F., Avocat, Cassazione civile, sez 1, 09 maggio 2014, n.10105, Il caso.it [en ligne], publié le 14/05/2014

http://mobile.ilcaso.it/sentenze/ultime/10405

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https://www.ecnews.it/ma-che-cose-il-trust-e-a-cosa-serve/

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Textes officiels

▪ Com. 12 novembre 1997, Bull. civ. IV, n°287, D.1998. Somm. 325, obs. Honorat

▪ Code civil, art. 2011

▪ Code de commerce, article L.622-13

▪ Code de commerce, article L.632-1 et L.641-14

▪ Convention de la Haye, 01 juillet 1985, applicable à la loi relative au trust et à sa reconnaissance, articles 2, 4 et 15

▪ Legge fallimentare (Regio Decreto 16 marzo 1942 n.267), articoli 5 et 10, riformata dal d.lgs 09 gennaio 2006, n.5/09, articolo 9

▪ Legge 16 ottobre 1989, n. 364 , ratifica ed esecuzione della convenzione sulla legge applicabile ai trusts e sul loro riconoscimento, adottata a L'Aja il 1° luglio 1985 (GU Serie Generale n.261 del 08/11/1989 – suppl. ordinario n°84)

▪ Loi 2007/211 du 19 février 2007 instituant la fiducie modifiée par l’article 14 de la loi n° 2008/776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie article 14 et l’ordonnance n° 2009-112 du 30 janvier 2009 portant diverses mesures relatives à la fiducie, ratifiées par la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit (article 138).

▪ Ordonnance n° 2008-1345 du 18 décembre 2008 portant réforme du droit des entreprises en difficulté ratifiée par la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 (article 138)

▪ Ordonnance n° 2009-104 du 30 janvier 2009 relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme transposant la troisième directive sur la lutte contre le blanchiment d’argent ratifiées par la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 (article 140)

▪ Sentenza Corte di cassazione, Prima Sezione civile, 9 maggio 2014, n.10105/14

▪ Sentenza Corte di cassazione, Prima Sezione civile, 7 marzo 2014 n.5402/14

▪ Sentenza Corte di cassazione, Prima Sezione civile , 4 luglio 2013 n.16752/13

 

 

 

 

 

 

 

1 Hayton D.J., The Law of Trusts, 3e Ed, Sweet & Maxwell, 1998

2 Sentenza Corte di cassazione, Prima Sezione civile, 9 maggio 2014, n.10105/14

3 Convention de la Haye, 1er juillet 1985, applicable à la loi relative au trust et à sa reconnaissance

4 Legge 16 ottobre 1989, n. 364 , ratifica ed esecuzione della convenzione sulla legge applicabile ai trusts e sul loro riconoscimento

5 Loi 2007-211 du 19 février 2007 instituant la fiducie

6 Arthur Bertin, Les utilisations méconnues de la fiducie, Editions Francis Lefèbvre

7 Cornu G., Association Henri Capitant, Vocabulaire juridique, 11e Ed., PUF, 2000

8 Legge fallimentare (Regio Decreto 16 marzo 1942 n.267), articoli 5 et 10, riformata dal d.lgs 09 gennaio 2006, n.5/09, articolo 9

9 Cass., Sez. Civ. I, 7 marzo 2014 n°5402/14

10 Cass., Sez. Civ. I, 4 luglio 2013 n°16752/13

11Code de commerce, art. L.632-1, 9° modifié par Ord. n°2008-1345 du 18 dec. 2008 art. 88

12Loi n°2008/776 du 4 août 2008, LME, art.14

13Ord. 2008-1345 du 18 dec. 2008, art. 88