Droit des contrats

Le projet de la Commission européenne portant sur le droit des contrats a suscité de nombreux commentaires doctrinaux dans tous les pays européens. A titre d’exemple, on peut citer l’article intitulé « The Common Frame of Reference and the feasibility of a common contract law in Europe » (Journal of Business Law, 2007, Jun, 378-411), écrit par un juriste anglais, Lucinda Miller. Cet article a été publié en 2007 et en tant que tel il fournit une analyse actuelle des propositions de la Commission.

La directive 93/13 sur les clauses abusives introduit la « bonne foi » au niveau européen mais omet d’en définir le concept. Confronté à un terme qui lui est inconnu, le juge anglais le transplante à la lumière de ses propres principes de Common Law. Là où le droit français prône une solidarité contractuelle étendue, la chambre des Lords se borne à imposer une obligation d’information et de raisonnabilité. Le but recherché, à savoir la protection du consommateur, est loin d’être atteint.

Si l’éventualité de la création d’un « code civil européen » a déjà fait couler beaucoup d’encre, il s’agira ici de comparer les points de vue de la doctrine d’un pays de Common Law avec celle d’un pays civiliste, très attaché à son Code Civil, véritable « monument du droit français » selon Gérard Cornu… L’étude comparée de la doctrine anglaise, à travers l’article de Lucinda Miller, et française permettra de se rendre compte des éventuelles divergences de perception du rôle de l’Union Européenne et de la place qu’occupe véritablement la souveraineté des Etats

La directive 93/13 se référait à la notion de « bien » sans en apporter de définition précise. Ce terme, selon qu’interprété à la lumière de la Common Law ou du droit français, comprenait ou excluait les immeubles du champ d’application de la directive. Allant au-delà de la barrière de la langue, le juge anglais accepta dans l’arrêt Newham d’écarter son droit national pour s’aligner à l’esprit communautaire. Il démontrait ainsi que l’uniformisation ne peut réussir qu’avec l’appui des magistrats.

La théorie de l’imprévision est accueillie de façon différenciée au sein des pays de civil law. La France est réticente à admettre cette théorie contrairement à l’Italie qui la reconnait par le biais de l’ « eccessiva onerosità sopravenuta ». Cependant les tribunaux italiens, en s’inspirant de la tradition allemande, ont également créé une autre institution voisine de la théorie de l’imprévision , la « presupposizione ». La Cour de Cassation italienne, par arrêt du 25 mai 2007 en redonne la définition et les contours.

C’est au sein même du mécanisme juridique opérant le transfert de propriété que l’on peut trouver matière à la comparaison. Le Code Civil espagnol notamment en son article 1095 CCE proclame le principe de la “tradición real” par la remise effective réelle de la chose au moment de la vente. La volonté respective de l’acquéreur et du propriétaire n’est pas suffisante, la remise de la chose vendue est alors nécessaire. La conception espagnole se situe par là à mi chemin entre le droit français inspiré du principe de l’autonomie de la volonté qui n’exige absolument pas la remise du bien fidèle au principe du transfert de propriété « solo consensus » pour parfaire la vente et le droit allemand qui distingue contrat et transfert de propriété. Par là, le droit espagnol se rapproche de la tradition législative américaine tracée par les codes péruvien et chilien. Au sein des systèmes espagnols et français, le concept de propriété est indissociable du transfert des risques. Nombreux en sont les effets contractuels ou juridiques, économiques comme financiers. Le principe de la « tradición real » est le gage d’une protection efficace du propriétaire. Il n’est en revanche pas propice à une économie libérale ce que promeut le système français avec le principe du consensualisme. Sans doute ce particularisme est lacunaire, le droit français pourrait lui être un possible remède. Les systèmes en cause auraient sûrement intérêt à s’inspirer des uns et des autres pour protéger les intérêts en présence.

Dans sa décision du 14 octobre 2004, le BGH (cour de cassation allemande) a décidé qu’un contrat de cautionnement conclu par un salarié au profit de son employeur était nul s´il était victime d´une surcharge financière importante (krasse finanzielle Überforderung). Un tel contrat est atteint de nullité dans la mesure où, il viole les bonnes mœurs (§ 138 du BGB). Cette décision est l’occasion de faire une comparaison avec la situation des contrats de cautionnement illicites en France. Les contrats de cautionnement susceptibles d’être annulés sont-ils similaires en Allemagne et en France ? Le caractère de la surcharge financière joue-t-il dans les deux pays ? Y avait-il une jurisprudence antérieure en Allemagne ? Comment est-il possible de contrôler le contenu de ces contrats ? Autant d’interrogations que nous nous efforcerons d’éclaircir dans ce billet.

Le § 242 BGB et l´article 1134 al. 3 Code civil ont une approche différente de la bonne foi, l´un en faisant un principe général du droit, l´autre le considérant comme un standard juridique. Ces conceptions différentes ont un retentissement sur les conditions d´application : la bonne foi allemande ne requiert qu´une relation juridique particulière alors que le droit français exige une relation contractuelle. Cependant, malgré ces dissemblances, la jurisprudence française arrive aux mêmes résultats en s´appuyant sur d´autres normes, notamment l´article 1135 Code civil.

Si la Doctrine n’est pas considérée formellement en droit espagnol comme une véritable source de droit, la question de la formation du contrat à distance a pu néanmoins lui conférer un véritable statut. L’article 1262 du Code Civil Espagnol (CCE) offre clairement une définition sur la date à prendre en considération pour la conclusion de tels contrats. Il n’en demeure pas moins que l’article est sujet à de multiples interprétations et analyses doctrinales. Différentes théories s’opposent sur la définition de l’instant précis de l’acceptation. Ces mêmes divergences ou oppositions doctrinales d’un point de vue civil ou commercial constituent le point de départ d’un réel déploiement de débats d’idées sur la question. La détermination d’une telle date n’est pas sans conséquences. Des remèdes sont à trouver. Les systèmes juridiques tels l’Espagne ou la France ayant des solutions parfois divergentes pourraient, par une étude comparative intelligente, clarifier leur droit à la lumière de telle ou telle disposition étrangère après avoir mis en balance tel ou tel aspect de la doctrine. Dans ce sens, une inspiration européenne voire internationale serait sans doute utile ou pour le moins nécessaire.