Etiquette "Silence"

L'arrêt With c. O'Flanagan est une exception au principe selon lequel, à la différence du droit français, il n'existe pas en droit anglais d'obligation générale d'information lors des négociations. Dans cet arrêt, l'interprétation extensive de la misrepresentation permet aux juges de sanctionner le silence gardé. Néanmoins, alors qu'en droit français les juges ont instauré une véritable obligation générale d'information fondée sur la bonne foi, la solution rendue se limite uniquement au cas où un changement de circonstances, dont seule l'une des parties a connaissance, viendrait fausser une déclaration faite.

Le 26 mai 2009, par cinq voix contre quatre, la Cour Suprême des Etats-Unis décidait de renverser suite à la demande de l’administration du Président Obama - et au grand dam des associations de défense des libertés civiles - le précédent établi en 1986 avec l’arrêt Michigan v. Jackson. Depuis ce dernier, une personne inculpée ne pouvait légalement être interrogée hors la présence d’un avocat lorsque celui-ci a été expressément demandé par le mis en cause. Plus précisément, cet arrêt créait une présomption selon laquelle toute renonciation (waiver) au droit à un avocat intervenant après que la personne a d’abord revendiqué ce droit lors de son inculpation - ou tout acte de procédure similaire - doit être invalidée automatiquement (à moins que l’individu ait de son plein gré décidé de parler en l’absence de son conseil). En l’espèce, la question posée à la Cour était la suivante : la jurisprudence Jackson trouve-t-elle à s’appliquer lorsqu’un avocat est commis d’office pour la défense du suspect quand ce dernier n’en a pas fait expressément la demande ? Plutôt que de répondre précisément, la Cour Suprême décida de renverser l’arrêt Jackson entièrement : désormais, les aveux ou confessions obtenus par la police en l’absence d’un avocat ne pourront plus êtres écartés par le juge au motif de leur inconstitutionnalité. En France, jusqu’en 1993, le principe du respect des droits de la défense ne trouvait à s’appliquer que dans la phase judiciaire du procès pénal, si bien que l’avocat se voyait tout bonnement écarté de l’enquête policière. Puis, cette question a été soumise au législateur, puis au Conseil Constitutionnel, lequel a affirmé que le droit de s’entretenir avec un avocat au cours de la garde à vue (GAV) constitue un droit de la défense. C’est aujourd’hui la loi du 15 juin 2000, modifiée par la loi du 9 mars 2004, qui établit le régime légal en la matière. Mais pour combien de temps encore ?

Le silence est d’or. En effet, peut-on demander à quelqu’un de fournir des preuves contre lui-même pouvant, de plus, amener à sa propre condamnation ? N’est-ce pas contraire au Droits de l’Homme et au principe selon lequel chacun doit pouvoir bénéficier d’un procès équitable ? Le principe selon lequel l’individu possède le droit de ne pas participer à sa propre incrimination permet de résoudre une partie de ce dilemme, mais comme souvent, différents intérêts, d’égale valeur, peuvent entrer en conflit nécessitant une limitation de l’un au profit de l’autre.

Le peu de preuves obtenues lors d´une instruction peut parfois entrainer l'autorité chargée de celle-ci à user de stratagèmes pour combler ce vide. Les « aveux suscités » (Hörfälle) visent la situation dans laquelle une personne privée est invitée par une autorité investie du pouvoir d'instruction à discuter de façon apparemment anodine avec le suspect afin d'obtenir des renseignements sur sa culpabilité dans les faits, objets de l'instruction et ce, à son insu. Une telle manœuvre, admise par le juge allemand, peut paraître violer le principe de la loyauté de la preuve en droit français mais n'est pas considérée comme généralement inconventionnelle par la Cour européenne des droits de l'homme.

La garde-à-vue et les interrogatoires par les autorités publiques peuvent être le théâtre d’abus. Violence, chantage, menace, mensonge, mauvais traitements…Si l’emploi de méthodes coercitives dans le but de pousser la personne aux aveux, est condamné par la CEDH, celle-ci ne dicte pas, en matière d’admissibilité de la preuve, les conséquences de l’emploi de ces méthodes, qui aujourd’hui encore, suscitent des interrogations en France et en Allemagne.

L’affaire Miranda est connue de tous par la prononciation d’un avertissement lors de l’arrestation d’un individu, lui signifiant notamment son droit au silence et à bénéficier d’un avocat. Les aveux, en tant que preuve, sont recevables si le détenu a, lors de ses dépositions, connaissance de ses droits. En France, le droit au silence existe mais depuis 2003 il n’est plus notifié au détenu. Le législateur français craint-il que la notification du droit au silence favorise l’impunité ?

Miranda v. Arizona, 384 U.S. 436, 1966