Sujet : Le Trademark Dilution Revision Act de 2006 et les difficultés de son interprétation en droit américain: Vers un monopole du titulaire de la marque sur celle ci ? Par Véronique Mauduit.

Le Trademark Dilution Revision Act de 2006 révise et concrétise un droit d'action relativement nouveau en droit américain (1995) basé sur la renommée de la marque. Ce droit d'action permet à tout titulaire d'une marque jugée assez « reconnue » par le grand public américain et sur le seul territoire américain de bénéficier d'un droit à agir, et notamment d'un droit d'enjoindre un tiers qui utiliserait la marque de cesser son usage, quand bien même le tiers ne commercialiserait pas des produits similaires susceptibles de créer une confusion dans l'esprit du consommateur. S'il est plus en plus utilisé, ce droit n'en demeure pas moins encore balbutiant : les tribunaux américains ont à la fois du mal à s'entendre sur la notion de renommée et sur l'interprétation de la loi en elle même. Il est intéressant d'observer qu'il existe en France et en Europe un droit d'action assez similairequi cherche à créer un tel droit de protection de la marque en tant que telle, et qui rencontre des difficultés différentes de mise en place ; cela s'explique partiellement par les fondements différents sur lesquels reposent les deux droits .

Introduction : En 1995, le Congrès américain vote, sous la présidence de Bill Clinton, le Federal Trademark Dilution Act. Cette loi propose de protéger les marques « connues » contre les emprunts non autorisés qui pourraient en être faits par des tiers et qui auraient pour conséquence de «diluer » le caractère unique et distinctif de ladite marque, et ce en l'absence même de toute confusion dans l'esprit du consommateur. Jusqu'alors le titulaire d'une marque qui voulait lutter contre l'usage par un tiers d'une autre marque devait emprunter la voie de l'action en contrefaçon et notamment démontrer que la marque utilisée par le tiers, de par les produits qu'elle visait notamment, créait une confusion dans l'esprit du consommateur. De cette façon, la loi américaine entendait d'abord protéger le consommateur et sa liberté de choix. Le droit américain de la protection des marques est particulier dans le sens ou une marque ne nait pas de par son dépôt ou son enregistrement au sein d'un organisme particulier, mais de par son usage. Cet usage se caractérise par une mise sur le marché des produits qu'elle désigne. Cette particularité tient au fait que le droit des marques aux États-Unis est avant tout un droit qui s'est développé sans loi écrite et qui ne fut codifié qu'assez tard au niveau fédéral par le Lanham Act de 1946. Cette loi n'a fait à l'époque que reconnaître des usages existants et n'a pas cherché à consacrer de nouveaux droits. La loi a ensuite connu des aménagements divers qui furent pour certains créateurs de droits complètement nouveaux, comme le fut le Trademark Dilution Act lorsqu'il fut voté et incorporé au Lanham Act en 1995. Mais là encore, la protection de la marque contre « la dilution» de son caractère distinctif était une protection qui existait déjà dans de nombreux états, et la loi fédérale n'a fait, en quelque sorte, qu'harmoniser à la nation entière un protection déjà très présente aux seins des différents Etats (Fundamentals of United States Intellectual Property Law ; Copyright, Patent, Trademark).

Cette loi fut alors amendée en 2006, cette fois sous la présidence de George Bush, afin d'y apporter plusieurs changements important : tout d'abord, la « dilution » de la marque n'est plus factuelle, et peut être conditionnelle. Alors que le plaignant devait rapporter la preuve qu'il avait subi un dommage économique suite à la dilution par le défendeur de sa marque ou d'une marque similaire, il n'a plus qu'à démontrer, depuis la réforme de 2006, qu'il existe un danger, une forte possibilité que sa marque soit dilué suite à l'usage par un tiers d'un signe similaire au sien (Comments on the Trademark Dilution Revision Act, 2006, J. Alison Grabell, WestLawNext). De plus la loi précise quels sont les deux types de dilutions : la dilution de la marque par « ternissement » et la dilution « objective » de la marque. Comme nous le verrons, la première a un fondement équitable, tandis que l'autre a des objectifs et un mécanisme aussi flous que la pratique qu'elle entend limiter, ce qui rend la mise en oeuvre de cette protection très incertaine et donne lieu à des décisions parfois incohérentes les unes avec les autres. Cette difficulté d'interprétation pousse d’ailleurs la doctrine a se poser régulièrement la question du bien fondé de la loi alors même que les plaignants se reposent de plus en plus dessus . Il s'agira dans cet article à la fois d'observer que les régimes français et américains reconnaissent tout deux un régime spécial destiné à protéger les marques célèbres mais aussi d'analyser les transformations récentes de ces régimes, qui requiert pour le régime américain de nouveaux éléments de preuve et qui tout deux posent la question de la disparition d'un élément de preuve jadis essentiel aux actions relatives au droit des marques: la preuve d'une confusion dans l'esprit du consommateur quant aux produits que la marque désigne.

 

I. La reconnaissance d'un régime spécial pour les marque « reconnues ».

  1. La fonction de la marque.

En France comme aux États-Unis la marque est un mécanisme qui sert à identifier un produit et permettre au titulaire d'affirmer son droit de propriété sur ce dernier. La marque est avant tout un outil qui sert son titulaire. Néanmoins, la marque est aussi devenue, avec la naissance et le développement rapide de la société de consommation, un moyen pour le consommateur de se repérer parmi les produits qui lui sont proposés, un moyen pour lui de choisir ce qu'il veut et ce qu'il ne veut pas acheter. Sans doute est-ce parce que les États-Unis ont vu naitre la société de consommation, quel'idée que la marque y est avant tout un indicateur qui sert le consommateur et les nouveaux venus sur le marché  ; cet aspect de la marque est en effet particulièrement protégé par le droit américain. C'est pour cela que lorsque le Trademark Dilution Act a été voté en 1995, les avis de la doctrine ont été très partagé. En effet, l'unique but de cette loi est d'étendre le droit de propriété des titulaires de la marque sur celle ci et de potentiellement empêcher tout usage de celle ci par un autre acteur économique (Comments on the Trademark Dilution Revision Act, 2006, J. Alison Grabell, WestLawNext). Pour de nombreux juristes américains, un tel droit va donc à l'encontre même de la liberté du commerce et de l'entreprise. C'est également une loi qui pour beaucoup restreint la liberté d'expression, puisqu'en ouvrant un droit d'action contre le « ternissement » de la marque, elle permet au titulaire de la marque de lutter contre un usage satirique ou parodique de la marque.

En France, il est entendu que le titulaire d'une marque, en intentant une action en contrefaçon, défend aussi les consommateurs abusés victimes de la désorganisation du marché qui en résulte mais il reste clair que le titulaire défend avant tout son droit sur sa marque et sur sa propriété, qui lui permet de maintenir sa place dans la compétition économique et de se prémunir des abus contre la libre concurrence(La Propriété Industrielle, Frédéric Pollaud-Dulian, Economica, 2011). Le système français reconnaît ainsi depuis longtemps le principe qu'une marque « connue » ou « notoire » doit pouvoir bénéficier d'une protection spéciale. Mais quelle est la nature de cette protection ?

C'est la toute la différence entre le droit français et le droit américain : depuis la loi du 31 décembre 1964, le dépôt de la marque est obligatoire en droit français(L.712-1 du Code de la Propriété Intellectuelle). Ainsi la reconnaissance de la « notoriété » de la marque est utile en ce qu'elle va permettre à un titulaire d'une marque notoire de s'opposer à l'usage de sa marque par un autre acteur économique sans avoir préalablement déposé sa marque en France. Comme le dispose l'article L.711-4 du code de la propriété intellectuelle la notoriété de la marque, même si elle n'est pas déposée, rend le signe indisponible pour constituer un signe distinctif dans la même spécialité. Sa reprise sera jugée frauduleuse et parasitaire car malgré ce défaut de dépôt, la notoriété est une antériorité opposable. Ainsi en droit français, le titulaire d'une marque notoire pourra et devra , dans la plupart des cas, intenter une action en contrefaçon pour faire valoir ses droits (La Propriété Industrielle, Frédéric Pollaud-Dulian, Economica, 2011). Le droit américain, lui, n'exige pas de dépôt pour reconnaître la marque et le bénéfice de posséder une marque « connue » est donc tout à fait différent de celui, formel, reconnu en France : il permet notamment de s'opposer plus facilement à l'usage non autorisé du signe par un tiers et ce alors même que le signe utilisé par le tiers vise des produits tout a faits différents. Le notoriété de la marque américaine permet ainsi, en droit des marques américain, de protéger le signe en lui même tandis que le droit français des marques n'offre à la marque notoire qu'une facilité au niveau formel ; en France, au fond, le plaignant devra toujours prouver qu'il y a confusion dans l'esprit du consommateur, en conformité au principe de spécialité de la marque. Ainsi, l'on comprend mieux pourquoi la réaction de la doctrine fut vive lorsque le Trademark Dilution Act fut incorporé en droit américain en 1995, puisque c'est la fonction traditionnelle même de la marque américaine qui semblait appeler à évoluer.

 

  1. Définition de la marque notoire ou « reconnue ».

Comment les tribunaux français et américains qualifient-ils une marque de notoire ou de « connue » ? Il n'y a ni en droit français ni en droit américain de définition législative de cette notion et ce sont les tribunaux qui ont dû déterminer les critères à prendre en compte pour qualifier une marque de notoire ou de « connue ». Les critères sont principalement les mêmes : les juges vont ainsi prendre en compte l'ancienneté de la marque, quand bien même ce critère à lui seul n'est en rien dispositif, une marque pouvant se faire une renommée très rapidement (dans certains cas avant même d'arriver sur le marché, il suffit que sa venue soit suffisamment relayée par les médias pour en faire déjà une marque notoire : ainsi, par exemple, , du Viagra, La Propriété Industrielle, Frédéric Pollaud-Dulian, Economica, 2011). Les juges vont aussi prendre en compte les moyens mis en œuvre par la marque pour rayonner, comme la publicité intensive, une présence publique importante, l'étendue géographique sur laquelle se déploie la marque. Mais les juges s'intéressent surtout au public car c'est lui seul qui est capable de déterminer si la marque est connue ou « notoire ».

Quel public doit on alors retenir ? En France il a été décidé dans un arrêt Sofil du 20 novembre 1996 rendu par la cour d'Appel de Paris que si tout le public ne doit pas connaître la marque, elle doit être familière à une très large fraction du public. Mais le droit français, sous l'influence du droit européen, parle aussi de marque « renommée ». La marque « renommée » bénéficie des mêmes avantages que la marque notoire mais ne se définit pas de la même manière ; la marque renommée n'a pas besoin d'être aussi connue que la marque notoire comme en témoigne une décision de la Cour de Justice de l'Union Européenne qui a adopté une définition plus libérale de la marque de renommée : « la marque doit être connue d'une partie significative du public concerné par les produits ou services couverts par elle (…)et il ne peut être exigé que la renommée existe dans tout le territoire de l'état membre, il suffit qu'elle existe dans une partie substantielle de celui-ci » (General Motors c. Yplon, 14 septembre 1999). Ainsi la renommée ne s’apprécie-t-elle plus par rapport au « grand public » ou aux consommateurs en général, mais par rapport à une clientèle de professionnels très spécialisé, et la renommée n'a pas besoin de s'étendre à tout le territoire concerné : dès lors, en droit européen, des marques totalement inconnues du grand public ou possédant une reconnaissance purement locale peuvent être qualifiées de marques renommées. Cette conception fut confirmé par un arrêt de la CJCE « Nuno c. Franquet » du 22 novembre 2007(La Propriété Industrielle, Frédéric Pollaud-Dulian, Economica, 2011).

Aux États-Unis la situation est quelque peu différente. Si les critères évoqués supra sont également pris en compte, l'appréciation en matière du public concerné change du tout au tout : c'est le large public américain qui est pris en compte, un public de consommateurs et sur tout le territoire américain. Pour être « connue », la marque doit faire référence à des produits commercialisés sur tout le territoire américain et connu par la majorité des consommateurs américains. Le fait que la marque doive être connu sur la totalité du territoire semble rendre le test plus difficile mais les tribunaux américains ont en réalité du mal à déterminer la renommée d'une marque ce qui ne permet pas de déterminer si les tribunaux retiennent une vision stricte de la qualification de « renommée » : ainsi, un magasin de produits alimentaires, WAWA, comparable à ce qui serait en France l'épicerie « Ed » a été qualifié de marque pouvant bénéficier de la protection alors que le magasin « Fruit in the Loom », un magasin d'habits et de sous-vêtements comparable à Etam, n'a pas été jugé assez « reconnu » pour bénéficier de la protection(Fundamentals of United States Intellectual Property Law ; Copyright, Patent, Trademark). En matière de preuves, il est intéressant de noter que les deux systèmes se reposent énormément sur les sondages que leur présentent les parties.

 

II. L'enjeu que représente le risque de confusion dans l'esprit des consommateurs.

  1. En droit français, le principe de spécialité tend à s'atténuer pour les marques notoires.

En France, comme indiqué plus haut, la reconnaissance de la notoriété ou de la renommée d'une marque sert au titulaire à intenter une action en contrefaçon ou en nullité sans avoir à prouver l'antériorité de sa marque par le dépôt : la simple notoriété fait office d'antériorité. Mais le droit français n'exempte pas le titulaire de la marque notoire du principe de spécialité qui gouverne le droit des marques français et qui gouverne notamment les actions en contrefaçon et en nullité. Le principe est le suivant : le titulaire de la marque peut opposer son droit sur le signe ou un signe proche seulement si le même signe ou le signe proche désigne les mêmes produits ou des produits similaires à ceux protégés par la marque du titulaire. Le même signe pourra donc être utilisé et déposé comme marque pour désigner des produits ou des services différents, même lorsque la marque possède une notoriété ou une renommée particulière. Ici le droit français rappelle que le droit des marques ne cherche pas à établir un monopole du titulaire sur le signe mais que le signe est seulement un moyen pour le titulaire de faire valoir son droit de propriété dans le jeu de la concurrence. À titre d'exemple on peut citer la marque Montblanc qui fait tout aussi bien référence à une marque de stylos de luxe, montres et accessoires qu'à une marque de crèmes desserts. Les deux marques cohabitent sans problème car il est évident dans l'esprit des consommateurs que ce même signe vise deux produits différents créés par des entreprises différentes (La Propriété Industrielle, Frédéric Pollaud-Dulian, Economica, 2011). Cela étant, en matière de marque notoire, le principe de spécialité tend à s'atténuer. En effet comme la marque est notoire, il est plus probable de trouver des situations ou des tiers vont chercher à profiter du sillage de la marque alors même qu'elle ne désigne pas les même produits. Plusieurs raisons à cela : la marque notoire peut avoir une connotation positive dont le tiers veut tirer parti ou encore la rnotoriété est telle que la confusion peut tout de même avoir lieu dans l'esprit du consommateur qui peut penser qu'il y a une partenariat quelconque ou que la marque notoire se diversifie. Ainsi, en matière de marques notoires, le principe de spécialité trouver matière à s'assouplir et permet parfois au titulaire d'une marque notoire ou d'une marque de renommée qui serait également notoire de la défendre lorsqu'elle est reprise en dehors de sa spécialité dans des conditions fautives ou préjudiciables. Toutefois, le droit d'action ne se trouve pas dans le code de la propriété intellectuelle, mais dans le code civil : si le titulaire essaie d'agir pour défendre la valeur de sa marque et non les produits qu'elle représente, il ne pourra intenter qu'une action en responsabilité civile et ce ne sera pas le caractère notoire ou renommé de la marque qui à lui seul fondera le droit d'action mais le caractère préjudiciable ou fautif de l'utilisation de la marque, utilisation qui porte atteinte à la valeur ou à l'image de la marque. Cette option est explicitement prévue par le code de la propriété intellectuelle à l'article L.713-5, il ne s'agit donc pas d'une solution prétorienne destinée à combler le silence de la loi, c'est le droit des marques lui même qui redirige le droit d'action vers la responsabilité civile. C'est sur ce fondement qu'avait notamment été décidée l'affaire « Champagne » en 1993 : dans cette affaire très célèbre, la Société Yves Saint-Laurent Parfum qui avait baptisé son parfum « Champagne », a dû le débaptiser aux motifs qu’elle avait « détourné la notoriété dont seuls les producteurs et négociants en champagne peuvent se prévaloir pour commercialiser le vin ayant droit à cette apellation ». L’action en parasitisme est donc une action en responsabilité délictuelle classique pour laquelle la preuve des trois éléments de l’article 1382 du Code civil sont requis : une faute, un dommage et un lien de causalité. Le champ de cette action est large puisque les entreprises n’ont pas à être directement concurrentes.Il est intéressant de remarquer ainsi qu'en France, un certain courant doctrinal plaide pour un abandon du principe de spécialité en matière de marques notoires( La Propriété Industrielle, Frédéric Pollaud-Dulian, Economica, 2011) alors même que la doctrine américaine s'inquiète, elle, que la protection octroyée aux titulaires des marques « reconnues » aux États-Unis ne soit pas soumise à un tel principe.

 

  1. La difficile interprétation du Trademark Dilution Revision Act 2006 par les tribunaux américains.

Une des principales raisons ayant condit à la révision de la loi originelle de 1995 se trouve dans la décision Moseley v. V. Secret Catalogue, Inc. de 2003. Dans cette espèce, Victoria Secret intentait un procès contre un magasin qui vendait aussi de la lingerie et qui s'appelait Victor's secret. Ici la confusion était grande mais Victoria's Secret choisit tout de même de se reposer sur le Dilution Act de 1995. En rendant sa décision le tribunal de première instance refusa de déclarer Moseley (propriétaire de Victor's secret) responsable de la violation du droit de la marque Victoria's Secret et rejeta également les plaintes de concurrence déloyale invoquées par Victoria 's Secret. La cour détermina que la loi ordonnait que soit prouvée un réel préjudice économique que Victoria's Secret n'avait pas été en mesure de prouver. Les cours d'appel du deuxième et du sixième circuit renversèrent la décision en décidant que l'intention législative était autre et déclarèrent qu'en rejetant la nécessité de prouver un préjudice actuel le tribunal remplissait l'intention législative. Selon eux la loi avait cherché à mettre en place un remède légal national en matière de dilution qui n'empruntent pas les mêmes voies qu'une action en contrefaçon, même en l'absence de confusion. Mais la Cour Suprême retint l'interprétation du tribunal de première instance  ; de nombreux lobbys pétitionnèrent alors pour un changement de la loi.

Ce changement eût lieu en 2006 et augmenta considérablement les chances de réussite de l'action. Tout d'abord parce qu'il suffit au plaignant de démontrer la « possibilité » que sa marque soit diluée pour faire ordonner une injonction contre son adversaire afin que ce dernier cesse d'exploiter la marque. Ensuite et surtout, il est maintenant précisé explicitement qu'il existe deux types de dilutions. La première « ternirait » la marque et se rapproche donc de la notion française de parasitisme comme on l'a vu plus haut. Il n'existe pas de test qui a été établi au niveau fédéral pour déterminer quand est ce qu'il y a ternissement de la marque, mais généralement trois critères sont pris en compte dans les différents Etats : Il y a ternissement de la marque dès qu'il y a association de la marque avec une activité nuisible ou perçue comme malsaine (pornographie, drogues, films satiriques), il y aussi ternissement lorsque la marque reconnue est utilisée par un tiers pour désigner des produits de plus mauvaise qualité ou enfin il y a ternissement si la marque est ridiculisée. Le second type de « dilution » de la marque est plus floue et se veut être un version objectif du concept. La loi offre alors 6 critères que les Cours peuvent prendre en compte pour déterminer si la marque est objectivement « diluée » par l'existence d'une autre marque : 1) le degré de similarité entre les deux marques, 2) le degré de distinction acquise par la marque reconnue, 3) l'étendue de l'usage exclusif de la marque fait par le titulaire de la marque reconnue, 4) le degré de reconnaissance de la marque, 5) si le tiers a essayé de s'associer à la marque reconnue, 6) s'il y a eu, de fait, association entre les deux marques. Si ces critères paraissent clairs et capables de déterminer s'il y a eu dilution, ils permettent aussi de chercher à qualifier les intentions du tiers et se rapproche en cela aussi du droit français et de la notion de parasitisme ou d'usage préjudiciable. Seulement les tribunaux américains ont beaucoup de mal à obtenir des résultats cohérents en utilisant ces critères : d'autant que le juge n'est pas tenu de les suivre et il peut leur en substituer d'autres. Ainsi dans un arrêt Visa Int'l Serv. Assoc. v. JSL Corp. (2008), alors que Visa n'a pas apporté la preuve que le tiers avait cherché à profiter de la renommée de la marque (facteur 5), un facteur qui aurait été décisif en droit français, le tribunal a conclut que Visa avait « démontré de manière exceptionnelle » qu'il y avait eu dilution de sa marque, et ce alors même que la marque attaqué s'appelait EVISA et qu'il n'y avait pas de similarité de produits exploités ...

 

La position américaine, bien que relativement nouvelle, n'est pas si différente des protections similaires que l'on peut trouver en droit français ou en droit européen. Seulement le droit américain a finalement reconnu un véritable monopole du titulaire sur sa marque en dehors de toute fonction, notamment par le biais du concept de dilution « objective » qui ne requiert pas un ternissement de la marque mais seulement un emprunt non autorisé de celle-ci. Il n'est pas demandé au plaignant de prouver la mauvaise foi de celui qui utilise la marque, ce qui rend le droit du titulaire de la marque « reconnue » extrêmement puissant, d'autant plus lorsque l'on considère que la jurisprudence américaine ne mesure pas encore bien la portée de la loi et octroie la qualification de marque « reconnue » à des enseignes somme toute banales.

 

Bibliographie :

Trademark Dilution Act, 1995

Trademark Dilution Revision Act, 2006

Légifrance :

  • Article 713-5 du Code de la Propriété Intellectuelle

  • Article 712-1 du Code de la Propriété Intellectuelle

  • Article 711-4 du Code de la Propriété Intellectuelle

Fundamentals of United States Intellectual Property Law : Copyright, Patent, Trademark ; Sheldon W. Halpern, Craig Allen Nard, Kenneth L. Port, Wolkers Kluwer, 3rd edition.

Comments on the Trademark Dilution Revision Act of 2006, J. Alison Grabell, WestLawNext, 2007.

La Propriété Industrielle, Frédéric Pollaud-Dulian, Corpus Droit Privé, dirigé par Nicolas Molfessis, Economica, 2011